LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
IJ
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 23 mai 2024
Cassation partielle
M. SOULARD, Premier président
Arrêt n° 288 FS-B
Pourvoi n° W 22-17.127
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 23 MAI 2024
Mme [J] [B], domiciliée [Adresse 1] (Belgique), prise en sa qualité d'héritière de [K] [B] décédé le 10 févrrier 2022 a formé le pourvoi n° W 22-17.127 contre l'arrêt rendu le 22 mars 2022 par la cour d'appel de Versailles (1re chambre, 1re section), dans le litige l'opposant à M. [R] [Z], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lion, conseiller référendaire, les observations de la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de Mme [B], ès qualités, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [Z], et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 mars 2024 où étaient présents M. Soulard, Premier président, Mme Champalaune, président de chambre, Mme Lion, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mmes Antoine, Poinseaux, M. Fulchiron, Mmes Dard, Beauvois, Agostini, conseillers, M. Duval, Mme Azar, M. Buat-Ménard, Mme Daniel, conseillers référendaires, M. Sassoust, avocat général, et Mme Layemar, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 22 mars 2022), [C] [S] est décédée le 12 juillet 2009, en laissant pour lui succéder son fils, M. [Z], et en l'état d'un testament olographe portant la date du 26 mars 2009 et instituant [K] [B] légataire d'un ensemble immobilier et de son contenu.
2. M. [Z] a assigné [K] [B] en nullité du testament.
3. [K] [B] étant décédé le 10 février 2022, sa fille, Mme [B] est venue à ses droits.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. Mme [B], ès qualités d'héritière de [K] [B], fait grief à l'arrêt de déclarer nul le testament olographe du 26 mars 2009, alors « qu'en dépit de l'irrégularité affectant sa date, un testament olographe n'encourt pas la nullité dès lors que des éléments intrinsèques à l'acte, corroborés par des éléments extrinsèques, établissent qu'il a été rédigé au cours d'une période déterminée et qu'il n'est pas démontré qu'au cours de cette période, le testateur ait été frappé d'une incapacité de tester ou ait rédigé un testament révocatoire ou incompatible ; qu'en déclarant nul le testament olographe du 26 mars 2009 en ce que sa date n'avait pas été rédigée par la testatrice, sans rechercher si cette irrégularité ne pouvait pas être couverte par des éléments intrinsèques à l'acte, corroborés par des éléments extrinsèques, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 970 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 970 du code civil :
6. Selon ce texte, le testament olographe qui n'est pas daté de la main du testateur n'est pas valable.
7. Toutefois, lorsqu'un testament olographe comporte une date dont un ou plusieurs éléments nécessaires pour la constituer ont été portés par un tiers, la nullité de celui-ci n'est pas encourue dès lors que des éléments intrinsèques à l'acte, éventuellement corroborés par des éléments extrinsèques, établissent qu'il a été rédigé au cours d'une période déterminée et qu'il n'est pas démontré qu'au cours de cette période, le testateur ait été frappé d'une incapacité de tester ou ait rédigé un testament révocatoire ou incompatible.
8. Pour déclarer nul le testament olographe portant la date du 26 mars 2009, l'arrêt retient qu'il résulte du rapport d'expertise judiciaire déposé le 1er juin 2021 que [C] [S] n'est pas l'auteure du « 9 » de la date du « 26 mars 2009 » apposée sur le testament litigieux, ce dont il résulte que celui-ci n'a pas été entièrement écrit de la main de la testatrice, et que ce vice formel suffit à en emporter la nullité, sans qu'il y ait lieu d'examiner le moyen tiré de l'insanité d'esprit de la testatrice.
9. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, en dépit de cette irrégularité, des éléments intrinsèques à l'acte, dont faisait partie la mention « 26 mars 200 » écrite de la main de la testatrice, éventuellement corroborés par des éléments extrinsèques, ne permettaient pas d'établir que le testament avait été rédigé au cours d'une période déterminée, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Portée et conséquences de la cassation
10. La cassation du chef de dispositif qui déclare nul le testament olographe du 26 mars 2009 n'emporte pas celle du chef de dispositif de l'arrêt condamnant [K] [B] aux dépens, justifié par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare nul le testament olographe du 26 mars 2009, l'arrêt rendu le 22 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne M. [Z] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [Z] et le condamne à payer à Mme [J] [B], es qualités d'héritière de [K] [B], la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mai deux mille vingt-quatre.