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26/06/2024 | FRANCE | N°52400702

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 26 juin 2024, 52400702


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


CH9






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 26 juin 2024








Cassation partielle




M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 702 F-D


Pourvoi n° J 22-20.911








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇA

IS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 26 JUIN 2024


M. [M] [C] [H], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 22-20.911 contre l'arrêt rendu le 6 juillet 2022 par la cour d'appe...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 26 juin 2024

Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 702 F-D

Pourvoi n° J 22-20.911

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 26 JUIN 2024

M. [M] [C] [H], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 22-20.911 contre l'arrêt rendu le 6 juillet 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 9), dans le litige l'opposant à la société Primonial Real Estate Investment Management, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bouvier, conseiller, les observations de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de M. [H], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Primonial Real Estate Investment Management, après débats en l'audience publique du 29 mai 2024 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bouvier, conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 juillet 2022), M. [H] a été engagé en qualité d'« asset manager » suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 18 avril 2017 par la société Primonial Real Estate Investment Management (la société).

2. Après avoir été convoqué à un entretien préalable par lettre recommandée du 23 octobre 2018, le salarié a été licencié pour insuffisance professionnelle par lettre recommandée du 26 novembre 2018.

3. Invoquant une situation de harcèlement moral, contestant le bien-fondé de son licenciement et s'estimant insuffisamment rempli de ses droits, le salarié a saisi la juridiction prud'homale le 31 mai 2019.

Examen des moyens

Sur les premier et troisième moyens

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le deuxième moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes tendant à la nullité de son licenciement, à ce que soit ordonnée sa réintégration, à ce que l'employeur soit condamné à lui payer l'ensemble des salaires qu'il aurait dû percevoir depuis son départ de l'entreprise le 26 décembre 2018 et à lui verser des dommages-intérêts pour harcèlement moral et pour exécution déloyale du contrat de travail, alors :

« 1°/ qu'en vertu des articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail, est nul le licenciement prononcé à l'encontre d'un salarié pour avoir dénoncé des agissements de harcèlement moral ; qu'au soutien de la nullité de son licenciement comme étant en réalité motivé par le fait qu'il avait dénoncé un harcèlement moral, l'exposant avait fait valoir et démontré qu'à peine cinq jours après avoir dénoncé dans son email du 18 octobre 2018 être victime de harcèlement moral et la dégradation de son état de santé, l'employeur, par lettre remise en main propre le 23 octobre l'avait convoqué à un entretien préalable à son éventuel licenciement assorti d'une dispense d'activité pendant la procédure, puis l'avait licencié pour insuffisance professionnelle ; qu'ayant retenu que ce licenciement pour insuffisance professionnelle était sans cause réelle et sérieuse, aucun des griefs invoqués n'étant établi, la cour d'appel qui, pour rejeter la demande de nullité du licenciement retient par motifs propres que "compte tenu de l'absence de harcèlement moral" il y a lieu de rejeter la demande de nullité du licenciement et, par motifs adoptés que si "la concomitance des événements rend suspicieux le déclenchement de la procédure de licenciement et le motif invoqué", le harcèlement moral n'étant pas démontré la demande de nullité du licenciement ne pourra donc qu'être rejetée "par manque d'éléments probants", s'est prononcée par des motifs inopérants dès lors que l'absence de harcèlement moral n'excluait pas que le licenciement ait été prononcé à l'encontre de l'exposant pour avoir dénoncé quelques jours auparavant un harcèlement moral et n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail et L. 1154-1 du code du travail ;

