LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
FM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 18 septembre 2024
Rejet
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 479 F-B
Pourvoi n° X 21-11.995
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 18 SEPTEMBRE 2024
La société Pétroles de la côte basque, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 21-11.995 contre l'arrêt rendu le 2 novembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige l'opposant à l'administration des douanes et droits indirects, dont le siège est [Adresse 1], prise en la personne de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières et la receveuse régionale de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières, défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, six moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Tostain, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Pétroles de la Côte Basque, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de l'administration des douanes et droits indirects, et l'avis de M. Lecaroz, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 juin 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Tostain, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et Mme Layemar, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 novembre 2020), la société Pétroles de la côte basque (la société PCB), qui exerce une activité d'achat-revente de carburants et de combustibles, est assujettie à ce titre au prélèvement supplémentaire de la taxe générale sur les activités polluantes prévu à l'article 266 quindecies du code des douanes (la TGAP sur les carburants).
2. Le 30 juin 2016, soutenant que la société PCB ne justifiait pas de la durabilité des biocarburants contenus dans les carburants qu'elle avait mis à la consommation en France et n'avait pas correctement déclaré la nature et la teneur de ces biocarburants, l'administration des douanes a notifié à la société PCB un avis de résultat d'enquête portant sur un redressement au titre de la TGAP sur les carburants due pour les années 2014 et 2015, que cette société a contesté le 4 août 2016.
3. Le 28 septembre 2016, l'administration des douanes a notifié à la société PCB un procès-verbal d'infraction confirmant le redressement et a, le 20 octobre 2016, émis un avis de mise en recouvrement (AMR).
4. Après le rejet de sa contestation, la société PCB a assigné l'administration des douanes en annulation de l'AMR et de la décision de rejet, et en décharge des suppléments de taxe mis en recouvrement.
Examen des moyens
Sur le troisième moyen, pris en sa première branche
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. La société PCB fait grief à l'arrêt de déclarer régulier, tant sur la forme que sur le fond, l'AMR émis contre elle le 20 octobre 2016 pour un montant de 2 982 735 euros, alors :
« 1°/ que le principe du contradictoire et le droit pour le contribuable d'être entendu par l'administration fiscale, obligent celle-ci à répondre de manière motivée aux observations qu'il formule sur la proposition de redressement, nonobstant l'absence de disposition de droit interne prescrivant une telle obligation ; qu'en retenant, en l'espèce, que l'administration des douanes n'avait pas méconnu ces principes en se bornant à répondre à la société PCB que "ses arguments ne permettaient pas de remettre en cause l'infraction douanière reprochée", dès lors qu'à la date du contrôle, aucun texte de droit interne ne l'obligeait à répondre de manière motivée à ses observations, la cour d'appel a violé les articles 41, paragraphe 2, sous c), de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, 296 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble le principe du contradictoire et les droits de la défense ;
2°/ qu'en retenant, par motifs éventuellement adoptés, que l'administration des douanes n'était pas tenue de répondre de manière motivée aux observations de la société PCB dès lors que celle-ci n'invoquait aucun élément nouveau à l'appui de sa contestation, cependant qu'il résulte des termes clairs et précis de son courrier du 4 août 2016, qu'elle soutenait, pour la première fois, que le biocarburant incorporé dans son carburant répondait aux critères de durabilité exigés par les textes, en produisant à cette fin un certificat de la société générale de surveillance certifiant que le dépôt pétrolier qui gérait ses approvisionnements en biocarburant était agréé dans un schéma de durabilité, la cour d'appel a dénaturé ce document et violé l'article 1134 du code civil. »
Réponse de la Cour
7. En premier lieu, les articles 296 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne sont pas applicables au présent litige, dès lors que l'obligation de motivation qu'ils prévoient s'adresse, non pas aux États membres, mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union européenne. L'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas non plus applicable au contentieux fiscal lorsque le contribuable se borne, comme en l'espèce, à contester le bien-fondé des suppléments de taxe mis à sa charge sans présenter de contestation propre aux pénalités.
