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03/07/2024 | FRANCE | N°52400711

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 03 juillet 2024, 52400711


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


ZB1






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 3 juillet 2024








Cassation partielle




Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 711 F-D


Pourvoi n° W 22-21.244








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE

FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 3 JUILLET 2024


Mme [B] [Z], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 22-21.244 contre l'arrêt rendu le 29 juin 2022 par la cour d...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 3 juillet 2024

Cassation partielle

Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 711 F-D

Pourvoi n° W 22-21.244

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 3 JUILLET 2024

Mme [B] [Z], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 22-21.244 contre l'arrêt rendu le 29 juin 2022 par la cour d'appel de Limoges (chambre économique et sociale), dans le litige l'opposant à la société [E] [H], société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Nirdé-Dorail, conseiller, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de Mme [Z], de la SCP Doumic-Seiller, avocat de la société [E] [H], après débats en l'audience publique du 4 juin 2024 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Nirdé-Dorail, conseiller rapporteur, Mme Lacquemant, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Limoges, 29 juin 2022), Mme [Z] a été engagée en qualité d'assistante, à compter du 12 février 2003, par la société Lebreton-[H], aux droits de laquelle vient la société [E] [H], relevant de la convention collective nationale du personnel des administrateurs et des mandataires judiciaires du 20 décembre 2007.

2. Le 31 mai 2017, la salariée a fait valoir ses droits à la retraite.

3. Revendiquant la classification au statut cadre échelon 2 et la réalisation d'heures supplémentaires, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de demandes de rappels de salaires.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen, pris en sa première branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de débouter la salariée de sa demande au titre des heures supplémentaires pour l'année 2014

Enoncé du moyen

5. La salariée fait grief à l'arrêt de condamner l'employeur à lui payer diverses sommes au titre des salaires et des congés payés afférents, au titre du treizième mois, de la régularisation de la prime de retraite, et des heures supplémentaires effectuées en 2016 et en 2017, et de la débouter du surplus de ses demandes afférentes à l'accomplissement d'heures supplémentaires entre le 25 août 2014 et le 31 mai 2017, alors « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'au titre de l'année 2014, la cour d'appel a retenu que la salariée produisait un décompte sous forme de tableau des heures de travail réalisées par elle selon lequel elle terminait systématiquement à 19 heures et qui fait état de 60 heures et 45 minutes d'heures supplémentaires travaillées, après déduction de 8 heures de récupération, que néanmoins, elle ne produit comme éléments objectifs venant corroborer ce décompte émanant d'elle-même, que trois mails professionnels adressés le 6 janvier à 18 heures 29, le 23 janvier à 19 heures 57 et le 3 novembre à 19 heures, qu'il convient de considérer que ces seules pièces ne sont pas suffisantes pour corroborer le décompte et que de plus, il est peu probable que la salariée terminait son travail toujours précisément à la même heure le soir ; qu'en statuant ainsi, cependant que la présence dans le décompte d'heures de récupération établissait par elle-même l'accomplissement d'heures supplémentaires, que la salariée présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre et que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail, qui permette de vérifier que la salariée n'avait pas effectué un nombre plus important d'heures supplémentaires que les huit heures récupérées, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

6. La cour d'appel ne s'étant pas prononcée dans le dispositif de sa décision sur une prétention qu'elle a examinée dans ses motifs, en ce qu'elle n'a pas débouté la salariée de sa demande au titre des heures supplémentaires pour l'année 2014, le moyen critique en réalité une omission de statuer qui, pouvant être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du code de procédure civile, ne donne pas ouverture à cassation.

7. Le moyen est donc irrecevable.

Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de débouter la salariée de sa demande au titre des heures supplémentaires pour l'année 2015

Enoncé du moyen

8. La salariée fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'au titre de l'année 2015, la cour d'appel a relevé que la salariée produisait un décompte sous forme de tableau des heures de travail réalisées par elle, selon lequel elle quittait le travail en général vers 19 heures 15 et avait accompli 216 heures supplémentaires, dont à déduire 60 heures de récupération, soit un solde de 149 heures non rémunérées, qu'elle produisait à l'appui de ce décompte une copie d'écran d'ordinateur selon lequel, entre janvier et novembre 2015, trois documents avaient été enregistrés au-delà de 18 heures 30 et deux documents un mercredi dans l'après-midi, et produisait également trois pouvoirs donnés à elle par M. [H] afin de le représenter aux audiences du juge-commissaire les mercredis 14 janvier sans précision de l'heure, 15 avril 2015 à 14 heures 15, 24 juin 2015 sans précision de l'heure ; qu'elle en a déduit que la salariée admettant avoir bénéficié de 60 heures de récupération en 2015, il convenait de considérer qu'elle ne produisait pas d'éléments suffisamment précis et concordants permettant de faire droit à sa demande en paiement d'heures supplémentaires ; qu'en statuant ainsi, cependant que l'existence des 160 heures récupérées établissait par elle-même l'accomplissement d'heures supplémentaires, que la salariée présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre et que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail, permettant de vérifier qu'elle n'avait pas accompli un nombre plus élevé d'heures supplémentaires que les 160 heures récupérées, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :

9. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

10. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

11. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

12. Pour rejeter la demande de la salariée au titre des heures supplémentaires pour l'année 2015, l'arrêt relève qu'elle produit un descriptif et un décompte sous forme de tableau selon lequel elle terminait systématiquement à 19 heures et faisant état de 216 heures supplémentaires travaillées dont à déduire 60 heures de récupération soit un solde de 149 heures supplémentaires pour la période du 5 janvier au 31 décembre 2015, une copie d'écran d'ordinateur selon lequel, entre janvier et novembre 2015, trois documents ont été enregistrés au delà de 18h30 les 19 janvier, 2 juillet et 3 novembre et enfin trois pouvoirs remis par le mandataire judiciaire afin de le représenter aux audiences du 14 janvier et le 24 juin, sans précision de l'heure, et du 14 avril à 14h15. L'arrêt en déduit que la salariée, admettant avoir bénéficié des heures de récupération précitées, ne produit pas d'éléments suffisamment précis et concordants permettant de faire droit à sa demande.

13. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la salariée présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

14. Le moyen ne formulant aucune critique contre les motifs de l'arrêt en ce qu'il accorde à la salariée les sommes de 2 489,92 euros brut et de 2 031,85 euros brut au titre des heures supplémentaires respectivement pour les années 2016 et 2017 outre les congés payés afférents, de 207,49 euros brut et de 169,32 euros brut au titre du treizième mois sur les heures supplémentaires effectuées en 2016 et 2017, la cassation prononcée ne peut s'étendre à ces dispositions de l'arrêt qui ne sont pas dans un lien de dépendance avec les dispositions de l'arrêt critiquées par ce moyen.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [Z] de ses demandes de rappel de salaire pour heures supplémentaires au titre de l'année 2015 et au titre des treizième mois sur les heures supplémentaires effectuées en 2015, en ce qu'il condamne la SCP [E] [H] à payer à Mme [Z] la somme de 579,64 euros brut au titre de la régularisation de la prime de retraite, et en ce qu'il statue sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens, l'arrêt rendu le 29 juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Limoges autrement composée ;

Condamne la société [E] [H] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société [E] [H] et la condamne à payer à Mme [Z] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois juillet deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52400711
Date de la décision : 03/07/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Limoges, 29 juin 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 03 jui. 2024, pourvoi n°52400711


Composition du Tribunal
Président : Mme Capitaine (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, SCP Doumic-Seiller

Origine de la décision
Date de l'import : 09/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52400711
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