LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 18 septembre 2024
Cassation partielle
Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 923 F-D
Pourvoi n° M 22-23.581
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 SEPTEMBRE 2024
La société Rabot Dutilleul construction, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 22-23.581 contre l'arrêt rendu le 30 septembre 2022 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. [M] [K] [S], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
M. [S] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal, invoque à l'appui de son recours, quatre moyens de cassation.
Le demandeur au pourvoi incident, invoque à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Le Quellec, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Rabot Dutilleul construction, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [S], après débats en l'audience publique du 3 juillet 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Le Quellec, conseiller rapporteur, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à M. [S] du désistement de son pourvoi incident en ce qu'il est dirigé contre la société Rabot Dutilleul construction (la société).
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 30 septembre 2022) M. [S], salarié de la société Rabot Dutilleul construction a saisi la juridiction prud'homale le 9 juin 2015 à l'effet d'obtenir la condamnation de l'employeur à lui payer un rappel de salaire au titre de la contrepartie au temps d'habillage et de déshabillage, des temps de douche et des frais d'entretien des tenues de travail.
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi principal de l'employeur
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le deuxième moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à chiffrer pour le salarié, dans la limite de la prescription quinquennale, la contrepartie financière due en fonction du temps de travail correspondant au temps d'habillage/déshabillage en début et en fin de service, comprenant en fin de service le temps de douche, soit 20 minutes par journée travaillée, et ce dans un délai de 30 jours à compter de la notification de la décision, de le condamner à lui payer cette somme à titre de rappel de salaire dans le délai de deux mois à compter de l'expiration de ce délai, de dire que ces sommes à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter du jour où l'employeur a eu connaissance de sa demande, ce avec capitalisation, et de renvoyer les parties à la négociation collective pour l'application de la décision, alors « qu'aux termes de l'article R. 3121-2 du code du travail, ''en cas de travaux insalubres et salissants, le temps passé à la douche en application de l'article R. 4228-9 est rémunéré au tarif normal des heures de travail sans être pris en compte dans le calcul de la durée du travail effectif'' ; que l'article R. 4228-8 du même code indique que ''dans les établissements où sont réalisés certains travaux insalubres et salissants, des douches sont mises à la disposition des travailleurs. La liste de ces travaux ainsi que les conditions de mises à disposition des douches sont fixées par arrêté des ministres chargés du travail ou de l'agriculture et, en tant que de besoin, par le ministre chargé de la santé'' ; que selon l'arrêté du 23 juillet 1947 fixant les conditions dans lesquelles les douches doivent être mises à la disposition du personnel effectuant des travaux insalubres ou salissants, pris pour l'application de l'article R. 4228-8 du code du travail, ''les chefs d'établissements sont tenus de mettre des douches journalières à la disposition du personnel qui effectue les travaux énumérés aux tableaux I et II annexés au présent arrêté'' ; qu'il en résulte que seuls les salariés effectuant l'un des travaux insalubres et salissants énumérés au tableau I ou II de l'arrêté du 23 juillet 1947 peuvent prétendre à la rémunération du temps passé à la douche ; qu'en l'espèce, les arrêts attaqués énoncent qu'il n'était pas démontré que les salariés exécutaient des travaux énumérés par cet arrêté ; qu'en leur allouant cependant un rappel au titre du temps de douche, au prétexte qu'ils exécutaient généralement des travaux au caractère insalubre et salissant, et à titre exceptionnel avec un risque amiante, en particulier lorsqu'il s'agit de travaux de réhabilitation, et que ces travaux nécessitaient à l'évidence la prise d'une douche quotidienne dont le temps devait être payé au tarif normal des heures de travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés. »
Réponse de la Cour
Vu les articles R. 3121-2 et R. 4228-8 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-1551 du 18 novembre 2016, et l'arrêté du 23 juillet 1947 :
5. Selon le premier de ces textes, en cas de travaux insalubres et salissants, le temps passé à la douche en application de l'article R. 4228-9 est rémunéré au tarif normal des heures de travail sans être pris en compte dans le calcul de la durée du travail effectif.
6. Aux termes du deuxième, dans les établissements où sont réalisés certains travaux insalubres et salissants, des douches sont mises à la disposition des travailleurs. La liste de ces travaux ainsi que les conditions de mises à disposition des douches sont fixées par arrêté des ministres chargés du travail ou de l'agriculture et, en tant que de besoin, par le ministre chargé de la santé.
7. Selon le dernier, les chefs d'établissements sont tenus de mettre des douches journalières à la disposition du personnel qui effectue les travaux énumérés aux tableaux I et II annexés.
8. Pour condamner l'employeur à chiffrer la contrepartie financière due au salarié en fonction du temps de douche et à lui payer cette somme à titre de rappel de salaire, l'arrêt retient qu'il n'est pas démontré que le salarié exécute les travaux énumérés au tableau I annexé à l'arrêté du 23 juillet 1947 pour les ciments qui arrivent dans des bétonnières avant d'être utilisés dans des coffres qu'il fabrique à partir de banches, qu'il n'est pas plus démontré que le salarié exécute les travaux occasionnels et poussiéreux exposant à l'amiante sauf, comme l'indique le médecin du travail, de manière exceptionnelle, des équipes de sous-traitants étant alors mises en place avec l'équipement adéquat.
9. L'arrêt ajoute que néanmoins il est acquis que le salarié exécute généralement des travaux au caractère insalubre et salissant et à titre exceptionnel avec un risque amiante, en particulier lorsqu'il s'agit de travaux de réhabilitation.
10. L'arrêt conclut que ces travaux nécessitent à l'évidence la prise d'une douche quotidienne dont le temps doit être payé au tarif normal des heures de travail, que le salarié a par suite droit à une rémunération spécifique, sans qu'il doive apporter la preuve de la prise effective de la douche, qu'il importe peu que le salarié ne justifie pas de la prise de cette douche sur son lieu de travail.
11. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que le salarié n'exécutait pas l'un des travaux énumérés aux tableaux annexés à l'arrêté du 23 juillet 1947, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Rabot Dutilleul construction à chiffrer pour M. [S], dans la limite de la prescription quinquennale, la contrepartie financière qui lui est due en fonction du temps de travail correspondant au temps d'habillage/déshabillage en début et en fin de service, comprenant en fin de service le temps de douche, soit 20 minutes par journée travaillée, ce dans un délai de 30 jours à compter de la notification de la décision, en ce qu'il condamne la société à lui payer cette somme à titre de rappel de salaire dans le délai de deux mois à compter de l'expiration de ce délai, en ce qu'il dit que ces sommes à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter du jour où l'employeur aura eu connaissance de leur demande, ce avec capitalisation, en ce qu'il renvoie les parties à la négociation collective pour l'application de la décision et en ce qu'il statue sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 30 septembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne M. [S] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit septembre deux mille vingt-quatre.