8. En second lieu, le respect des droits de la défense dans toute procédure ouverte à l'encontre d'une personne et susceptible d'aboutir à un acte faisant grief constitue un principe fondamental du droit de l'Union qui doit être assuré, même en l'absence de toute réglementation concernant la procédure (arrêts du 18 décembre 2008, Sopropé, C-349/07, points 36 à 38, du 22 novembre 2012, M., C-277/11, points 81 à 87, du 26 septembre 2013, Texdata Software GmbH, C-418/11, point 83, du 3 juillet 2014, Kamino International Logistics et Datema Hellmann Worldwide Logistics, C-129/13 et C-130/13, points 28, 30 à 32, du 5 novembre 2014, Mukarubega, C-166/13, points 46 et 47, du 9 novembre 2017, Ispas, C-298/16, points 26 et 27, ainsi que du 16 octobre 2019, Glencore Agriculture Hungary Kft, C-189/18, point 41).
9. Il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne que fait partie intégrante du respect des droits de la défense le droit d'être entendu, qui garantit à toute personne la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours de la procédure administrative, avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Selon cette jurisprudence, la règle imposant que le destinataire d'une décision faisant grief soit mis en mesure de faire valoir ses observations avant que celle-ci soit prise a pour but de mettre l'autorité compétente à même de tenir utilement compte de l'ensemble des éléments pertinents (arrêts du 18 décembre 2008, Sopropé, C-349/07, points 37 et 49, du 5 novembre 2014, Mukarubega, C-166/13, points 46 et 47, et du 16 octobre 2019, Glencore Agriculture Hungary, C-189/18, point 41).
10. Il s'ensuit que le principe du respect des droits de la défense n'impose pas à l'administration d'apporter une réponse distincte et motivée aux observations du redevable, mais d'en prendre connaissance et d'en tenir compte, ce qu'il incombe au juge de rechercher en cas de contestation.
11. L'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, que, le 30 juin 2016, l'administration des douanes a adressé à la société PCB un avis de résultat d'enquête dans lequel elle exposait clairement les irrégularités soulevées en matière de déclaration de durabilité et de teneur en biocarburants, ainsi que les modalités de calcul de la TGAP réclamée, que, par lettre du 4 août 2016, la société PCB a fait valoir ses observations et que l'administration des douanes y a répondu dans le procès-verbal de notification d'infraction du 28 septembre 2016, lequel reprend l'analyse figurant dans l'avis de résultat d'enquête et indique que les arguments développés par la société PCB ne permettent pas de remettre en cause l'infraction constatée.
12. De ces constatations et appréciations, dont il résultait que l'administration des douanes avait pris connaissance et tenu compte des observations de la société PCB, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la seconde branche, la cour d'appel a exactement déduit que les droits de la défense avaient été respectés.
13. Pour partie inopérant, le moyen n'est donc pas fondé pour le surplus.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
14. La société PCB fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'il résulte de l'article 266 quindecies, III, 2°, du code des douanes, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013, que la part d'énergie renouvelable pouvant être prise en compte pour la minoration du taux de la TGAP applicable à la filière gazole ne peut être supérieure à 7 % pour les biocarburants produits à partir de plantes oléagineuses et à 0,7 % pour les biocarburants produits à partir de matières premières d'origine animale ou végétale énumérées à l'article 21 de la directive 2009/28/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 ; que cette disposition, qui fixe un plafond d'incorporation de biocarburant avancé inférieur à celui applicable pour l'incorporation de biocarburant traditionnel, constitue une aide d'Etat sélective injustifiée destinée à encourager l'approvisionnement auprès de producteurs français de biocarburants traditionnels, dont les effets sur l'environnement sont pourtant plus nocifs que ceux des biocarburants avancés ; que cette aide d'Etat sélective est susceptible d'affecter les échanges entre États membres et de fausser ou menacer de fausser la concurrence ; qu'en retenant, en l'espèce, pour la condamner, qu'elle avait bénéficié à tort d'une réduction du taux de TGAP applicable à son activité en déclarant, en tant que biocarburants traditionnels, des biocarburants qui relevaient de la catégorie des biocarburants avancés qu'elle avait acquis en Espagne, et pour lesquels un plafond d'incorporation de 0,7 % aurait dû être respecté, la cour d'appel a violé l'article 107, 1°, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. »
Réponse de la Cour
15. Selon une jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne, l'illégalité, au regard du droit des aides d'État, de l'exonération d'une taxe n'est pas de nature à affecter la légalité de la taxe elle-même. Les redevables d'une taxe ne sauraient dès lors exciper de ce que l'exonération dont bénéficient d'autres entreprises constitue une aide d'État pour se soustraire au paiement de cette taxe (CJUE, ordonnance du 19 novembre 2019, Syyttäjä et Tulli, C-486/19, point 22 et jurisprudence citée).
