LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 4 juillet 2024
Cassation
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 399 FS-D
Pourvoi n° U 22-20.345
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 JUILLET 2024
La commune d'Arles-sur-Tech, représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité en [Adresse 9], a formé le pourvoi n° U 22-20.345 contre l'arrêt rendu le 19 mai 2022 par la cour d'appel de Montpellier (3e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [S] [V],
2°/ à Mme [D] [P], épouse [V],
tous deux domiciliés [Adresse 10],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pons, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la commune d'Arles-sur-Tech, de la SARL Cabinet Briard, avocat de M. et Mme [V], et l'avis de Mme Compagnie, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 mai 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Pons, conseiller référendaire rapporteur, Mme Grandjean, conseiller faisant fonction de doyen, Mme Grall, M. Bosse-Platière, Mmes Proust, Pic, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, Gallet, Davoine, M. Choquet, conseillers référendaires, Mme Compagnie, avocat général, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 19 mai 2022), la commune d'Arles-sur-Tech (la commune) a assigné M. [V] et Mme [P], son épouse, afin d'obtenir le rétablissement sous astreinte des libres passage et usage d'un chemin passant sur les parcelles cadastrées section C n° [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6] et [Cadastre 7], leur appartenant, donnant accès à une cascade, à un puits de glace et à un oratoire.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa sixième branche
Enoncé du moyen
2. La commune fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu'en conséquence, il appartient au juge de vérifier les conditions d'application de la règle de droit invoquée ; qu'en l'espèce, la Commune d'[Localité 8] entendait se prévaloir de l'article 72 des constitutions de Catalogne, également connu sous le nom de lex stratae, pour faire reconnaître le droit de passage du public sur le chemin litigieux ; qu'il incombait aux juges du fond de vérifier les conditions d'application de la lex stratae au litige ; que, dès lors, en affirmant que la Commune d'Arles-sur-Tech ne démontrait « d'aucune manière que l'ensemble du territoire du département des Pyrénées- Orientales, et donc de son territoire précisément, sont soumis aux dispositions de cette loi », la cour d'appel a inversé la charge de la preuve violant ainsi l'article 12 du code de procédure civile ».
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
3. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé.
4. Pour rejeter les demandes de la commune, l'arrêt relève que M. et Mme [V] sont propriétaires du terrain sur lequel le chemin est situé, puis que l'article 72 des constitutions de Catalogne de 1068 (Lex Stratae) figure dans le recueil des usages locaux et des règlements du département des Pyrénées-Orientales et fait obligation aux puissances publiques de ne jamais aliéner l'usage des routes et chemins publics, sources, eaux courantes, roches et forêts leur appartenant, et enfin que si l'existence de cette loi qui n'a pas été abrogée n'est pas contestée, la commune ne démontre pas qu'elle s'applique à l'ensemble du département, et par conséquent à son territoire.
5. En statuant ainsi, sans fonder en droit le champ d'application matériel et territorial de la règle qu'elle estimait applicable au litige, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier, autrement composée ;
Condamne M. et Mme [V] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juillet deux mille vingt-quatre.