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19/09/2024 | FRANCE | N°22400801

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 19 septembre 2024, 22400801


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 2


LM






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 19 septembre 2024








Cassation partielle




Mme MARTINEL, président






Arrêt n° 801 F-B


Pourvoi n° R 23-12.917










R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_______

__________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 SEPTEMBRE 2024




M. [S] [D], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 23-12.917 contre l'arrêt rendu le 6 décembre 2022 par la cour d'appel de L...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 19 septembre 2024

Cassation partielle

Mme MARTINEL, président

Arrêt n° 801 F-B

Pourvoi n° R 23-12.917

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 SEPTEMBRE 2024

M. [S] [D], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 23-12.917 contre l'arrêt rendu le 6 décembre 2022 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile B), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [F] [I], domiciliée [Adresse 4],

2°/ à la société Macif, société d'assurance mutuelle, dont le siège est [Adresse 3],

3°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère, dont le siège est [Adresse 2],

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Riuné, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [D], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [I] et de la société Macif, après débats en l'audience publique du 25 juin 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Riuné, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 6 décembre 2022) et les productions, le 10 septembre 2003, M. [D], qui circulait au guidon de son cyclomoteur, a été victime d'un accident de la circulation, impliquant un véhicule conduit par Mme [I], assuré par la société d'assurance mutuelle Macif (l'assureur).

2. M. [D] a assigné Mme [I] et l'assureur devant un tribunal de grande instance en indemnisation de ses préjudices, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère (la caisse).

3. Par arrêt du 10 avril 2008, devenu irrévocable, une cour d'appel a limité le droit à indemnisation de M. [D] à 50 %.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

4. M. [D] fait grief à l'arrêt de fixer les sommes lui revenant, après application de la limitation du droit à indemnisation et déduction de la créance des organismes sociaux, à 14 857,27 euros au titre des dépenses de santé et 54 262,78 euros au titre de l'incidence professionnelle, alors « que la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n'a été prise en charge que partiellement par les prestations sociales ; qu'en ce cas, l'assuré social peut exercer ses droits contre le responsable, par préférence à la caisse subrogée ; qu'il en résulte que, dans le cas d'une limitation du droit à indemnisation de la victime, le droit de préférence de celle-ci sur la dette du tiers responsable a pour conséquence que son préjudice corporel, évalué poste par poste, doit être intégralement réparé pour chacun de ces postes dans la mesure de l'indemnité laissée à la charge du tiers responsable, et que le tiers payeur ne peut exercer son recours, le cas échéant, que sur le reliquat, en retenant, pour fixer à 54 262,78 euros la somme revenant à M. [D] au titre de l'incidence professionnelle, que son droit à réparation était limité par le partage de responsabilité, quand son droit à indemnisation devait s'exercer prioritairement sur la moitié de 120 000 euros, incluant les prestations versées par l'organisme social, la cour d'appel, qui l'a privé du bénéfice de la règle de la préférence à la victime, a violé les articles 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction issue de l'article 25, IV, de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 et l'article 1252, devenu 1346-3, du code civil. »

Réponse de la Cour

5. Les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l'a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande.

6. Il ressort des motifs de l'arrêt qu'une confusion a été opérée par la cour d'appel entre les nombres 435 237,54 et 488 693,21 au chapitre relatif aux pertes de gains professionnels futurs, à l'origine d'un calcul erroné du solde de la rente accident du travail à imputer sur l'indemnité réparant l'incidence professionnelle fixé à hauteur de 65 737,22 euros au lieu de 12 281,55 euros.

7. Il s'ensuit que le montant de l'indemnité allouée à la victime au titre de l'incidence professionnelle, fixée par l'arrêt à la somme de 54 262,78 euros au lieu de 60 000 euros, procède d'une erreur purement matérielle qui peut être réparée par la juridiction qui l'a rendue en application de l'article 462 du code de procédure civile.

8. Le moyen n'est, dès lors, pas recevable.

Mais sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

9. M. [D] fait grief à l'arrêt de fixer les sommes lui revenant, après application de la limitation du droit à indemnisation et déduction de la créance des organismes sociaux, à 14 857,27 euros au titre des dépenses de santé et 54 262,78 euros au titre de l'incidence professionnelle, alors « que la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n'a été prise en charge que partiellement par les prestations sociales ; qu'en ce cas, l'assuré social peut exercer ses droits contre le responsable, par préférence à la caisse subrogée ; qu'il en résulte que, dans le cas d'une limitation du droit à indemnisation de la victime, le droit de préférence de celle-ci sur la dette du tiers responsable a pour conséquence que son préjudice corporel, évalué poste par poste, doit être intégralement réparé pour chacun de ces postes dans la mesure de l'indemnité laissée à la charge du tiers responsable, et que le tiers payeur ne peut exercer son recours, le cas échéant, que sur le reliquat ; qu'en retenant, pour fixer la somme revenant à M. [D] au titre des dépenses de santé à 14 857,27 euros, que son droit à réparation était limité par le partage de responsabilité quand le partage de responsabilité devait s'appliquer sur la totalité du préjudice intégrant donc les prestations en nature versées au titre du même chef de préjudice, la cour d'appel, qui l'a privé du bénéfice de la règle de la préférence à la victime, a violé les articles 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction issue de l'article 25, IV, de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 et l'article 1252, devenu 1346-3, du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 :

