LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE, a rendu l'arrêt suivant :
COUR DE CASSATION RB5
ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE
Audience publique du 28 juin 2024
Cassation partielle
Rejet
M. SOULARD, premier président
Arrêt n° 678 B+R
Pourvoi n° K 22-84.760
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE, DU 28 JUIN 2024
Mme [I] [X], civilement responsable, [E] [L] et les sociétés [3] et [2], aux droits de laquelle se trouve la société [4], parties civiles, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre des mineurs, du 17 juin 2022, qui, dans la procédure suivie contre le deuxième du chef de destruction de bois par incendie pouvant causer un dommage aux personnes ou un dommage irréversible à l'environnement, a prononcé sur les intérêts civils.
Par arrêt du 14 avril 2023, la chambre des mineurs de la cour d'appel d'Aix-en-Provence a statué, notamment, sur la requête en omission de statuer formée par la société [3] à l'encontre de l'arrêt du 17 juin 2022.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Par arrêt du 28 novembre 2023, la chambre criminelle a ordonné le renvoi de l'examen du pourvoi devant l'assemblée plénière.
Mme [I] [X] et [E] [L], demandeurs au pourvoi, invoquent, devant l'assemblée plénière, le moyen de cassation formulé dans des mémoires déposés au greffe de la Cour de cassation par la SCP Waquet, Farge, Hazan.
La société [2], aux droits de laquelle se trouve la société [4], et la société [3], demanderesses au pourvoi, invoquent, devant l'assemblée plénière, les moyens de cassation formulés dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de cassation par le Cabinet Rousseau et Tapie.
Des mémoires en défense aux pourvois ont été déposés au greffe de la Cour de cassation par la SCP Duhamel, avocat de M. [P] [L].
Des mémoires aux fins d'association aux pourvois ont été déposés au greffe de la Cour de cassation par la SCP Le Prado-Gilbert, avocat de M. [A] [R] et de la société [1].
Des observations complémentaires, en demande et en défense, ont été produites.
Le rapport écrit de M. Martin, conseiller, et l'avis écrit de M. Heitz, procureur général, ont été mis à disposition des parties.
Sur le rapport de M. Martin, conseiller, assisté de Mme Couvez et M. Dureux, auditeurs au service de documentation, des études et du rapport, les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, du Cabinet Rousseau et Tapie, de la SCP Duhamel, de la SCP Le Prado-Gilbert et l'avis de M. Heitz, procureur général, auquel les parties, invitées à le faire, n'ont pas souhaité répliquer, après débats en l'audience publique du 17 mai 2024 où étaient présents M. Soulard, premier président, M. Sommer, Mme Teiller, MM. Bonnal, Vigneau, Mmes Champalaune, Martinel, présidents, M. Martin, conseiller rapporteur, MM. Huglo, Echappé, Mmes de la Lance, Duval-Arnould, Vaissette, doyens de chambre, Mme Leroy-Gissinger, conseiller faisant fonction de doyen de chambre, Mmes Auroy, Monge, Fevre, M. Coirre, Mme Grall, conseillers, M. Heitz, procureur général, et Mme Mégnien, greffier fonctionnel-expert,
la Cour de cassation, siégeant en assemblée plénière, composée du premier président, des présidents, des doyens de chambre et des conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le tribunal pour enfants a déclaré [E] [L] coupable du chef susvisé et, prononçant sur les intérêts civils, a déclaré ses parents, Mme [I] [X], chez laquelle sa résidence était fixée au moment des faits, et M. [P] [L], civilement responsables.
3. La société [2], aux droits de laquelle se trouve la société [4], et la société [3] s'étaient constituées partie civile.