16. Il s'ensuit que, abstraction du point de savoir si la mesure permettant la réduction du taux de la TGAP sur les carburants en fonction des biocarburants incorporés dans le gazole mis à la consommation prévue à l'article 266 quindecies, III, 2°, du code des douanes, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013, constitue une aide d'Etat illégale, la société PCB ne saurait se soustraire au paiement de cette taxe.
17. Le moyen est donc inopérant.
Sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
18. La société PCB fait le même grief à l'arrêt, alors « que l'article 266 quindecies, III, 2°, du code des douanes, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013, aux termes duquel la part d'énergie renouvelable pouvant être prise en compte pour la minoration du taux de la TGAP applicable à la filière gazole ne peut être supérieure à 7 % pour les biocarburants produits à partir de plantes oléagineuses et à 0,7 % pour les biocarburants produits à partir de matières premières d'origine animale ou végétale énumérées à l'article 21 de la directive 2009/28/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009, n'est pas conforme au principe d'égalité et au principe du pollueur-payeur ; que dès lors, en la condamnant à régler les sommes susvisées, pour avoir méconnu les plafonds d'incorporation prévus par l'article 266 quindecies, III, 2°, du code des douanes, la cour d'appel a violé l'article 191 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et l'article20 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. »
Réponse de la Cour
19. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 16 du code de procédure civile, il est fait application des articles 619 et 978, alinéa 3, du même code.
20. Selon l'article 978, alinéa 3, du code de procédure civile, chaque moyen ou chaque élément de moyen doit préciser, à peine d'être déclaré d'office irrecevable, la partie critiquée de la décision et ce en quoi celle-ci encourt le reproche allégué.
21. N'explicitant pas en quoi les dispositions de l'article 266 quindecies, III, 2°, du code des douanes, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013, ne seraient pas conformes aux principes d'égalité et du pollueur-payeur, le moyen ne satisfait pas aux exigences du texte susvisé.
22. En outre, il ne résulte ni de l'arrêt ni des conclusions de la société PCB que celle-ci ait soutenu devant la cour d'appel que les dispositions de l'article 266 quindecies, III, 2°, du code des douanes, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013, n'étaient pas conformes au principe d'égalité consacré à l'article 20 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
