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02/10/2024 | FRANCE | N°42400524

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 02 octobre 2024, 42400524


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


COMM.


CC






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 2 octobre 2024








Rejet




M. VIGNEAU, président






Arrêt n° 524 F-D


Pourvoi n° Y 23-10.348








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 2 OCTOBRE 2024


M. [X] [F], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Y 23-10.348 contre l'arrêt rendu le 19 septembre 2022 par la cour d'appel de Colmar (1...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CC

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 2 octobre 2024

Rejet

M. VIGNEAU, président

Arrêt n° 524 F-D

Pourvoi n° Y 23-10.348

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 2 OCTOBRE 2024

M. [X] [F], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Y 23-10.348 contre l'arrêt rendu le 19 septembre 2022 par la cour d'appel de Colmar (1re chambre civile - section A), dans le litige l'opposant à la société Banque populaire Alsace-Lorraine-Champagne, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Calloch, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. [F], de la SCP Boucard-Maman, avocat de la société Banque populaire Alsace-Lorraine-Champagne, et l'avis de M. de Monteynard , avocat général, après débats en l'audience publique du 2 juillet 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Calloch, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 19 septembre 2022), le 26 octobre 2010, M. [F] a souscrit, par l'intermédiaire de Mme [O], conseiller en gestion de patrimoine, une opération de défiscalisation s'inscrivant dans le dispositif « Girardin Industriel » à hauteur d'une certaine somme.

2. Le 11 septembre 2013, l'administration fiscale a adressé à M. [F] une proposition de rectification concernant les réductions d'impôts acquises sur l'année 2010.

3. Le 28 juillet 2015, M. [F] a assigné la société Banque populaire Alsace-Lorraine-Champagne (la banque) soutenant que celle-ci avait servi d'intermédiaire dans l'opération de défiscalisation et lui reprochant un manquement à ses obligations d'information et de conseil.

Examen des moyens

Sur les premier et second moyens, réunis

Enoncé des moyens

4. Par son premier moyen, M. [F] reproche à l'arrêt de rejeter ses demandes contre la banque alors :

« 1°/ que la banque qui participe à la commercialisation d'un produit d'investissement destiné à bénéficier d'un dispositif de défiscalisation, fût-ce par l'intermédiaire d'un tiers, est tenue à l'égard de son client d'une obligation d'information et d'un devoir de conseil portant sur l'adéquation de ce produit à la situation du client ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que dans un échange de courriels, la Banque Populaire Alsace Lorraine a désigné Monsieur [Z] [O] comme le partenaire Banque Populaire d'Alsace par l'intermédiaire duquel nous avons commercialisé la Girardin Industriel" et s'est désigné[e] par le terme générique d'interlocuteur", dans un autre échange de mail interne à la Banque" ; qu' une conseillère a décrit l'opération de défiscalisation comme "la défiscalisation que nous lui avons commercialisée par l'intermédiaire de Gesdom", et que la banque reconnaît avoir commercialisé la « Girardin Industriel » par l'intermédiaire de son partenaire [Localité 3] Patrimoine" ; qu'en écartant néanmoins toute responsabilité de la banque à son égard, qui lui reprochait des manquements à son obligation d'information et son devoir de conseil dans le cadre de la souscription à cette opération de défiscalisation, aux motifs qu'aucun document contractuel liant les parties n'était produit pour démontrer le rôle de la banque, et que cette dernière n'avait pas été sa seule interlocutrice, le bulletin de souscription ne faisant état que du cabinet [Localité 3] Patrimoine et de Mme [O], conseil en gestion de patrimoine, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, desquelles il s'évinçait que la banque avait participé à la commercialisation de l'opération d'investissement litigieuse en partenariat avec le conseil en gestion de patrimoine et la société [Localité 3] Patrimoine, et a ainsi violé l'article 1147 du code civil (dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ; nouvel article 1231-1 du code civil) ;

