La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/09/2024 | FRANCE | N°52400916

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 18 septembre 2024, 52400916


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


CH9






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 18 septembre 2024








Cassation partielle




M. FLORES, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président






Arrêt n° 916 F-D


Pourvoi n° B 23-16.400








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU

PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 SEPTEMBRE 2024


Mme [C] [F], domiciliée [Adresse 6], a formé le pourvoi n° B 23-16.400 contre l'arrêt rendu le 30 mars 2023 pa...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 18 septembre 2024

Cassation partielle

M. FLORES, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président

Arrêt n° 916 F-D

Pourvoi n° B 23-16.400

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 SEPTEMBRE 2024

Mme [C] [F], domiciliée [Adresse 6], a formé le pourvoi n° B 23-16.400 contre l'arrêt rendu le 30 mars 2023 par la cour d'appel de Poitiers (chambre sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Milee, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée société Adrexo,

2°/ à la société [Z]-Rousselet, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 5], prise en la personne de M. [X] [Z], en qualité d'administrateur judiciaire de la société Milee,

3°/ à la société Ajilink [Y] Bonetto, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 3], prise en la personne de M. [X] [Y], en qualité d'administrateur judiciaire de la société Milee,

4°/ à la société BTSG², société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 2], prise en la personne de M. [N] [J], en qualité de mandataire judiciaire de la société Milee,
5°/ à la société [W] [I] & A Lageat, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 4], prise en la personne de M. [W] [I], en qualité de mandataire judiciaire de la société Milee,

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, six moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Techer, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de Mme [F], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat des sociétés [Z]-Rousselet, Ajilink [Y] Bonetto, BTSG², [W] [I] & A Lageat, ès qualités, et Milee, après débats en l'audience publique du 3 juillet 2024 où étaient présents M. Flores, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Techer, conseiller référendaire rapporteur, Mme Ala, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée en l'application des articles R. 431-7 et L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Intervention volontaire

1. Il est donné acte aux organes de la procédure collective de leur intervention volontaire.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 30 mars 2023), Mme [F] a été engagée en qualité de distributrice, le 15 novembre 2018, par la société Adrexo, aux droits de laquelle se trouve la société Milee (la société), suivant contrat de travail à temps partiel modulé.

3. La salariée a saisi la juridiction prud'homale le 16 novembre 2020 à l'effet d'obtenir la requalification de son contrat de travail à temps partiel modulé en contrat à temps complet, la résiliation judiciaire de son contrat de travail et la condamnation de l'employeur au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

4. Par jugement du tribunal de commerce de Marseille du 30 mai 2024, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'encontre de la société Milee. En application de l'article L. 625-3 du code de commerce, en matière prud'homale, l'instance en cours à la date du jugement d'ouverture est poursuivie en présence des mandataires judiciaires et des administrateurs, lesquels sont intervenus volontairement.

Examen des moyens

Sur les premier, deuxième, troisième et sixième moyens

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le quatrième moyen

Enoncé du moyen

6. La salariée fait grief à l'arrêt de déclarer ses demandes irrecevables et non fondées, de la débouter de l'ensemble de ses demandes, de constater le caractère obligatoire et impératif des dispositions de la convention collective et de l'accord d'entreprise du 4 juillet 2016, ainsi que l'absence de démonstration des heures dont la qualification en temps de travail effectif et la rémunération étaient revendiquées, et de la débouter de ses demandes en paiement d'un rappel de salaire pour heures d'encartage, outre congés payés afférents, d'une indemnité pour travail dissimulé et d'une indemnité pour exécution déloyale du contrat, alors « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu'au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; que si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable ; que la quantification préalable de l'ensemble des missions confiées et accomplies par le distributeur, dans le cadre de l'exécution de son métier, en fonction des critères associés à un référencement horaire du temps de travail prévue par une convention collective ou un accord collectif de travail ne saurait, à elle seule satisfaire aux exigences de l'article L. 3171-4 du code du travail ; qu'il en résulte qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; que l'arrêt constate que Mme [F] reprend sa prétention devant la cour et critique à nouveau exactement le non-respect par les premiers juges du régime probatoire déjà rappelé", dans la mesure où les mentions rajoutées par Mme [F] sur les feuilles de route visent un temps d'encartage différent de celui évalué par l'employeur et suffisent pour retenir que la salariée a satisfait à sa part probatoire", puis, pour débouter Mme [F] de sa demande au titre des temps d'encartage, retient qu' en communiquant les annexes aux bulletins de salaire, [la société Adrexo] soutient exactement que des erreurs affectent les décomptes manuscrits communiqués par Mme [F] puisque le temps d'encartage est prédéfini puis recalculé en tenant compte des prospectus effectivement concernés par la mission exécutée" et que cette prédéfinition n'imposait pas à l'employeur de contrôler les heures de début et de fin des opérations d'encartage, mais seulement de vérifier a posteriori et en fin de mission le temps préquantifié, ce qu'il justifie avoir fait" ; qu'en statuant ainsi sur le fondement, d'une part, d'erreurs affectant les décomptes de la salariée, d'autre part, sur la quantification préalable des missions confiées et accomplies par Mme [F], cependant qu'il résultait de ses constatations que la salariée fournissait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre et qu'il lui appartenait, en conséquence, d'exiger de l'employeur la production des éléments de contrôle de la durée du travail de l'intéressée, la cour d'appel a fait peser la charge de la preuve sur la salariée et violé l'article L. 3171-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :

7. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, l'employeur tient à la disposition des membres compétents de l'inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

8. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
9. La quantification préalable de l'ensemble des missions confiées et accomplies par le distributeur, dans le cadre de l'exécution de son métier, en fonction des critères associés à un référencement horaire du temps de travail prévue par l'article 2.2.1.2 du chapitre IV de la convention collective nationale de la distribution directe ne saurait, à elle seule, satisfaire aux exigences de l'article L. 3171-4 du code du travail.

10. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

11. Pour débouter la salariée de sa demande en paiement au titre des heures d'encartage, l'arrêt relève d'abord que le temps d'encartage, à savoir celui nécessaire à la préparation des documents à distribuer, n'est pas soumis, comme le temps de distribution, à un système d'enregistrement. Il constate que l'activité de préparation a été décrite par l'avenant du 16 juin 2004 de la convention collective applicable et que le barème de décompte du temps de préparation y a été défini. Il retient que les mentions rajoutées, par rapport à celles présentées en première instance, par la salariée sur les feuilles de route visent un temps d'encartage différent de celui évalué par l'employeur et suffisent pour retenir que la salariée a satisfait à sa part probatoire. Il retient encore qu'en communiquant les annexes aux bulletins de salaire, l'employeur soutient exactement que des erreurs affectent les décomptes manuscrits communiqués par l'intéressée, puisque le temps d'encartage est prédéfini puis recalculé en tenant compte des prospectus effectivement concernés par la mission exécutée. Il ajoute que cette prédéfinition n'imposait pas à l'employeur de contrôler les heures de début et de fin des opérations d'encartage mais seulement de vérifier a posteriori et en fin de mission le temps pré-quantifié, ce qu'il justifie avoir fait. Il en conclut que la salariée a été remplie de ses droits.

12. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que la salariée présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée, a violé les textes susvisés.
Et sur le cinquième moyen

Enoncé du moyen

13. La salariée fait grief à l'arrêt de déclarer ses demandes irrecevables et non fondées, de la débouter de l'ensemble de ses demandes, de constater le caractère obligatoire et impératif des dispositions de la convention collective et de l'accord d'entreprise du 4 juillet 2016 ainsi que l'absence de démonstration des heures dont la qualification de temps en travail effectif et la rémunération étaient revendiquées, et de la débouter de sa demande en requalification du contrat de travail en contrat à temps complet, alors « que la cassation qui interviendra du chef du troisième ou du quatrième moyen de cassation, relatifs aux rappels d'heures complémentaires et d'heures d'encartage, entrainera, par voie de conséquence et en application de l'article 624 du code de procédure civile, la censure de l'arrêt en ce qu'il a débouté Mme [F] de sa demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en un contrat de travail à temps plein, outre le rappel de salaire y afférent. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

14. La cassation du chef de dispositif déboutant la salariée de sa demande en paiement au titre des heures d'encartage entraîne la cassation, par voie de conséquence, du chef de dispositif la déboutant de sa demande en requalification du contrat de travail à temps partiel modulé en contrat à temps complet, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

Portée et conséquences de la cassation

15. En application de l'article 624 du code de procédure civile, les cassations prononcées entraînent la cassation, par voie de conséquence, des chefs de dispositif statuant sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

13. En revanche, elles n'emportent pas cassation des chefs de dispositif constatant le caractère obligatoire et impératif des dispositions de la convention collective et de l'accord d'entreprise du 4 juillet 2016, constatant l'absence de démonstration des heures dont la qualification en temps de travail effectif et la rémunération étaient revendiquées en ce qui concerne les heures complémentaires et rejetant la demande en paiement d'une indemnité pour exécution déloyale du contrat, qui sont sans lien d'indivisibilité ni de dépendance nécessaire avec elles.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

Dit n'y avoir lieu à interruption d'instance ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il constate l'absence de démonstration des heures dont la qualification en temps de travail effectif et la rémunération étaient revendiquées s'agissant des heures d'encartage, déboute Mme [F] de ses demandes en paiement d'un rappel de salaire pour heures d'encartage, ainsi que d'une indemnité pour travail dissimulé, et en requalification du contrat de travail à temps partiel modulé en contrat à temps complet, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 30 mars 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;

Condamne les sociétés [Z]-Rousselet et Ajilink [Y] Bonetto, en qualité de co-administratrices judiciaires, et les sociétés BTSG² et [W] [I] & A Lageat, en qualité de mandataires judiciaires, de la société Milee aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes des sociétés [Z]-Rousselet, Ajilink [Y] Bonetto, BTSG² et [W] [I] & A Lageat, ès qualités, et les condamne à payer à Mme [H] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par M. Flores, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, en ayant délibéré en remplacement du conseiller référendaire empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 1021 du code de procédure civile, en l'audience publique du dix-huit septembre deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52400916
Date de la décision : 18/09/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 30 mars 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 18 sep. 2024, pourvoi n°52400916


Composition du Tribunal
Président : M. Flores (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Cabinet François Pinet, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet

Origine de la décision
Date de l'import : 01/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52400916
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award