10. Selon ce texte, les recours subrogatoires des tiers payeurs contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel et, conformément à l'article 1252 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable à la cause, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n'a été indemnisée qu'en partie. En ce cas, cette dernière peut exercer ses droits contre le responsable, par préférence au tiers payeur subrogé.

11. Il en résulte que dans le cas d'une limitation du droit à indemnisation de la victime, le droit de préférence de celle-ci sur la dette du tiers responsable a pour conséquence que son préjudice corporel, évalué poste par poste, doit être intégralement réparé pour chacun de ces postes dans la mesure de l'indemnité laissée à la charge du tiers responsable, et que le tiers payeur ne peut exercer son recours, le cas échéant, que sur le reliquat.

12. Pour fixer la somme revenant à M. [D] au titre des dépenses de santé à 14 857,27 euros, l'arrêt additionne les frais pharmaceutiques et de pédicure restant à la charge de ce dernier, à hauteur de 29 714,53 euros, avant d'appliquer à cette somme la limitation du droit à indemnisation de 50 %.

13. En statuant ainsi, en appliquant la réduction du droit à indemnisation sur la seule somme des dépenses de santé restées à la charge de M. [D], à l'exclusion des frais exposés par la caisse au même titre, la cour d'appel, qui aurait dû évaluer préalablement ce poste de préjudice, en y incluant cette dernière somme, et déterminer la dette du tiers responsable en faisant application de la réduction du droit à indemnisation au total de ces deux sommes, avant d'allouer à la victime la somme demeurée à sa charge après déduction des prestations ayant partiellement réparé ce poste, dans la limite de la dette du tiers responsable, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

14. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt statuant sur les dépenses de santé actuelles revenant à M. [D] entraîne la cassation du chef de dispositif condamnant Mme [I] et la société d'assurance mutuelle Macif in solidum à lui payer la somme de 164 091,04 euros au titre de ses préjudices indemnisés, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

15. La cassation de ces chefs de dispositif n'emporte pas la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant Mme [I] et la société d'assurance mutuelle Macif in solidum aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celles-ci.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe les dépenses de santé actuelles de M. [D], hors postes appareillage et aides techniques, après application de la limitation du droit à indemnisation et déduction de la créance des organismes sociaux, à 14 857,27 euros, et condamne Mme [I] et la société d'assurance mutuelle Macif in solidum à payer à M. [D] la somme de 164 091,04 euros au titre de ses préjudices indemnisés dans le cadre de l'instance, après déduction des provisions versées, l'arrêt rendu le 6 décembre 2022 entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;

Condamne Mme [I] et la société d'assurance mutuelle Macif aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf septembre deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 22400801
Date de la décision : 19/09/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Analyses

ACCIDENT DE LA CIRCULATION - Tiers payeur - Recours - Recours de la victime - Exercice par préférence - Modalités - Limitation du droit à indemnisation - Effets

Il résulte de l'article 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 que dans le cas d'une limitation du droit à indemnisation de la victime, le droit de préférence de celle-ci sur la dette du tiers responsable a pour conséquence que son préjudice corporel, évalué poste par poste, doit être intégralement réparé pour chacun de ces postes dans la mesure de l'indemnité laissée à la charge du tiers responsable, et que le tiers payeur ne peut exercer son recours, le cas échéant, que sur le reliquat. Encourt par conséquent la censure, l'arrêt qui applique la réduction du droit à indemnisation sur la seule somme des dépenses de santé restées à la charge de la victime, à l'exclusion des frais exposés par le tiers payeur au même titre, alors qu'il aurait dû évaluer préalablement ce poste de préjudice, en y incluant cette dernière somme, et déterminer la dette du tiers responsable en faisant application de la réduction du droit à indemnisation au total de ces deux sommes, avant d'allouer à la victime la somme demeurée à sa charge après déduction des prestations ayant partiellement réparé ce poste, dans la limite de la dette du tiers responsable


Références :

Article 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985.
Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 06 décembre 2022

2e Civ., 24 septembre 2009, pourvoi n° 08-14515, Bull. 2009, II, n° 227 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 19 sep. 2024, pourvoi n°22400801


Composition du Tribunal
Président : Mme Martinel
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:22400801
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