23. Le moyen, imprécis et nouveau et mélangé de fait et de droit, n'est donc pas recevable.
Sur le quatrième moyen
Enoncé du moyen
24. La société PCB fait le même grief à l'arrêt, alors :
« 1°/ que l'économie générale et la finalité de la directive 2008/118/CE du 16 décembre 2008 relative au régime général d'accise, telles que décrites notamment aux points 2 à 9, 33 et 34 de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 2 juin 2016 Roz-Swit (C-418/14), s'opposent à un régime national, tel l'article 266 quindecies du code des douanes français, qui permet la taxation d'un produit pétrolier commercialisé sous forme de mélange de gazole et de biocarburant comme s'il ne comportait aucune teneur de biocarburant, ce en raison du non-respect de plafonds d'incorporation nationaux variables selon les matières premières constitutives de chaque biocarburant ; qu'en se bornant à relever, pour écarter le moyen de non-conformité à la directive de l'article susvisé du code des douanes, que, même si la base d'imposition prévue par ce texte ne se fonde pas sur l'utilisation réelle du produit, cette imposition présentait une spécificité pouvant conduire à une exonération totale en fonction du taux de biocarburant retenu, cependant que cette spécificité ne justifie pas que la quantité réelle de biocarburant incorporé ne soit pas prise en compte pour le calcul de la réduction du taux d'imposition, la cour d'appel a statué par un motif inopérant en violation de la directive susvisée ;
2°/ que l'article 1er, paragraphe 2, de la directive 2008/118/CE relative au régime général d'accise du 16 décembre 2008 s'oppose au maintien d'une "taxe indirecte à finalité spécifique" comme celle de l'article 266 quindecies du code des douanes, dont les caractéristiques sont incompatibles avec l'économie générale des règles des droits d'accise, en ce que sa base d'imposition, fixée par référence au 1° du 2 de l'article 298 du code général des impôts, est celle utilisée pour calculer la TVA due en cas de mise à la consommation des carburants, à savoir une valeur moyenne fixée forfaitairement pour chaque quadrimestre par décision du directeur général des douanes sur la base du prix CAF moyen des produits importés, ou faisant l'objet d'une acquisition intracommunautaire (majoré du montant des droits de douane applicables aux produits de l'espèce en régime de droit commun en tarif minimum et des taxes et redevances perçues lors de la mise à la consommation, à l'exception de la taxe sur la valeur ajoutée), étant précisé que cette valeur forfaitaire est révisable dans le cas où les prix CAF des produits pétroliers accusent une variation en plus ou en moins, égale ou supérieure à 10 % par rapport aux prix ayant servi de base au calcul de cette valeur ; qu'en condamnant la société PCB à régler le montant de cette taxe, dont le calcul de la base d'imposition n'est pas conforme à l'économie générale de la directive 2008/118/CE relative au régime général d'accise, la cour d'appel a méconnu ce texte. »
Réponse de la Cour
25. Aux termes de l'article 1er, paragraphe 2, de la directive 2008/118/CE du 16 décembre 2008 relative au régime général d'accise et abrogeant la directive 92/12/CEE (la directive 2008/118), les États membres peuvent, à des fins spécifiques, prélever des taxes indirectes supplémentaires sur les produits soumis à accise, à condition que ces impositions respectent les règles de taxation communautaires applicables à l'accise ou à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pour la détermination de la base d'imposition, le calcul, l'exigibilité et le contrôle de l'impôt, ces règles n'incluant pas les dispositions relatives aux exonérations.
26. La Cour de justice de l'Union européenne a jugé que l'article 3, paragraphe 2, de la directive 92/12/CEE du 25 février 1992 relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise (la directive 92/12) permet aux États membres d'introduire ou de maintenir une imposition indirecte autre que l'accise instituée par cette directive si, d'une part, cette imposition poursuit une finalité spécifique et si, d'autre part, elle respecte les règles de taxation applicables pour les besoins des accises ou de la TVA pour la détermination de la base d'imposition, le calcul, l'exigibilité et le contrôle de l'impôt et que ces deux conditions, qui visent à éviter les impositions indirectes supplémentaires entravant indûment les échanges, revêtent, ainsi qu'il ressort du libellé même de ladite disposition, un caractère cumulatif (arrêts du 27 février 2014, Transportes Jordi Besora, C-82/12, points 21 et 22, et du 25 juillet 2018, Messer France, C-103/17, points 35 et 36).
27. S'agissant de la seconde condition, la Cour de justice a jugé que l'article 3, paragraphe 2, de la directive 92/12 ne requiert pas des États membres le respect de toutes les règles relatives aux accises ou à la TVA en matière de détermination de la base imposable, de calcul, d'exigibilité et de contrôle de l'impôt et qu'il suffit que les impositions indirectes poursuivant des finalités spécifiques soient conformes, sur ces points, à l'économie générale de l'une ou de l'autre de ces techniques d'imposition, telles qu'elles sont organisées par la réglementation de l'Union (arrêts du 24 février 2000, Commission/France, C-434/97, point 27, du 9 mars 2000, EKW et Wein & Co, C-437/97, point 47, et du 25 juillet 2018, Messer France, C-103/17, point 48).