2°/ que la banque qui participe à la commercialisation d'un produit d'investissement destiné à bénéficier d'un dispositif de défiscalisation, fût-ce par l'intermédiaire d'un tiers, est tenue à l'égard de son client d'une obligation d'information et d'un devoir de conseil portant sur l'adéquation de ce produit à la situation du client ; qu'en l'espèce, il faisait valoir que dans un courrier du 18 octobre 2014, la société [Localité 3] Patrimoine avait indiqué qu'elle a, de longue date, mis en place un partenariat commercial avec la Banque Populaire aux fins de présenter à la clientèle Gestion Privée de cette dernière, des opérations de défiscalisation répondants aux dispositifs de la Loi Girardin dans son volet industriel. C'est dans ce cadre que les produits Gesdom (?) ont été validés par la Banque Populaire pour présentation à sa clientèle", et qu'un jugement du tribunal judiciaire de Strasbourg du 29 juin 2021 avait condamné la banque en sa qualité de mandante de la société [Localité 3] Patrimoine ; qu'en jugeant qu'il n'était pas établi que la banque était intervenue en qualité d'intermédiaire commercialisateur, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la preuve que la commercialisation du produit d'investissement litigieux par la banque ne résultait pas du courrier de la société [Localité 3] Patrimoine du 18 octobre 2014 faisant état d'un partenariat de cette société avec la banque pour la commercialisation de programmes d'investissement et notamment de l'opération d'investissement en Girardin Industriel à laquelle il avait souscrit, ainsi que du jugement du tribunal judiciaire de Strasbourg du 29 juin 2021 retenant la responsabilité de la banque à l'égard de l'un de ses clients sur le fondement de ce contrat de partenariat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 (désormais 1231-1) du code civil ;

3°/ que constitue un aveu judiciaire, qui ne peut être révoqué à moins qu'il soit prouvé qu'il a été la suite d'une erreur de fait, la déclaration que fait en justice une partie reconnaissant pour vrai un élément de fait ; qu'en l'espèce, il faisait valoir que la banque avait reconnu, dans ses conclusions de première instance, qu'elle était intervenue en 2010, pour informer M. [F] de la possibilité d'investissements défiscalisés par l'intermédiaire du courtier [Localité 3] Patrimoine et le mettre en relation avec ce courtier ; - en 2014, après redressement fiscal, pour soutenir son client dans la difficulté ; (?) En 2010, ce service est uniquement intervenu pour informer le demandeur de cette possibilité d'investissement, conformément à sa mission (?) La concluante n'a fait que mettre en relation et, éventuellement, transmettre des documents et formulaires préparés par [Localité 3] Patrimoine" ; qu'en se bornant à retenir, pour écarter l'existence d'un aveu judiciaire de la part de la banque, que si dans ses conclusions de 1ère instance, la banque indiquait avoir éventuellement transmis des documents et formulaires préparés par [Localité 3], ce qui constitue selon lui un aveu judiciaire de la part de la banque, il convient de relever que la mention "éventuellement" retire aux indications de la banque tout aveu judiciaire, car ce n'est qu'une hypothèse et pas une déclaration par laquelle la banque reconnaît comme vraie la transmission de documents", sans rechercher si les conclusions de première instance de la banque ne comportaient pas l'aveu par cette dernière de ce qu'elle avait pris l'initiative de lui proposer d'effectuer un investissement sous le régime de défiscalisation prévu par la loi Girardin Industriel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1383-2 (anciennement 1356) du code civil, ensemble l'article 1147 (désormais 1231-1) du code civil ;

4°/ que la banque qui participe à la commercialisation d'un produit d'investissement destiné à bénéficier d'un dispositif de défiscalisation n'est pas déchargée de ses obligations à l'égard de son client par la présence aux côtés de celui-ci d'un professionnel pour l'assister dans la réalisation de l'opération en cause ; qu'en se fondant, pour écarter l'intervention de la banque en qualité d'intermédiaire commercialisateur, sur le fait que cette dernière n'a[vait] pas été la seule interlocutrice de Monsieur [F]", ce dernier ayant confié un mandat de recherche à la société [Localité 3] Patrimoine et ayant été assisté par un conseil en gestion de patrimoine, quand la présence d'autres professionnels à ses côtés n'était pas de nature à décharger la banque de son obligation d'information et de son devoir de conseil à son égard, la cour d'appel a violé l'article 1147 (désormais 1231-1) du code civil. »