4. M. [P] [L] a relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le moyen, pris en ses première, troisième et quatrième branches, proposé pour Mme [X] et [E] [L], et le premier moyen et le troisième moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches, proposés pour la société [4]
5. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur les moyens proposés pour la société [3]
Enoncé des moyens
6. Le premier moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a infirmé le jugement déféré en ce qu'il avait déclaré M. [P] [L] civilement responsable de son fils [E] [L], alors « que les dispositions de l'article 1242, alinéa 4, du code civil, telles qu'interprétées par la Cour de cassation comme attribuant la responsabilité de plein droit, en cas de divorce, au seul parent chez lequel la résidence habituelle de l'enfant a été fixée, quand bien même l'autre parent, bénéficiaire d'un droit de visite et d'hébergement, exercerait conjointement l'autorité parentale, portent atteinte au droit de mener une vie familiale normale et à l'exigence de protection de l'intérêt supérieur de l'enfant résultant des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 ainsi qu'au respect de la vie privée garantie à l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et au principe d'égalité devant la loi consacré par l'article 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; qu'il y a lieu, dès lors, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par les exposantes par mémoire distinct ; qu'à la suite de la déclaration d'inconstitutionnalité qui interviendra, l'arrêt attaqué se trouvera privé de base légale.»
7. Le deuxième moyen fait le même grief à l'arrêt attaqué, alors « que selon l'article 18, § 1, de la Convention relative aux droits de l'enfant, les Etats parties s'emploient de leur mieux à assurer la reconnaissance du principe selon lequel les deux parents ont une responsabilité commune pour ce qui est d'élever l'enfant et d'assurer son développement ; qu'il en résulte que les père et la mère, en tant qu'ils exercent l'autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux, de sorte que le parent divorcé chez lequel n'a pas été fixée judiciairement la résidence de son enfant mineur est, au même titre que l'autre parent, responsable civilement de plein droit du fait de cet enfant ; que pour décider que M. [P] [L] n'était pas civilement responsable de son fils mineur [E] [L], la cour d'appel a énoncé que « la résidence demeurait en l'espèce le critère déterminant pour engager la responsabilité de M. [P] [L] » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu l'article 18, § 1, de la Convention relative aux droits de l'enfant ensemble l'article 1242, alinéa 4, du code civil interprété à la lumière de ladite Convention. »
8. Le troisième moyen fait le même grief à l'arrêt attaqué, alors :
« 1°/ que le père et la mère, en tant qu'ils exercent l'autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux ; qu'il en résulte que le parent divorcé chez lequel n'a pas été fixée judiciairement la résidence de son enfant mineur est, au même titre que l'autre parent, responsable civilement de plein droit du fait de cet enfant ; que pour décider que M. [P] [L] n'était pas civilement responsable de son fils mineur [E] [L], la cour d'appel a énoncé que « la résidence demeurait en l'espèce le critère déterminant pour engager la responsabilité de M. [P] [L] » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu l'article 1242, alinéa 4, du code civil ;
2°/ et en toute hypothèse, que si, devant le juge civil, n'est pas civilement responsable de plein droit, du fait de son enfant mineur, le parent divorcé ou séparé de corps auquel n'a pas été attribué l'exercice de l'autorité parentale ou chez lequel, en cas d'exercice conjoint, l'enfant mineur n'a pas sa résidence habituelle, la victime peut toutefois agir à l'encontre dudit parent sur le fondement de la responsabilité pour faute ; qu'en revanche, devant le juge pénal, en application de l'article 2 du code de procédure pénale, la juridiction répressive est incompétente pour rechercher si le civilement responsable, cité en cette qualité, a commis une faute personnelle au sens de l'article 1240 du code civil ; qu'ainsi, pour éviter une inégalité de traitement entre les victimes indemnisées par le juge civil et celles indemnisées par le juge pénal, le juge répressif ne saurait écarter la responsabilité civile de plein droit d'un parent divorcé exerçant l'autorité parentale au seul motif que la résidence de l'enfant mineur a été judiciairement fixée chez l'autre parent ; qu'en écartant néanmoins la responsabilité civile de M. [P] [L], père d'[E] [L], la cour d'appel méconnu l'article 1242, alinéa 4, du code civil, ensemble le principe d'égalité devant la loi ;