28. Il ressort en outre de son arrêt du 5 mars 2015 Statoil Fuel & Retail (C-553/13, point 34) que, la teneur des dispositions de l'article 1er, paragraphe 2, de la directive 2008/118 et de l'article 3, paragraphe 2, de la directive 92/12 n'étant, en substance, pas différente, la jurisprudence de la Cour relative à cette dernière disposition demeure applicable en ce qui concerne l'article 1er, paragraphe 2, de la directive 2008/118.
29. L'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, que la valeur forfaitaire du carburant déterminée sur la base d'un prix CAF moyen n'est qu'une des quatre composantes de l'assiette de la TGAP sur les carburants, que le prix CAF n'est pas le prix réel des marchandises mais une moyenne par unité de volume applicable sur l'ensemble du quadrimestre et que le taux de la TGAP sur les carburants est calculé en fonction des volumes de biocarburants incorporés dans les carburants mis à la consommation, de sorte que la TGAP sur les carburants n'est pas exclusivement calculée par rapport à la valeur du produit mais tient également compte de sa quantité. Il relève encore que la TGAP sur les carburants est exigible au moment de la mise à la consommation des produits.
30. De ces seuls motifs, abstraction faite de ceux surabondants critiqués par la première branche, la cour d'appel a exactement déduit que la TGAP sur les carburants n'était pas contraire à la directive 2008/118.
31. Pour partie inopérant, le moyen n'est donc pas fondé pour le surplus.
Sur le cinquième moyen
Enoncé du moyen
32. La société PCB fait le même grief à l'arrêt, alors « que la directive 2009/28/CE du 23 avril 2009 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables, qui invite les Etats membres à encourager l'utilisation de biocarburants apportant des effets bénéfiques supplémentaires, s'oppose au dispositif de l'article 266 quindecies, III, 2°, du code des douanes français dans sa rédaction applicable à la cause, qui, pour déterminer les modalités de réduction du taux d'imposition de la TGAP, fixe un plafond d'incorporation pour ces biocarburants avancés dix fois inférieur à celui applicable pour les biocarburants traditionnels, pourtant plus nocifs pour l'environnement, et décourage ainsi l'utilisation de biocarburants apportant des effets bénéfiques supplémentaires ; qu'en retenant, en l'espèce, pour la condamner, qu'elle avait bénéficié à tort d'une réduction du taux de TGAP applicable à son activité en déclarant, en tant que biocarburants traditionnels, des biocarburants qui relevaient de la catégorie des biocarburants avancés qu'elle avait acquis en Espagne, et pour lesquels un plafond de 0,7 % était applicable, la cour d'appel a violé l'article 17 et le point 89 de la directive 2009/28/CE du 23 avril 2009 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables. »
Réponse de la Cour
33. Selon son article 1er, la directive 2009/28/CE du 23 avril 2009 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables et modifiant puis abrogeant les directives 2001/77/CE et 2003/30/CE (la directive 2009/28) définit un cadre commun pour la promotion de la production d'énergie à partir de sources renouvelables, fixe des objectifs nationaux contraignants concernant la part de l'énergie produite à partir de sources renouvelables dans la consommation finale brute d'énergie et la part de l'énergie produite à partir de sources renouvelables dans la consommation d'énergie pour les transports, et définit des critères de durabilité pour les biocarburants.
34. Elle indique, à son considérant 89, que, lorsqu'ils élaborent leurs régimes d'aide, les États membres pourraient prévoir d'encourager l'utilisation de biocarburants apportant des effets bénéfiques supplémentaires et prévoit, à son article 17, que l'énergie produite à partir des biocarburants est prise en considération pour mesurer la conformité aux objectifs nationaux et aux obligations en matière d'énergie renouvelable et pour déterminer l'admissibilité à une aide financière pour la consommation des biocarburants, uniquement si ceux-ci répondent à certains critères de durabilité.
