LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 18 septembre 2024
Cassation partielle sans renvoi
Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 897 F-D
Pourvoi n° W 23-12.899
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 SEPTEMBRE 2024
1°/ la société Sedev, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4],
2°/ la société [M] [H] et Jean-Philippe Borkowiak, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 6], prise en la personne de M. [M] [H], agissant en qualité de mandataire judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société Sedev,
3°/ la société BMA administrateurs judiciaires, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], prise en la personne de M. [W] [C], agissant en qualité de mandataire judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société Sedev,
ont formé le pourvoi n° W 23-12.899 contre l'arrêt rendu le 15 décembre 2022 par la cour d'appel d'Amiens (5e chambre prud'homale), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [R] [J], domicilié [Adresse 2],
2°/ à l'UNEDIC délégation AGS - CGEA de [Localité 5], dont le siège est [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
M. [J] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Les demanderesses au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, deux moyens de cassation.
Le demandeur au pourvoi incident invoque à l'appui de son recours, six moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Cavrois, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Sedev, des sociétés [M] [H] et Jean-Philippe Borkowiak, BMA administrateurs judiciaires, ès qualités, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. [J], après débats en l'audience publique du 3 juillet 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Cavrois, conseiller rapporteur, Mme Deltort, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 15 décembre 2022), M. [J] a été engagé en qualité de directeur de magasin par la société Sedev (la société) à compter du 21 août 2017.
2. Le 28 février 2020, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.
3. Par jugement du 2 juin 2020, a été prononcée l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société. Le 16 décembre 2020, a été arrêté un plan de redressement d'une durée de dix ans, la société [M] [H] et Jean-Philippe Borkowiak et la société BMA administrateurs judiciaires étant désignées en qualité de commissaires à l'exécution du plan de redressement de la société.
4. Le salarié a été licencié le 5 juin 2020.
Examen des moyens
Sur les premier et second moyens du pourvoi principal de l'employeur et les premier, deuxième, troisième, quatrième , cinquième moyens du pourvoi incident du salarié ainsi que sur le sixième moyen du pourvoi incident du salarié en ce qu'il fait grief à l'arrêt de condamner la société à payer au salarié des sommes à titre d'indemnité de préavis outre congés payés afférents, d'indemnité légale de licenciement, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le sixième moyen du pourvoi incident du salarié, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de condamner l'employeur à lui payer des sommes à titre d'heures supplémentaires et de contrepartie obligatoire en repos outre congés payés afférents
Enoncé du moyen
6. Le salarié fait grief à l'arrêt de condamner la société à lui payer des sommes à titre d'heures supplémentaires, de contrepartie obligatoire en repos outre congés payés, alors : « que les sommes dues par l'employeur résultant de l'exécution ou de la rupture du contrat de travail antérieurement au jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire restent soumises, même après l'adoption d'un plan de redressement, au régime de la procédure collective ; qu'en l'espèce, placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Lille du 2 juin 2020, la société Sedev avait fait l'objet d'un plan de redressement, par jugement de ce même du 16 décembre 2020 ; qu'il en résultait que les demandes du salarié dans l'instance introduite le 28 février 2020 étaient nées antérieurement au jugement d'ouverture du redressement judiciaire de l'employeur, de sorte que la cour d'appel devait se borner à déterminer le montant de la somme à inscrire sur l'état des créances déposé au greffe du tribunal sans pouvoir condamner le débiteur à payer celle-ci au salarié ; qu'en condamnant la société au paiement de diverses sommes au prétexte qu'elle avait bénéficié d'un plan de redressement suivant jugement en date du 16 décembre 2020, de sorte qu'elle se trouvait in bonis, la cour d'appel a violé les articles L. 622-22, dans sa version modifiée par l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014, et L. 625-3 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 622-22 et L. 625-3 du code du commerce :
7. Il résulte de ces textes que les instances en cours devant la juridiction prud'homale à la date du jugement d'ouverture d'une procédure collective sont poursuivies en présence du mandataire judiciaire et de l'administrateur lorsqu'il a une mission d'assistance ou ceux-ci dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.
8. Pour condamner l'employeur au paiement de diverses sommes résultant de la rupture du contrat de travail, l'arrêt retient que le tribunal de commerce a arrêté un plan de redressement et que la société étant in bonis, elle peut donc être condamnée.
9. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que les créances concernant les heures supplémentaires et l'indemnisation des repos compensateurs étaient antérieures au jugement d'ouverture de la procédure collective, la cour d'appel qui devait se borner à déterminer le montant des sommes à inscrire sur l'état des créances déposé au greffe du tribunal, a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
10. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2 du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
11. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
12. La cassation des chefs condamnant la société à payer au salarié diverses sommes à titre d'heures supplémentaires, de contrepartie obligatoire en repos outre congés payés afférents n'emporte pas celles des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la société au paiement de sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre congés payés afférents, d'indemnité légale de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, nées postérieurement à l'ouverture de la procédure collective ni celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la société aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celle-ci et non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi principal ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Sedev à payer à M. [J] les sommes de 9 827,82 euros à titre d'heures supplémentaires outre 982,78 euros de congés payés, 3 544,32 euros de contrepartie obligatoire en repos outre 354,43 euros de congés payés, l'arrêt rendu le 15 décembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Fixe au passif de la procédure collective de la société Sedev la créance de M. [J] aux sommes de 9 827, 82 euros à titre d'heures supplémentaires, de 982,78 euros au titre des congés payés afférents, de de 3 544,32 euros à titre de contrepartie obligatoire en repos, de 354,43 euros au titre des congés payés afférents ;
Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit septembre deux mille vingt-quatre.