LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 18 septembre 2024
Cassation partielle
Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 880 F-B
Pourvoi n° F 22-24.703
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 SEPTEMBRE 2024
1°/ La société Corentin Michel et Marielle Abautret, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 4],
2°/ la société Montravers-[V], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], prise en la personne de Mme [N] [V], agissant en qualité de mandataire judiciaire de la société Corentin Michel et Marielle Abautret,
3°/ la société [B] André et associés, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], prise en la personne de Mme [H] [B], agissant en qualité d'administrateur de la société Corentin Michel et Marielle Abautret,
ont formé le pourvoi n° F 22-24.703 contre trois arrêts rendus les 19 février 2021, 24 juin 2022 et 16 décembre 2022 et l'ordonnance rendue le 16 septembre 2022, par la cour d'appel de Fort-de-France (chambre sociale), dans le litige les opposant à Mme [E] [K], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, six moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Palle, conseiller, les observations écrites de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Corentin Michel et Marielle Abautret et des sociétés Montravers-[V] et [B] André et associés, ès qualités, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [K], après débats en l'audience publique du 2 juillet 2024 où étaient présentes Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Palle, conseiller rapporteur, Mme Salomon, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Déchéance partielle du pourvoi
1. Aucune critique n'étant dirigée contre les arrêts des 19 février 2021 et 24 juin 2022 et l'ordonnance du 16 septembre 2022, il y a lieu de constater la déchéance partielle du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre ces décisions, par application de l'article 978 du code de procédure civile.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France,16 décembre 2022), Mme [K] a été engagée le 16 septembre 1991, en qualité de secrétaire 1er échelon au sein d'une étude d'huissier de justice reprise par la société Corentin Michel et Marielle Abautret.
3. Victime d'un accident de trajet le 1er décembre 1999, la salariée a été placée en arrêt de travail.
4. Le 9 février 2011, le médecin du travail l'a déclarée inapte au poste mais apte à un poste avec aménagement.
5. En l'absence de reclassement et de versement de salaire depuis mars 2011, la salariée a saisi la juridiction prud'homale.
6. Par jugement du 24 janvier 2023, une procédure de sauvegarde a été ouverte à l'égard de l'employeur, la société Montravers-[V], en la personne de M. [V], et la société [B] André et associés, en la personne de Mme [B], étant respectivement désignées en qualité de mandataire judiciaire et d'administrateur.
Examen des moyens
Sur les deuxième, troisième et quatrième moyens, ce dernier pris en ses troisième à huitième branches
7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
8. L'employeur fait grief à l'arrêt de constater l'échec de la mesure de médiation judiciaire et de statuer au fond au cours de la même audience, alors « que le juge ayant ordonné une mesure de médiation judiciaire ne peut, au cours de la même audience, constater l'échec de la mesure ordonnée et statuer sur le fond du litige ; qu'en l'espèce, par arrêt avant dire droit en date du 24 juin 2022, la cour d'appel a proposé aux parties une médiation judiciaire afin qu'elle puisse mettre conjointement en oeuvre une issue à leur différend dans un sens qui préserve les intérêts de chacun et a, dans ces circonstances, renvoyé l'affaire à l'audience du vendredi 16 septembre 2022 afin qu'à cette date les parties fassent part soit de leur accord sur la mesure de médiation judiciaire et permettent ainsi à la juridiction d'organiser celle-ci et de désigner le médiateur judiciaire, soit de leur refus de recourir à une telle mesure ; que, par ordonnance du 16 septembre 2022, la mesure de médiation judiciaire a été ordonnée et l'affaire renvoyée à l'audience du 25 novembre 2022 ; qu'au cours de l'audience du 25 novembre 2022, la cour d'appel a constaté l'échec de la médiation et a en outre statué sur le fond du litige ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé les articles 131-11 et 131-12 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 131-6, alinéa 1er, et 131-11, alinéas 1 et 3, du code de procédure civile, ce dernier dans sa rédaction modifiée par le décret n° 2022-245 du 25 février 2022 :
9. Aux termes du premier de ces textes, la décision qui ordonne une médiation mentionne l'accord des parties, désigne le médiateur et la durée initiale de sa mission et indique la date à laquelle l'affaire sera rappelée à l'audience.