35. La Cour de justice de l'Union européenne juge que la possibilité pour les États membres, qui disposent d'une marge d'appréciation quant aux mesures qu'ils estiment appropriées pour atteindre les objectifs nationaux contraignants, d'adopter des régimes d'aide destinés à promouvoir l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables n'implique en rien que ceux-ci seraient empêchés de taxer les entreprises développant de telles sources d'énergie (arrêts du 20 septembre 2017, Elecdey Carcelen e.a., C-215/16, C-216/16, C-220/16 et C-221/16, points 31 à 33, du 11 juillet 2019, Agrenergy e.a., C-180/18, C-286/18 et C-287/18, point 27, et du 3 mars 2021, Promociones Oliva Park, C-220/19, point 69).
36. Elle a précisé que, même si une taxe pouvait rendre moins attrayante la production et l'utilisation d'une énergie renouvelable et, partant, conduire l'État membre concerné à ne pas respecter l'objectif contraignant national global fixé à l'annexe I, partie A, de la directive 2009/28, il en résulterait, tout au plus, une violation, par cet État membre, de ses obligations au titre de cette directive, sans que l'instauration d'une telle redevance puisse, pour autant, être considérée, en elle-même, comme contraire à ladite directive, (arrêt Elecdey Carcelen e.a., précité, point 40, et ordonnance du 30 avril 2020, Marvik-Pastrogor et Rodes-08, C-818/19 et C-878/19, point 46).
37. Il s'ensuit que, à supposer que la TGAP sur les carburants, prévue à l'article 266 quindecies du code des douanes, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013, dont le taux peut être réduit à hauteur de 7 % en cas d'incorporation de biocarburants traditionnels dans le gazole mis à la consommation, et seulement à hauteur de 0,7 % en cas d'incorporation de biocarburants avancés, puisse être considérée comme décourageant l'utilisation de biocarburants apportant des effets bénéfiques supplémentaires, elle ne saurait, pour autant, être considérée, en elle-même, comme contraire à la directive 2009/28.
38. En conséquence, le moyen est inopérant.
Sur le sixième moyen
Enoncé du moyen
39. La société PCB fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'il résulte du principe communautaire de proportionnalité et de l'article 18, paragraphe 7, de la directive 2009/28/CE du 23 avril 2009 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables, que lorsqu'un opérateur économique apporte une preuve ou des données relatives à la durabilité des énergies renouvelables qu'il utilise, obtenues dans le cadre d'un accord ou d'un système qui a fait l'objet d'une décision adoptée par la Commission européenne sur le fondement de l'article 18, paragraphe 4, de ladite directive, et dans la mesure de ce que prévoit cette décision, les États membres ne peuvent pas exiger de cet opérateur qu'il apporte d'autres preuves de conformité aux critères de durabilité fixés à l'article 17, paragraphes 2 à 5, de cette directive ; qu'en retenant, en l'espèce, pour priver la société PCB du bénéfice d'une réduction du taux d'imposition de la TGAP, qu'elle ne prouvait pas valablement la durabilité des biocarburants incorporés dans ses carburants mis à la consommation, au motif qu'elle n'avait pas respecté le système probatoire prévu par l'article L. 661-7 du code de l'énergie prévoyant une obligation d'adhésion au système de durabilité français et la production de déclarations de durabilité à la direction de l'énergie et du climat (DGEC), mais sans rechercher, comme elle y était invitée, si elle ne rapportait pas suffisamment cette preuve en produisant des certificats de durabilité émanant de ses fournisseurs ibériques ayant adhéré au système de contrôle ISCC lequel a fait l'objet d'une décision de la Commission européenne sur le fondement de l'article 18, paragraphe 4, précité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 18, paragraphe 7, de la directive susvisée et des articles 266 quindecies du code des douanes et L. 661-7 du code de l'énergie. »
Réponse de la Cour
40. Selon l'article 18, paragraphe 7, de la directive 2009/28 précitée, lorsqu'un opérateur économique apporte une preuve ou des données obtenues dans le cadre d'un accord ou d'un système qui a fait l'objet d'une décision de la Commission, dans la mesure prévue par ladite décision, les États membres n'exigent pas du fournisseur qu'il apporte d'autres preuves de conformité aux critères de durabilité fixés à l'article 17, paragraphes 2 à 5, de cette directive.