3°/ et en toute hypothèse que selon l'article 1242, alinéa 1er, du code civil, on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde ; que pour décider que M. [P] [L] n'était pas civilement responsable de son fils mineur [E] [L], la cour d'appel a énoncé qu'« aucune faute n'est démontrée à l'encontre du père seul élément qui permettrait en l'état du jugement de divorce organisant la séparation des parents de retenir la responsabilité civile de M. [P] [L] » ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si la responsabilité de M. [P] [L], bénéficiaire d'un droit de visite et d'hébergement, pouvait être engagée par ailleurs sur le fondement du premier alinéa de l'article 1242 du code civil, la cour d'appel a méconnu l'article 1242 du code civil ;
4°/ et en toute hypothèse que devant la juridiction pénale, le civilement responsable peut être condamné à des réparations civiles en raison de sa faute personnelle de sorte que la responsabilité civile du parent chez lequel la résidence habituelle de l'enfant n'a pas été fixée, peut être engagée en cas de faute de sa part ; qu'en décidant néanmoins qu'aucune faute n'était démontrée à l'encontre M. [P] [L] quand il résultait des propres constatations de l'arrêt qu'[E] [L] était hébergé chez son père « avant et pendant les crimes », ce qui suffisait à établir sa carence dans la surveillance, l'éducation et le développement de son fils, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a statué par des motifs contradictoires en violation de l'article 593 du code de procédure pénale, ensemble l'article 1242, alinéa 4, du code civil. »
9. Le quatrième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a omis de statuer sur sa demande de dommages-intérêts, alors « que les arrêts de la chambre de l'instruction, ainsi que les arrêts et jugements en dernier ressort sont déclarés nuls lorsqu'il a été omis ou refusé de prononcer soit sur une ou plusieurs demandes des parties, soit sur une ou plusieurs réquisitions du ministère public ; que la société [3] a déposé devant la cour d'appel des conclusions régulièrement visées formulant une demande d'indemnisation ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur cette demande formée au titre des intérêts civils, la cour d'appel a méconnu l'article 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
10. Les moyens sont réunis.
11. Il résulte des articles 10 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi du 23 mars 2019, 710 et 711 du même code, que lorsque la juridiction répressive a omis de se prononcer sur une ou plusieurs demandes de la partie civile régulièrement constituée, celle-ci ne peut obtenir qu'il soit statué sur ces demandes qu'en ressaisissant cette juridiction.
12. L'arrêt attaqué a omis de se prononcer sur les demandes de la société [3].
13. Les moyens, qui dénoncent en réalité une omission de statuer, rectifiée suivant la procédure prévue aux articles 710 et 711 du code de procédure pénale par un arrêt de la chambre des mineurs de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 14 avril 2023, non frappé de pourvoi, sont irrecevables.
Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche, proposé pour Mme [X] et [E] [L], et le troisième moyen, pris en sa première branche, proposé pour la société [4]
Enoncé des moyens
14. Le moyen proposé pour Mme [X] et [E] [L] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a infirmé le jugement déféré en ce qu'il a déclaré M. [P] [L] civilement responsable de son fils mineur [E] [L], alors :
« 2°/ qu'en cas de divorce, la responsabilité de plein droit prévue par l'article 1242, alinéa 4, du code civil incombe aux deux parents, en ce qu'ils exercent conjointement l'autorité parentale ; qu'en effet, l'article 18-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant impose aux États d'assurer la reconnaissance du principe de la coparentalité pour ce qui est d'élever l'enfant et d'assurer son développement ; qu'en écartant pourtant la responsabilité de M. [P] [L], au motif que la responsabilité de plein droit prévue par l'article 1242, alinéa 4, du code civil incombe au seul parent chez lequel la résidence habituelle de l'enfant a été fixée, quand bien même l'autre parent bénéficiaire d'un droit de visite et d'hébergement exerce conjointement l'autorité parentale, la cour d'appel a méconnu le principe susvisé, en violation des articles 1242 du code civil et 18-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant. »
15. Le moyen proposé pour la société [4] fait le même grief à l'arrêt attaqué, alors :
« 1°/ que le père et la mère, en tant qu'ils exercent l'autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux ; qu'il en résulte que le parent divorcé chez lequel n'a pas été fixée judiciairement la résidence de son enfant mineur est, au même titre que l'autre parent, responsable civilement de plein droit du fait de cet enfant ; que pour décider que M. [P] [L] n'était pas civilement responsable de son fils mineur [E] [L], la cour d'appel a énoncé que « la résidence demeurait en l'espèce le critère déterminant pour engager la responsabilité de M. [P] [L] » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu l'article 1242, alinéa 4, du code civil. »
