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22/05/2024 | FRANCE | N°C2400630

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 22 mai 2024, C2400630


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :


N° S 23-82.907 F-B


N° 00630




GM
22 MAI 2024




REJET






M. BONNAL président,












R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________




AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 22 MAI 2024




M. [I] [G], M. [C] [Y], représentÃ

© par son tuteur l'Association tutélaire de gestion, partie civile, et la société [1], partie intervenante, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier, chambre correctionnelle, en date du 20 ma...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° S 23-82.907 F-B

N° 00630

GM
22 MAI 2024

REJET

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 22 MAI 2024

M. [I] [G], M. [C] [Y], représenté par son tuteur l'Association tutélaire de gestion, partie civile, et la société [1], partie intervenante, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier, chambre correctionnelle, en date du 20 mars 2023, qui, dans la procédure suivie contre le premier du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits.

Sur le rapport de M. Charmoillaux, conseiller référendaire, les observations de la société Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [I] [G], de la société [1], les observations de la société Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de M. [C] [Y], et les conclusions de M. Croizier, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 avril 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Charmoillaux, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. M. [C] [Y], motocycliste, a été blessé à l'occasion d'un choc impliquant un véhicule automobile conduit par M. [I] [G] et assuré par la société [1].

3. Il subit en conséquence de ces faits un lourd handicap ayant notamment rendu nécessaire son placement sous tutelle.

4. Par jugement devenu définitif sur l'action publique, le tribunal correctionnel a déclaré M. [G] coupable du chef de blessures involontaires et entièrement responsable du préjudice subi par M. [Y].

5. L'ensemble du préjudice subi par M. [Y], à l'exception des frais liés à la nécessité d'un logement adapté, a fait l'objet d'un règlement transactionnel entre les parties.

6. Par jugement ultérieur sur les intérêts civils, le tribunal a condamné M. [G] à payer à M. [Y] une somme de 979 292,52 euros au titre des frais de logement et équipements adaptés et entretien de ceux-ci.

7. M. [G] a relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur le moyen proposé pour M. [Y], les premier, troisième moyens et le quatrième moyen, pris en sa seconde branche, proposés pour M. [G] et la société [1]

8. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le deuxième moyen proposé pour M. [G] et la société [1]

Enoncé du moyen

9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [G] à payer à M. [Y] représenté par l'Association tutélaire de gestion en réparation des frais de logement et d'équipements adaptés, le coût des frais d'entretien et de renouvellement et le surcoût des charges, la somme totale de 1 077 018,05 euros avec intérêts au taux légal à compter de la décision et capitalisation des intérêts dus depuis au moins une année à compter du 6 janvier 2023, alors :

« 1°/ que la responsabilité a pour objet de replacer la victime, aux dépens du responsable, dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit, sans qu'il en résulte pour elle une perte ou un profit ; qu'en indemnisant le coût de l'acquisition, de l'aménagement, de l'entretien et de l'utilisation d'un logement qui « disposait d'un terrain plus vaste que le logement précédent » et qui, surtout, « était agrémenté d'une piscine », cependant qu'il résultait de ses propres constatations que M. [Y] ne disposait pas de tels équipements avant l'accident, et en jugeant inopérante la question de « savoir si la baignade est médicalement préconisée ou pas par rapport à l'état de santé de [C] [Y] », la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale ;

2°/ que la responsabilité a pour objet de replacer la victime, aux dépens du responsable, dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit, sans qu'il en résulte pour elle une perte ou un profit ; qu'en jugeant, pour indemniser le coût de l'acquisition, de l'aménagement, de l'entretien et de l'utilisation d'un logement qui « disposait d'un terrain plus vaste que le logement précédent et [qui] était agrémenté d'une piscine », que ces éléments « ne font que permettre à [C] [Y] qui n'est plus en capacité de pouvoir accéder aisément et dignement même avec une assistance à des équipements publics de loisirs ou de baignades avec sa famille, de continuer à pouvoir s'offrir des moments de détente en plein air comme il aurait pu le faire avant son handicap », cependant que la privation des agréments normaux de l'existence est indemnisée au titre du déficit fonctionnel permanent, et que l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs est indemnisée au titre du préjudice d'agrément, la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale. »

Réponse de la Cour

10. Pour condamner M. [G] à payer à la partie civile une somme totale de 1 077 018,05 euros au titre des frais de logement et d'équipements adaptés, frais d'entretien et de renouvellement et surcoût de charges, incluant l'acquisition d'un terrain comportant une piscine, l'installation et le renouvellement sur celle-ci d'un système de mise à l'eau adapté au handicap de M. [Y], les frais supplémentaires de consommation d'eau et le surcoût d'entretien liés à la piscine et au jardin, l'arrêt attaqué énonce notamment, par motifs propres et adoptés, que dès lors que l'intéressé n'est plus capable d'accéder, même avec l'aide d'une tierce personne, à des équipements publics de loisir ou de baignade comme il aurait pu le faire avant les faits, l'acquisition d'une maison édifiée sur un terrain plus vaste et agrémenté d'une piscine où il peut bénéficier aisément de la baignade ne constitue aucun enrichissement et participe de besoins directement inhérents au lourd handicap dont il souffre du fait de l'accident.