41. La Cour de justice de l'Union européenne juge que la directive 2009/28 utilise la notion d'« opérateur économique », sans pourtant la définir et que, compte tenu de la généralité des termes dans lesquels se trouvent énoncés les critères énumérés aux points a) à c) de l'article 18, paragraphe 1, de cette directive, ladite disposition n'a pas procédé à une harmonisation complète de la méthode de vérification liée au système du bilan massique. Elle en déduit que les États membres conservent, sous réserve d'avoir à respecter les exigences générales qu'énonce ladite disposition à ses points a) à c), une importante marge de manoeuvre lorsqu'ils sont appelés à déterminer, plus précisément, les conditions concrètes dans lesquelles les opérateurs économiques concernés sont appelés à utiliser un tel système (arrêts du 22 juin 2017, E.ON Biofor Sverige, C-549/15, points 40 et 77, et du 4 octobre 2018, Legatoria Editoriale Giovanni Olivotto SpA C-242/17, point 45).
42. Selon l'article 266 quindecies du code des douanes, III, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013, le taux du prélèvement supplémentaire de la TGAP sur les carburants est fixé à 7 % dans la filière essence et à 7,7 % dans la filière gazole et diminué à proportion de la quantité de biocarburants incorporée aux carburants mis à la consommation en France, sous réserve que ces biocarburants respectent les critères de durabilité prévus aux articles L. 661-3 à L. 661-6 du code de l'énergie.
43. Aux termes de l'article L. 661-7, alinéa 6, du code de l'énergie, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2011-1105 du 14 septembre 2011, les opérateurs qui mettent à la consommation des carburants et combustibles liquides contenant des biocarburants ou bioliquides sont tenus de démontrer que ces produits satisfont aux critères de durabilité. A cette fin, ils établissent des déclarations de durabilité fondées sur les informations recueillies et les adressent, au moment de la mise à la consommation, à l'organisme chargé de gérer le système de durabilité des biocarburants et des bioliquides. Pour bénéficier des avantages fiscaux prévus par le code des douanes, ils adressent également ces déclarations de durabilité à l'administration des douanes.
44. Selon l'article 10 du décret n° 2011-1468 du 9 novembre 2011 pris pour l'application de l'ordonnance n° 2011-1105 du 14 septembre 2011, alors applicable, l'opérateur économique qui incorpore des biocarburants pour produire des carburants, au sens du code des douanes, qu'il met à la consommation, établit, au vu notamment des informations recueillies, une déclaration de durabilité pour chaque lot de biocarburants incorporés dans les carburants mis à la consommation. Il la transmet à l'organisme chargé du système de durabilité des biocarburants et bioliquides dès la mise à la consommation. Pour bénéficier des avantages fiscaux attachés à ces carburants, il adresse également la déclaration de durabilité à l'administration des douanes.
45. L'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, que la société PCB, qui n'a pas transmis la déclaration mensuelle de durabilité à la direction générale de l'énergie et du climat et a uniquement produit les certificats d'incorporation de biocarburant, ne conteste pas ne pas s'être inscrite dans un schéma de durabilité, schéma volontaire ou système national, et retient que, ce faisant, elle n'a pas démontré la durabilité des biocarburants contenus dans les carburants acquis auprès de fournisseurs espagnols qu'elle mettait à la consommation en France.
46. En l'état de ces constatations et appréciations, desquelles il résulte que la société PCB ne justifiait pas de la durabilité des biocarburants contenus dans le gazole qu'elle avait mis à la consommation pour bénéficier de la réduction du taux de la TGAP sur les carburants, la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer la recherche invoquée, que ses constatations rendaient inopérante, a légalement justifié sa décision.
47. Et, en l'absence de doute raisonnable, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de questions préjudicielles.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Pétroles de la côte basque aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Pétroles de la côte basque et la condamne à payer à l'administration des douanes et droits indirects, la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières et la receveuse régionale de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit septembre deux mille vingt-quatre.