5. Par son second moyen, M. [F] reproche à l'arrêt de rejeter ses demandes contre la banque alors :

« 1°/ que la banque qui propose un investissement destiné à bénéficier d'un dispositif de défiscalisation doit informer son client des principales conditions d'éligibilité à ce dispositif ; qu'en l'espèce, il faisait valoir que la banque avait manqué à son obligation d'information en ne lui indiquant pas, avant qu'il ne souscrive à l'opération d'investissement litigieuse le 26 octobre 2010, que le projet de loi de finances pour 2011 prévoyait d'exclure du bénéfice de la loi Girardin Industriel les investissements portant sur des installations de production d'électricité utilisant l'énergie radiative du soleil", ce projet ayant abouti quelques semaines plus tard au vote de la loi de finances qui a effectivement exclu ce type d'investissements du bénéfice de la réduction d'impôt prévue par ce dispositif ; qu'en jugeant que la modification opérée par la loi de finances de 2011 a, quant à elle, porté sur les opérations de défiscalisation relatives aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie radiative du soleil intervenues après le 29 décembre 2010", mais que cette modification n'a pas pour autant supprim[é] complètement la possibilité de réduction d'impôt sur le revenu prévu par l'article 199 undecies du code général des impôts", sans rechercher, comme elle y était invitée, si la banque n'avait pas manqué à son obligation d'information en ne l'avertissant pas du risque que l'opération projetée ne puisse bénéficier de la réduction d'impôt offerte par la loi Girardin Industriel, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1147 (désormais 1231-1) du code civil ;

2°/ que la banque qui propose un investissement destiné à bénéficier d'un dispositif de défiscalisation doit informer son client des principales conditions d'éligibilité à ce dispositif ; qu'en se bornant à retenir que l'opération d'investissement proposée avait déjà un cycle de succès à son actif lorsque Monsieur [F] a investi en 2010" et que l'investissement proposé était donc sérieux, seule son exécution matérielle sur place a[yant] fait défaut", sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la banque n'avait pas manqué à son obligation d'information à l'égard de son client en ne lui indiquant pas les conditions auxquelles était subordonnée l'éligibilité de l'opération au régime du Girardin Industriel, en particulier la nécessité de livraison des centrales en état de fonctionnement avant la fin de l'année 2010, le redressement fiscal dont l'exposant avait fait l'objet ayant été motivé par l'absence de réalisation de cette condition, la cour d'appel a encore méconnu l'article 1147 (désormais 1231-1) du code civil. »

Réponse de la Cour

6. Après avoir constaté que les échanges de courriels entre les parties ne permettaient pas de démontrer que la banque avait fourni des recommandations personnalisées à son client, ni de déterminer la nature et l'intervention de celle-ci dans la souscription de l'opération de défiscalisation, l'arrêt relève que M. [F] ne verse aucune pièce supplémentaire, ni aucun document contractuel de nature à démontrer un rôle de la banque dans la souscription de l'opération de défiscalisation et ajoute que ni le bulletin de souscription ni le contrat signé par le client avec le conseiller en gestion de patrimoine ne mentionnent la banque. Il retient ensuite que si la banque avait indiqué dans ses conclusions de première instance avoir éventuellement transmis des documents au courtier ayant proposé l'investissement, cette reconnaissance évoquait une hypothèse et ne pouvait s'interpréter comme valant aveu judiciaire par la banque de son rôle d'intermédiaire.

7. En l'état de ses constatations et appréciations, établissant que la banque n'avait pas agi en qualité de prestataire de services d'investissement mais s'était bornée à mettre le client en relation avec le courtier et le conseil en gestion de patrimoine à l'origine de l'opération de défiscalisation, la cour d'appel, qui a procédé aux recherches prétendument omises et n'était pas tenue par les constatations effectuées par une juridiction dans un litige opposant la banque à une autre partie, et abstraction faite des motifs surabondants relatifs aux possibilités de réduction fiscale liées à l'investissement souscrit par le client, a pu retenir que la banque, qui n'était débitrice d'aucune obligation d'information ou devoir de conseil portant sur une opération à laquelle elle n'avait pas participé, n'avait commis aucune faute engageant sa responsabilité.

8. Les moyens, inopérant pour le second, ne sont pas fondés pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [F] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [F] et le condamne à payer à la société Banque populaire Alsace-Lorraine-Champagne la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du deux octobre deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 42400524
Date de la décision : 02/10/2024
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 19 septembre 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 02 oct. 2024, pourvoi n°42400524


Composition du Tribunal
Président : M. Vigneau (président)
Avocat(s) : SARL Cabinet Rousseau et Tapie, SCP Boucard-Maman

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:42400524
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