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29/05/2024 | FRANCE | N°52400560

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 29 mai 2024, 52400560


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


CH9






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 29 mai 2024








Cassation partielle




M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 560 F-D


Pourvoi n° A 22-18.948








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAI

S
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 MAI 2024


M. [U] [N], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° A 22-18.948 contre l'arrêt rendu le 17 mai 2022 par la cour d'appel de Riom...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 29 mai 2024

Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 560 F-D

Pourvoi n° A 22-18.948

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 MAI 2024

M. [U] [N], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° A 22-18.948 contre l'arrêt rendu le 17 mai 2022 par la cour d'appel de Riom (4e chambre civile (sociale)), dans le litige l'opposant au centre de lutte contre le cancer [3], dont le siège est [Adresse 2], défendeur à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bouvier, conseiller, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [N], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat du centre de lutte contre le cancer [3], après débats en l'audience publique du 2 mai 2024 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bouvier, conseiller rapporteur, Mme Sommé, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 17 mai 2022), M. [N] a été engagé en qualité d'ouvrier spécialisé par le centre de lutte contre le cancer [3] (le centre), à compter du 1er avril 1999, suivant plusieurs contrats à durée déterminée et à compter du 1er avril 2002, il a été recruté en qualité d'ouvrier qualifié « entretien bâtiment » à temps plein, sous contrat de travail à durée indéterminée.

2. Le 7 décembre 2016, le centre a notifié au salarié un avertissement.

3. Le salarié, après avoir été convoqué à un entretien préalable qui s'est tenu le 6 septembre 2017, a été licencié par lettre du 22 septembre 2017.

4. Le 16 février 2018, il a saisi la juridiction prud'homale en contestation de son licenciement et indemnisation afférente.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et de le débouter en conséquence de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement abusif, alors :

« 1°/ qu'aucun salarié ne peut être licencié pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés ; que le grief tiré de la relation d'agissements de harcèlement moral par le salarié, dont la mauvaise foi n'est pas établie, emporte à lui seul la nullité de plein droit du licenciement ou, si le prononcé de la nullité n'est pas demandé, prive à lui seul le licenciement de cause réelle et sérieuse ; qu'en retenant que le dépôt par le salarié d'une plainte pénale pour des faits non avérés de harcèlement moral à l'encontre de l'un de ses collègues caractérisait une cause réelle et sérieuse de licenciement sans constater la mauvaise foi de celui-ci, laquelle ne pouvait résultait de la seule circonstance que les faits dénoncés n'étaient pas établis, quand le grief tiré de cette plainte pour harcèlement moral privait à lui seul le licenciement de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-2 et L. 1232-6 du code du travail dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 ;

2°/ qu'en tout état de cause, aucun salarié ne peut être licencié pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés ; que le grief tiré de la relation d'agissements de harcèlement moral par le salarié, dont la mauvaise foi n'est pas établie, ne peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement ; qu'en retenant que le dépôt par le salarié d'une plainte pénale pour des faits non avérés de harcèlement moral à l'encontre de l'un de ses collègues caractérisait une cause réelle et sérieuse de licenciement sans constater la mauvaise foi de celui-ci, laquelle ne pouvait résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés n'étaient pas établis, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-2 et L. 1232-6 du code du travail dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 ;

3°/ que la lettre de licenciement fixe les termes et les limites du litige ; qu'en retenant que le prétendu dénigrement par le salarié de son supérieur hiérarchique auprès d'un prestataire extérieur caractérisait une cause réelle et sérieuse de licenciement quand ce grief ne figurait pas dans la lettre de licenciement, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 ;

4°/ que l'employeur est tenu d'énoncer précisément le ou les motifs du licenciement dans la lettre de licenciement ; qu'à défaut le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ; qu'en retenant, à le supposer autonome des autres, que le grief tenant aux "mésententes et relations de travail dégradées avec l'ensemble des membres de l'équipe de travail perturbant le fonctionnement du service" caractérisait une cause réelle et sérieuse de licenciement quand la lettre de licenciement ne faisait pas état d'un motif précis et matériellement vérifiable, se bornant à énoncer que les collègues du salarié "doivent récupérer le travail que vous ne faites pas et critiques répétées envers les collègues (renouvelées lors de l'entretien préalable) générant un climat social insoutenable pour vos collègues, mais aussi perturbant le climat social de l'ensemble de l'établissement", ce qui équivalait à une absence de motif, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017. »

Réponse de la Cour

6. D'une part, il ne ressort ni des énonciations de l'arrêt ni des conclusions du salarié devant la cour d'appel que celui-ci a soutenu qu'il résultait des termes de la lettre de licenciement qu'il avait été licencié pour avoir dénoncé des agissements de harcèlement moral.

7. D'autre part, il résulte des constatations de l'arrêt que le grief de dénigrement du supérieur hiérarchique était visé par la lettre de licenciement et que celle-ci mentionne des griefs précis et matériellement vérifiables.

8. Le moyen, nouveau et mélangé de fait et de droit et, dès lors, irrecevable en ses deux premières branches, n'est pas fondé pour le surplus.

Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

9. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour préjudice moral distinct, alors « que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du 1er octobre 2018 confirmé par un arrêt du 13 octobre 2020 sans avoir, au préalable, invité les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 16 du code de procédure civile :

10. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

11. Pour rejeter la demande en paiement de dommages-intérêts pour préjudice distinct au titre d'une exécution déloyale du contrat de travail, l'arrêt énonce que le salarié a été débouté de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral et exécution déloyale subséquente du contrat de travail par jugement du 1er octobre 2018, confirmé par arrêt de la cour d'appel du 13 octobre 2020 et qu'il formule à nouveau une demande en réparation du préjudice moral du fait d'agissements de harcèlement et comportements vexatoires, lesquels, sauf à se heurter à l'autorité de la chose jugée, ne peuvent porter que sur la période postérieure au 9 février 2016. L'arrêt ajoute que le salarié ne rapporte aucunement la preuve de l'existence des faits allégués après cette date, de nature à établir une exécution déloyale du contrat de travail.

12. En statuant ainsi, sans avoir invité les parties à présenter leurs observations sur la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée qui n'était pas dans les débats et dont elle n'était saisie par aucune des parties dans le dispositif de leurs conclusions, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

13. La cassation du chef de dispositif rejetant la demande du salarié en paiement de dommages-intérêts pour préjudice moral distinct emporte celle des chefs de dispositif rejetant les demandes du salarié au titre de ses frais irrépétibles et aux fins de condamnation du centre aux dépens et le condamnant aux entiers dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [N] de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour préjudice moral, le condamne aux entiers dépens de première instance et d'appel et le déboute de ses demandes en indemnisation de ses frais irrépétibles et de condamnation du centre de lutte contre le cancer [3] aux entiers dépens, l'arrêt rendu le 17 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;

Condamne le centre de lutte contre le cancer [3] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le centre de lutte contre le cancer [3] et le condamne à payer à M. [N] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mai deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52400560
Date de la décision : 29/05/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Riom, 17 mai 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 29 mai. 2024, pourvoi n°52400560


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52400560
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