Réponse de la Cour
16. Les moyens sont réunis.
Vu l'article 1242, alinéa 4, du code civil :
17. Dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale, l'article 1384, alinéa 4, du code civil disposait que le père et la mère, en tant qu'ils exercent le droit de garde, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux.
18. Dans sa version issue de la loi précitée, qui pose le principe de l'exercice conjoint de l'autorité parentale, ce texte, devenu l'article 1242, alinéa 4, du code civil, dispose que le père et la mère, en tant qu'ils exercent l'autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux.
19. Ce texte n'envisageant que la situation de l'enfant habitant avec ses deux parents, la jurisprudence a dû interpréter la notion de cohabitation lorsque les parents ne vivent pas ensemble.
20. La Cour de cassation juge à cet égard, avant comme après l'entrée en vigueur de la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002, que cette condition de cohabitation n'est remplie qu'à l'égard du parent chez lequel la résidence habituelle de l'enfant a été fixée par un juge (2e Civ., 20 janvier 2000, pourvoi n° 98-14.479, Bull. 2000, II, n° 14), de sorte que la responsabilité d'un dommage causé par son enfant mineur lui incombe entièrement quand bien même l'autre parent, bénéficiaire d'un droit de visite et d'hébergement, exerce conjointement l'autorité parentale (Crim., 6 novembre 2012, pourvoi n° 11-86.857, Bull. crim. 2012, n° 241) et que le fait dommageable de l'enfant a eu lieu pendant cet exercice.
21. Cette jurisprudence est de nature à susciter des difficultés dans les situations, de plus en plus fréquentes, où les enfants résident alternativement chez l'un et l'autre de leurs parents, ou encore celles où ces derniers conviennent du lieu de résidence des enfants sans saisir le juge.
22. Elle est critiquée par une large partie de la doctrine et, parfois, écartée par des juridictions du fond qui privilégient la seule condition de l'exercice conjoint de l'autorité parentale ou apprécient concrètement le lieu de résidence effectif de l'enfant au moment du dommage.
23. En outre, elle se concilie imparfaitement avec l'objectivation progressive de la responsabilité civile des parents du fait de leur enfant mineur, qui permet notamment une meilleure indemnisation des victimes.
24. La Cour de cassation juge en effet que l'article 1384, alinéa 4, devenu l'article 1242, alinéa 4, du code civil, édicte une responsabilité de plein droit des père et mère du fait des dommages causés par leur enfant mineur habitant avec eux, dont seule la force majeure ou la faute de la victime peut les exonérer (2e Civ., 19 février 1997, pourvoi n° 94-21.111, Bull. 1997, II, n° 56).
25. Elle énonce également que cette responsabilité n'est pas subordonnée à l'existence d'une faute de l'enfant (2e Civ., 10 mai 2001, pourvoi n° 99-11.287, Bull. 2001, II, n° 96), de sorte qu'il suffit, pour qu'elle soit engagée, qu'un dommage soit directement causé par son fait, même non fautif (Ass. plén., 13 décembre 2002, pourvoi n° 00-13.787, Bull. crim. 2002, Ass. plén., n° 3 ; Ass. plén., 13 décembre 2002, pourvoi n° 01-14.007, Bull. 2002, Ass. plén., n° 4).