10. Selon le second, à l'expiration de sa mission, le médiateur informe par écrit le juge de ce que les parties sont ou non parvenues à trouver une solution au conflit qui les oppose. Le jour fixé, l'affaire revient devant le juge.
11. En application de ces textes, lorsque la durée de la mission confiée au médiateur a expiré et que, le jour fixé par la décision qui a ordonné une médiation, l'affaire revient devant lui, le juge qui constate, le cas échéant, l'échec de la mesure de médiation, peut statuer selon les modalités qu'il a préalablement annoncées dans la décision ordonnant la médiation.
12. Ayant rappelé, d'abord, que par arrêt avant dire droit du 24 juin 2022 une mesure de médiation judiciaire avait été proposée aux parties, ensuite, que par ordonnance du 16 septembre 2022, la mesure de médiation ordonnée avait fixé au médiateur désigné un délai de deux mois pour procéder à sa mission et renvoyé l'affaire à l'audience du 25 novembre 2022 pour l'homologation de l'accord des parties ou, en cas d'échec de la mesure, pour les plaidoiries des parties à l'audience pour une mise à disposition de l'arrêt rendu au 16 décembre 2022 et après avoir constaté qu'à l'audience à laquelle l'affaire avait été renvoyée, les parties l'avaient informée du refus de signer le protocole d'accord de médiation rédigé par le médiateur, dont la mission avait expiré, la cour d'appel, qui a constaté l'échec de la mesure de médiation a exactement décidé que, conformément à l'ordonnance du 16 septembre 2022, il y avait lieu de statuer sur le litige.
13. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le quatrième moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
14. L'employeur fait grief à l'arrêt de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de celui-ci, de dire que la résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le condamner à verser à la salariée certaines sommes au titre de l'indemnité de préavis, des congés payés sur préavis, au titre de l'indemnité spéciale de licenciement et de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ne s'appliquent que si l'inaptitude du salarié a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement ; qu'en l'espèce, pour dire que la salariée pouvait prétendre à l'application de la législation professionnelle, la cour d'appel s'est bornée à affirmer que l'accident subi par Mme [K] a été qualifié d'accident du travail en visant l'expertise médicale du 19 avril 2011 et un courrier de la CGSSM ; qu'en statuant ainsi sans vérifier par elle-même si l'inaptitude de la salariée, constatée en 2011 prononcée après des arrêts de travail délivrés pendant deux ans pour maladie simple avait, au moins partiellement, pour origine un accident du travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1226-10 et L. 1226-14 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1226-10 et L. 1226-14 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 applicable au litige :
15. Il résulte de ces textes que les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.
16. Pour dire que la salarié pouvait prétendre à l'application de la législation professionnelle, l'arrêt retient qu'il est constant que l'accident subi par la salariée a été qualifié d'accident du travail (cf. l'expertise médicale du 19 avril 2011, courrier de la CGSSM).
17. En se déterminant ainsi, sans vérifier, ainsi qu'il le lui était demandé, si l'inaptitude du salarié avait, au moins partiellement, pour origine un accident du travail ou une maladie professionnelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Portée et conséquences de la cassation
18. La deuxième branche du quatrième moyen ne formulant aucune critique contre les motifs de l'arrêt fondant la décision de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, de dire que la résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner l'employeur à payer à la salariée une somme au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cassation ne peut s'étendre à ces chefs du dispositif de l'arrêt qui sont justifiés par d'autres motifs de l'arrêt, non critiqués par le moyen.
19. Les autres critiques du moyen dirigées contre les motifs de l'arrêt fondant la décision de condamner l'employeur à payer l'indemnité de préavis, ayant fait l'objet d'un rejet non spécialement motivé, la cassation prononcée n'emporte pas celle du chef du dispositif qui condamne l'employeur à payer à la salariée une somme à ce titre.
20. La cassation prononcée n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CONSTATE la déchéance partielle du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 19 février 2021, l'arrêt du 24 juin 2022 et l'ordonnance du 16 septembre 2022 ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Michel et Abautret à verser à Mme [K] la somme de 23 507 euros au titre de l'indemnité spéciale de licenciement et celle de 573,75 euros au titre des congés payés sur préavis, l'arrêt rendu le 16 décembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Fort-de-France ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France, autrement composée ;
Condamne Mme [K] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit septembre deux mille vingt-quatre.