LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
CC
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 3 octobre 2024
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 533 F-D
Pourvoi n° K 23-20.548
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 OCTOBRE 2024
M. [W] [Y], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° K 23-20.548 contre l'arrêt rendu le 16 juin 2023 par la cour d'appel de Montpellier (chambre de l'expropriation), dans le litige l'opposant :
1°/ au département des Pyrénées-Orientales, pris en la personne de sa présidente du conseil départemental en exercice, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à M. le commissaire du Gouvernement, dont le siège est [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Rat, conseiller référendaire, les observations de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de M. [Y], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat du département des Pyrénées-Orientales, après débats en l'audience publique du 3 septembre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Rat, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. L'arrêt attaqué (Montpellier, 16 juin 2023) fixe les indemnités revenant à M. [Y], par suite de l'expropriation, au profit du département des Pyrénées-Orientales, de parcelles lui appartenant.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
2. M. [Y] fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il fixe l'indemnité de reconstitution de clôture à une certaine somme, en excluant le financement d'un mur antibruit par l'autorité expropriante, alors :
« 1°/ qu'il doit être tenu compte, pour l'allocation d'une indemnité d'édification d'un mur antibruit, de l'accord initialement donné par l'autorité expropriante ; qu'en jugeant que M. [Y] n'avait droit qu'à une indemnité de clôture de 1 860 euros analogue à celle allouée aux autres expropriés, au motif inopérant qu'il résulterait du rapport d'expertise amiable produit par l'exposant que l'autorité expropriante n'avait envisagé que l'édification d'un merlon de terre, quand il résultait des propres écritures du département des Pyrénées-Orientales, que M. [Y] s'était vu offrir une indemnité de 12 000 euros correspondant à l'édification d'un mur antibruit, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 321-1 du code de l'expropriation ;
2°/ qu'il doit être tenu compte, pour l'allocation d'une indemnité d'édification d'un mur antibruit, de l'accord initialement donné par l'autorité expropriante ; qu'en jugeant que M. [Y] n'avait droit qu'à une indemnité de clôture de 1 860 euros analogue à celle allouée aux autres expropriés, au motif adopté des premiers juges que l'exposant ne justifiait nullement d'un accord initial de l'autorité expropriante pour la construction d'un mur antibruit, quand il résultait des propres écritures du département des Pyrénées-Orientales, que M. [Y] s'était vu offrir une indemnité de 12 000 euros correspondant à l'édification d'un mur antibruit, la cour d'appel a violé l'article L. 321-1 du code de l'expropriation. »
Réponse de la Cour
3. Aux termes de l'article L. 311-5 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, à défaut d'accord amiable, les indemnités sont fixées judiciairement.
4. Il en résulte qu'à défaut d'acceptation de l'exproprié, l'offre faite par l'expropriant pendant la phase amiable ne lie pas le juge de l'expropriation, celui-ci n'étant tenu que par les demandes figurant dans les mémoires des parties, conformément aux dispositions de l'article R. 311-22 du même code.
5. Le moyen, qui postule le contraire, n'est pas fondé.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
6. M. [Y] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'indemnisation pour dépréciation de la parcelle non expropriée, alors :
« 1°/ qu'une indemnité de dépréciation du surplus est due à l'exproprié, lorsque cette dépréciation découle de l'emprise ; qu'en ayant jugé qu'aucune indemnité n'était due de ce fait à M. [Y], après avoir pourtant relevé que l'exposant allait être dépossédé d'environ 24,5 % de son jardin et que le cadre naturel - flore et faune - donnait tout son charme et toute sa valeur à la propriété de M. [Y], sans en déduire que le surplus non exproprié allait subir une dépréciation, la cour d'appel a violé l'article L. 321-1 du code de l'expropriation ;
2°/ que les juges du fond ne peuvent dénaturer les termes des rapports d'expertise, même amiables ; qu'en ayant énoncé qu'il ne résultait du rapport AEB aucun élément justifiant d'un préjudice résultant de la seule emprise, quand l'expert avait souligné que, du fait de l'emprise, M. [Y] allait se retrouver avec un reste de parcelle dépourvu de végétation, ce qui allait modifier totalement l'esthétique et la structure de son terrain, dépréciant d'autant sa villa, la cour d'appel a dénaturé ce rapport amiable, en méconnaissance du principe selon lequel le juge ne peut dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;
3°/ qu'une indemnité pour dépréciation du surplus est due à l'exproprié, quand cette dépréciation est en lien direct avec l'emprise expropriée ; qu'en jugeant que M. [Y] n'établissait aucun préjudice de dépréciation qui soit en lien avec l'emprise subie par lui, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si la valeur de la propriété de l'exposant ne résultait pas de l'importance de la superficie de son jardin, du charme et de la tranquillité de celui-ci, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 321-1 du code de l'expropriation. »
Réponse de la Cour
7. Ayant exactement énoncé qu'en cas d'expropriation partielle, la perte de valeur subie par le surplus de la propriété peut donner lieu à réparation sous réserve qu'elle résulte directement de l'emprise pour laquelle l'expropriation a été ordonnée, et non de l'implantation d'un ouvrage public, la cour d'appel a relevé que le seul préjudice direct lié à l'emprise est la dépossession de 24,5 % de la superficie de la parcelle appartenant à M. [Y], celle du jardin étant réduite de 3 191 m² à 2 409 m².
8. Elle a souverainement retenu, sans dénaturation du rapport d'expertise officieuse produit par M. [Y], et procédant à la recherche prétendument omise, que s'il résultait de ce rapport que les travaux liés à l'aménagement de la route allaient provoquer une perte de vue et des nuisances sonores, la preuve de la perte de valeur du surplus non exproprié résultant de la seule emprise partielle n'était pas rapportée.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [Y] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois octobre deux mille vingt-quatre.