26. Ainsi, les parents ne peuvent s'exonérer de cette responsabilité objective au seul motif qu'ils n'ont commis aucune faute, qu'elle soit de surveillance ou d'éducation.
27. Enfin, cette jurisprudence, qui décharge de sa responsabilité de plein droit le parent chez lequel la résidence habituelle de l'enfant n'a pas été fixée, s'accorde également imparfaitement avec l'objectif de la loi du 4 mars 2002 de promouvoir le principe de la coparentalité.
28. Ce principe reflète, en droit interne, celui posé par l'article 18, § 1, de la Convention internationale des droits de l'enfant, selon lequel les deux parents ont une responsabilité commune pour ce qui est d'élever l'enfant et d'assurer son développement, laquelle subsiste après la séparation du couple parental.
29. L'ensemble de ces considérations conduit la Cour à interpréter désormais la notion de cohabitation comme la conséquence de l'exercice conjoint de l'autorité parentale, laquelle emporte pour chacun des parents un ensemble de droits et de devoirs, et à juger désormais que leur cohabitation avec un enfant mineur à l'égard duquel ils exercent conjointement l'autorité parentale ne cesse que lorsque des décisions administrative ou judiciaire confient ce mineur à un tiers.
30. Il en résulte que les deux parents, lorsqu'ils exercent conjointement l'autorité parentale à l'égard de leur enfant mineur, sont solidairement responsables des dommages causés par celui-ci dès lors que l'enfant n'a pas été confié à un tiers par une décision administrative ou judiciaire.
31. En l'espèce, pour infirmer le jugement déféré en ce qu'il avait déclaré M. [P] [L] civilement responsable de son fils [E] [L], l'arrêt relève qu'au moment des faits commis par le mineur, sa résidence était, par application de la convention portant règlement complet des effets du divorce de ses parents, toujours fixée au domicile de sa mère.
32. Il en déduit que la responsabilité du père du mineur ne peut être recherchée sur le fondement des dispositions de l'article 1242, alinéa 4, du code civil.
33. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
34. La cassation est par conséquent encourue.
Portée et conséquences de la cassation
35. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions de l'arrêt ayant infirmé le jugement déféré en ce qu'il avait déclaré M. [P] [L] civilement responsable de son fils [E] [L] et ayant débouté la société [4] et M. et Mme [S] et [D] [Z] de leurs demandes indemnitaires et, par voie de conséquence, les dispositions de l'arrêt rectificatif du 14 avril 2023 seulement en ce qu'il a débouté la société [3] de ses demandes en se fondant sur les mêmes motifs. Les autres dispositions de ces deux arrêts seront donc maintenues.
36. Il appartient à la cour d'appel, désignée comme cour d'appel de renvoi, de statuer sur les seules demandes de M. [P] [L], puis de renvoyer l'affaire sur intérêts civils devant le tribunal pour enfants de Marseille afin qu'il statue sur les demandes des parties civiles, à l'exception de celles de la société [1] dont la constitution a été définitivement rejetée.
PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres griefs proposés, la Cour :
Sur le pourvoi formé par la société [3] :
Le REJETTE ;
Sur les pourvois formés par Mme [X], [E] [L] et la société [4] :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 17 juin 2022, mais en ses seules dispositions ayant infirmé le jugement déféré en ce qu'il avait déclaré M. [P] [L] civilement responsable de son fils [E] [L] et ayant débouté la société [4] et M. et Mme [Z] de leurs demandes indemnitaires et par voie de conséquence les dispositions de l'arrêt rectificatif du 14 avril 2023 seulement en ce qu'il a débouté la société [3] de ses demandes en se fondant sur les mêmes motifs ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite des arrêts partiellement annulés.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, siégeant en assemblée plénière, et prononcé par le premier président en son audience publique du vingt-huit juin deux mille vingt-quatre.