LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 18 septembre 2024
Cassation partielle
M. FLORES, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président
Arrêt n° 917 F-D
Pourvoi n° S 23-16.782
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 SEPTEMBRE 2024
M. [L] [V], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 23-16.782 contre l'arrêt rendu le 16 mars 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 8), dans le litige l'opposant à la Fondation de Rothschild, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Techer, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [V], après débats en l'audience publique du 3 juillet 2024 où étaient présents M. Flores, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Techer, conseiller référendaire rapporteur, Mme Ala, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée en application des articles R. 431-7 et L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 mars 2023), M. [V] a été engagé en qualité de médecin gériatre par la Fondation de Rothschild, suivant trois contrats de travail à durée déterminée, pour les périodes, le premier, du 19 mai au 31 août 2014, renouvelé jusqu'au 31 octobre 2014, le deuxième, du 16 au 27 mars 2015, le troisième, du 18 mai au 30 septembre 2015, renouvelé jusqu'au 31 janvier 2016.
2. Le dernier contrat a été rompu le 25 janvier 2016.
3. Contestant le bien-fondé de cette rupture, il a saisi la juridiction prud'homale le 26 juillet 2016.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes en requalification de ses deux derniers contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et en paiement de certaines sommes à titre d'indemnité de requalification, de rappel de salaire pour la période du 28 mars 2015 au 17 mai 2015, de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement, de rappel de salaire, de jours de réduction du temps de travail, de congés payés et de prime décentralisée pour la période de mise à pied conservatoire, d'indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, et de dommages-intérêts pour licenciement abusif, alors « que le contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ; qu'un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas qu'il énumère, et notamment en cas d'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que les contrats de travail à durée déterminée conclus par la Fondation de Rothschild avec M. [V] les 16 mars et 18 mai 2015 avaient pour objet un surcroît d'activité lié à l'ouverture de l'unité de vie Alzheimer" ; qu'elle a constaté en fait que la Fondation de Rothschild justifiait concomitamment à sa collaboration avec M. [V], de réunions préparatoires-notamment en mars 2015 et en janvier 2016- au projet d'organisation de l'unité de vie adaptée (UVA), projet qui a comporté des aspects architecturaux comme la création d'une unité sécurisée mais qui a requis également des ressources, du personnel médical et paramédical spécifiquement formé et la mise en place d'une organisation dédiée. Il est justifié également de son ouverture en mars 2016, accueillant 14 résidents" de sorte que la Fondation de Rothschild démontre un surcroît d'activité lié à « l'ouverture de l'unité de vie Alzheimer », cette expression pouvant s'entendre, dans les circonstances décrites et compte tenu des préalables nécessaires, comme le projet d'ouverture de ladite unité" ; qu'en se déterminant aux termes de tels motifs, dont il résultait que le motif du recours, consistant en l'ouverture d'un nouveau service dans l'entreprise, n'était nullement temporaire mais destiné à s'inscrire dans son activité normale et permanente la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 1242-1 et L. 1242-2 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1242-1, L. 1242-2 et L. 1245-1 du code du travail, ce dernier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 :
5. Aux termes du premier de ces textes, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.
6. Selon le deuxième, sous réserve des dispositions de l'article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, et seulement dans des cas énumérés limitativement, notamment celui d'un accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise.
7. Selon le troisième, est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance, notamment, des dispositions des articles L. 1242-1 à L. 1242-4.
8. Pour débouter le salarié de sa demande en requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée, l'arrêt constate que les deux derniers contrats à durée déterminée ont été conclus au motif d'un « surcroît d'activité lié à l'ouverture d'une unité de vie Alzheimer ».
9. Il retient que l'employeur justifie de réunions préparatoires concomitamment à sa collaboration avec le salarié, notamment en mars 2015 et en janvier 2016, pour le projet d'organisation de l'unité de vie adaptée (UVA), qui a comporté des aspects architecturaux comme la création d'une unité sécurisée, mais qui a requis également des ressources, du personnel médical et paramédical spécifiquement formé, et la mise en place d'une organisation dédiée. Il retient encore qu'il est justifié de l'ouverture de cette unité en mars 2016.
10. Il ajoute que, peu important le lieu d'affectation du salarié, puisque le motif de recours aux contrats litigieux touchait l'ensemble de la structure, l'employeur démontre un surcroît d'activité lié à « l'ouverture de l'unité de vie Alzheimer », cette expression pouvant s'entendre, dans les circonstances décrites et compte tenu des préalables nécessaires, comme le projet d'ouverture de ladite unité.
11. En statuant ainsi, alors que le surcroît d'activité entraîné par l'ouverture d'une nouvelle unité, qui s'intégrait dans le cadre de l'activité normale et permanente de l'association, n'était pas temporaire, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
12. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée entraîne la cassation, par voie de conséquence, des chefs de dispositif condamnant l'employeur au paiement d'un rappel de salaire, de jours de réduction du temps de travail, de congés payés et de prime décentralisée pour la période de mise à pied conservatoire, de dommages-intérêts pour rupture anticipée abusive et d'une indemnité de fin de contrat, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
13. En revanche, elle n'emporte pas cassation des chefs de dispositif statuant sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, qui sont justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de l'employeur et non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [V] de ses demandes en requalification des contrats à durée déterminée des 16 au 27 mars 2015 et 18 mai au 30 septembre 2015, renouvelé du 1er octobre 2015 au 31 janvier 2016, en contrat à durée indéterminée et en paiement d'une indemnité de requalification, d'un rappel de salaire pour la période du 28 mars 2015 au 17 mai 2015, de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement, d'un rappel de salaire, de jours de réduction du temps de travail, de congés payés et de prime décentralisée pour la période de mise à pied conservatoire, d'une indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, et de dommages-intérêts pour licenciement abusif, et en ce qu'il dit que la rupture anticipée du contrat de travail est fondée sur des faits atteints par la prescription ou non établis et condamne la Fondation de Rothschild à payer à M. [V] les sommes, pour la période de mise à pied conservatoire, de 7 327,23 euros à titre de rappel de salaire, 795,20 euros à titre d'indemnité compensatrice de RTT, 812,24 euros à titre de congés payés et 411,09 euros au titre de la prime décentralisée, ainsi que les sommes de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture anticipée abusive et 6 850,21 euros à titre d'indemnité de fin de contrat, l'arrêt rendu le 16 mars 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne la Fondation de Rothschild aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la Fondation de Rothschild à payer à M. [V] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par M. Flores, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, en ayant délibéré en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 1021 du code de procédure civile, en l'audience publique du dix-huit septembre deux mille vingt-quatre.