11. Les juges soulignent que le bien immobilier acquis par M. [Y], dont les plans et photographies sont versés aux débats, correspond à un besoin directement en lien avec le fait dommageable et ne présente aucun caractère somptuaire par rapport à ce qui est nécessaire pour satisfaire dignement son mode de vie avec sa famille dans des conditions aussi proches que possibles de celles qui auraient été les siennes dans la région de [Localité 2] si le fait dommageable n'était pas survenu, compte tenu du cadre de vie proche du littoral dont il bénéficiait antérieurement.

12. Ils ajoutent que l'impératif d'assurer une réparation intégrale du préjudice justifie que soient donnés à M. [Y] les moyens techniques de pouvoir retrouver chez lui l'accès à des loisirs élémentaires dont il se trouve privé dans son quotidien en raison de son handicap, la baignade s'avérant au surplus bénéfique à l'apaisement des tensions résultant de la triplégie dont il est atteint.

13. Les juges constatent que M. [Y] se trouve, du fait de son handicap, placé dans l'incapacité totale d'entretenir une piscine et un jardin.

14. Ils retiennent que le surcoût d'entretien de ces équipements sera mis pour moitié à la charge de M. [G], la compagne de M. [Y] demeurant apte à assumer sa part de frais qui lui incombent conjointement.

15. En l'état de ces seules énonciations relevant de son appréciation souveraine des éléments de fait débattus devant elle, dont il résulte que les aménagements concernés et leur entretien ne constituent aucun enrichissement et n'ont pour objet que de procurer à la partie civile un logement lui garantissant des conditions de vie les plus équivalentes possible à celles qu'elle connaissait avant son accident, la cour d'appel n'a pas méconnu le principe visé au moyen.

16. Dès lors, le moyen doit être écarté.

Sur le quatrième moyen, pris en sa première branche proposé pour M. [G] et la société [1]

Enoncé du moyen

17. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit que le doublement du taux de l'intérêt légal s'appliquerait à compter du 4 décembre 2017 et jusqu'au jour de l'arrêt sur le montant total de l'indemnité allouée par la décision à M. [Y], par application des articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances, alors :

« 1°/ que la partie civile ne peut, en cause d'appel, former aucune demande nouvelle ; qu'en jugeant que la demande tendant à l'application de la sanction prévue à l'article L. 211-13 du code des assurances, bien que formulée « pour la première fois devant la cour d'appel », serait recevable, dès lors qu'« en cas d'absence d'offre régulière, faite dans les délais et conditions prévues par l'article L. 211-9 du code des assurances, la pénalité du doublement des intérêts édictée par l'article L. 211-13 dudit code est due, de plein droit, par l'assureur, même à défaut de demande en justice de la victime ou de disposition spéciale d'un jugement », la cour d'appel a violé l'article 515 du code de procédure pénale, ensemble l'article L. 211-13 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

18. Pour déclarer recevable la demande de doublement des intérêts au taux légal, l'arrêt attaqué énonce que la pénalité prévue aux articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances est due de plein droit, même à défaut de demande en justice de la victime ou de disposition spéciale d'un jugement, et que la demande de M. [Y] est par conséquent recevable, même présentée pour la première fois devant la cour d'appel.

19. C'est à tort que les juges ont retenu que la sanction prévue aux articles précités s'applique même en l'absence de demande ou de disposition spéciale d'un jugement.

20. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure, dès lors que la demande concernée, relative à des intérêts moratoires portant sur des demandes formées devant les premiers juges, n'est pas nouvelle au sens de l'article 515, alinéa 3, du code de procédure pénale et peut par conséquent être présentée pour la première fois en cause d'appel.

21. Dès lors, le moyen doit être écarté.

22. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois.

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mai deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : C2400630
Date de la décision : 22/05/2024
Sens de l'arrêt : Rejet

Analyses

ACCIDENT DE LA CIRCULATION - Indemnisation - Offre de l'assureur - Défaut - Indemnité assortie des intérêts au double du taux légal - Demande présentée pour la première fois en appel - Chef de préjudice soumis aux débats en première instance - Demande nouvelle (non)

Il résulte des articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances que lorsque l'offre prévue par le premier de ces textes n'est pas intervenue dans le délai imparti, le montant de l'indemnisation offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêts au double du taux légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif. Ne méconnaît pas l'article 515, alinéa 3, du code de procédure pénale la cour d'appel qui déclare recevable la demande d'application de cette sanction présentée pour la première fois devant elle dès lors que celle-ci, relative à des intérêts moratoires portant sur des demandes formées devant les premiers juges, n'est pas nouvelle au sens de ce texte


Références :

Sur le numéro 1 : articles L. 211-9 et 211-13 du code des assurances.
Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 20 mars 2023

A rapprocher :Crim., 18 mars 2014, pourvoi n° 12-83274, Bull. crim. 2014, n° 81 (cassation partielle)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 22 mai. 2024, pourvoi n°C2400630


Composition du Tribunal
Président : M. Bonnal
Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:C2400630
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