2°/ qu'en vertu des articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail, est nul le licenciement prononcé à l'encontre d'un salarié pour avoir dénoncé des agissements de harcèlement moral ; que lorsque survient un litige relatif à l'application de ces dispositions, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer que son licenciement procède de la dénonciation d'un harcèlement, et il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à cette dénonciation ; que lorsque le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse et qu'il fait suite à la dénonciation, quelques jours auparavant, par le salarié, d'un harcèlement moral, c'est à l'employeur qu'il lui appartient d'établir que le licenciement est justifié par des éléments étrangers à cette dénonciation ; qu'au soutien de la nullité de son licenciement comme étant en réalité motivé par le fait qu'il avait dénoncé un harcèlement moral, l'exposant avait fait valoir et démontré qu'à peine 5 jours après avoir dénoncé dans son email du 18 octobre 2018 être victime de harcèlement moral et la dégradation de son état de santé, l'employeur, par lettre remise en main propre le 23 octobre l'avait convoqué à un entretien préalable à son éventuel licenciement assorti d'une dispense d'activité pendant la procédure, puis l'avait licencié pour insuffisance professionnelle ; qu'ayant retenu que ce licenciement pour insuffisance professionnelle était sans cause réelle et sérieuse, aucun des griefs invoqués n'étant établi, la cour d'appel qui retient, par motifs propres que "compte tenu de l'absence de harcèlement moral" il y a lieu de rejeter la demande de nullité du licenciement et, par motifs adoptés que si "la concomitance des événements rend suspicieux le déclenchement de la procédure de licenciement et le motif invoqué", le harcèlement moral n'étant pas démontré la demande de nullité du licenciement ne pourra donc qu'être rejetée "par manque d'éléments probants", sans constater que l'employeur justifiait que le licenciement de l'exposant était sans lien avec sa dénonciation d'un harcèlement moral, a violé les articles L. 1152-2 et L. 11523 du code du travail et L. 1154-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1152-2, L. 1152-3 et L. 1154-1 du code du travail :

6. Il résulte de ces textes que lorsque les faits invoqués dans la lettre de licenciement caractérisent une cause réelle et sérieuse de licenciement, il appartient au salarié de démontrer que la rupture de son contrat de travail constitue une mesure de rétorsion à une plainte pour harcèlement moral ou sexuel. Dans le cas contraire, il appartient à l'employeur de démontrer l'absence de lien entre la dénonciation par le salarié d'agissements de harcèlement moral ou sexuel et son licenciement.

7. Pour rejeter la demande de nullité du licenciement en raison de la dénonciation par le salarié d'un harcèlement moral et ses demandes subséquentes, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que si la concomitance des événements rendait suspicieux le déclenchement de la procédure de licenciement et le motif invoqué, le harcèlement moral n'étant pas démontré, la demande de nullité du licenciement ne pourra qu'être rejetée par manque d'éléments probants.

8. En se déterminant ainsi, alors qu'elle avait jugé sans cause réelle et sérieuse le licenciement pour insuffisance professionnelle, sans rechercher si l'employeur démontrait l'absence de lien entre la dénonciation par le salarié d'un harcèlement moral et son licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Portée et conséquences de la cassation

9. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt qui déboute le salarié de ses demandes de nullité du licenciement et de réintégration, de paiement des salaires qu'il aurait dû percevoir depuis son départ de l'entreprise le 26 décembre 2018 et de dommages-intérêts pour harcèlement moral et exécution déloyale du contrat de travail entraîne la cassation des chefs de dispositif condamnant la société à verser au salarié une somme à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal et capitalisation de ces intérêts, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE et ANNULE mais seulement en ce qu'il déboute M. [H] de ses demandes de nullité du licenciement et de réintégration, de paiement des salaires qu'il aurait dû percevoir depuis son départ de l'entreprise le 26 décembre 2018 et de dommages-intérêts pour harcèlement moral et pour exécution déloyale du contrat de travail et en ce qu'il condamne la société Primonial Real Estate Investment Management à verser à M. [H] la somme de 9 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du jugement et dit que les intérêts seront capitalisés conformément à l'article 1343-2 du code civil, l'arrêt rendu le 6 juillet 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Primonial Real Estate Investment Management aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Primonial Real Estate Investment Management et la condamne à payer à M. [H] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six juin deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52400702
Date de la décision : 26/06/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 06 juillet 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 26 jui. 2024, pourvoi n°52400702


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Bouzidi et Bouhanna, SCP Célice, Texidor, Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52400702
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