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16/05/2024 | FRANCE | N°22400424

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 16 mai 2024, 22400424


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 2


LM






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 16 mai 2024








Cassation




Mme MARTINEL, président






Arrêt n° 424 FS-B


Pourvoi n° S 22-22.413












R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
______________

___________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 MAI 2024


La caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 22-22.413 contre l'arrêt rendu le 22 septembre 20...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 mai 2024

Cassation

Mme MARTINEL, président

Arrêt n° 424 FS-B

Pourvoi n° S 22-22.413

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 MAI 2024

La caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 22-22.413 contre l'arrêt rendu le 22 septembre 2022 par la cour d'appel de Caen (chambre sociale, section 3), dans le litige l'opposant à la société [3], société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société [4], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [3], venant aux droits de la société [4], et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 26 mars 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, Mme Coutou, M. Rovinski, Mme Lapasset, MM. Leblanc, Pédron, Reveneau, conseillers, Mme Dudit, M. Montfort, Mme Lerbret-Féréol, conseillers référendaires, Mme Tuffreau, avocat général référendaire, et Mme Gratian, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 22 septembre 2022), M. [I], salarié de la société [4], aux droits de laquelle vient la société [3] (l'employeur), a transmis à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne (la caisse) une déclaration de maladie professionnelle le 23 octobre 2017.

2. L'employeur a saisi une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale en inopposabilité de la décision de la caisse de prise en charge de cette maladie au titre de la législation professionnelle.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La caisse fait grief à l'arrêt de faire droit à la demande de l'employeur, alors :

« 1°/ que le principe du contradictoire est respecté lorsque, dix jours au moins avant de prendre sa décision, la caisse met l'employeur en mesure de prendre connaissance des éléments susceptibles de lui faire grief sur la base desquels elle entend se prononcer et de formuler des observations ; que dès lors que la caisse informe l'employeur, à l'issue de l'instruction, de la possibilité de consulter le dossier et de formuler des observations sur l'ensemble des éléments recueillis, et lorsque l'employeur a reçu, au début de l'instruction, la déclaration de maladie professionnelle et le certificat médical initial, aucune atteinte au principe du contradictoire ne résulte de ce que ces éléments ne figurent pas au sein du dossier mis à sa disposition, à l'issue de l'instruction, dans les locaux de la caisse ; qu'au cas d'espèce, les juges d'appel constatent que, par lettre du 25 janvier 2018, la caisse a informé l'employeur de la possibilité de consulter le dossier et de formuler des observations avant la prise de décision et qu'elle a mis à sa disposition, dans ses locaux, le questionnaire rempli par l'assuré et l'avis du médecin conseil ; que la caisse rappelait que la déclaration de maladie professionnelle et le certificat initial avaient été transmis à l'employeur par lettre du 8 novembre 2017, reçue le 10 novembre 2017 et qu'il avait signé le bordereau de consultation indiquant qu'il les avaient en sa possession ; qu'en retenant, pour déclarer la décision de prise en charge inopposable à l'employeur, qu'il ne peut lui être opposé qu'il aurait reçu communication d'une partie des pièces constituant le dossier avant la fin de l'instruction, la cour d'appel a violé les articles R. 441-13 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale ;

2°/ que, dès lors que la caisse informe l'employeur, à l'issue de l'instruction, de la possibilité de consulter le dossier et de formuler des observations sur l'ensemble des éléments recueillis, et lorsqu'au cours de l'instruction, l'employeur a renseigné un questionnaire sur les conditions de travail de l'assuré, qu'il conserve en sa possession, aucune atteinte au principe du contradictoire ne résulte de ce que ce questionnaire ne figure pas au sein du dossier mis à sa disposition, à l'issue de l'instruction, dans les locaux de la caisse ; qu'au cas d'espèce, les juges d'appel constatent que par lettre du 25 janvier 2018, la caisse a informé l'employeur de la possibilité de consulter le dossier et de formuler des observations avant la prise de décision et a mis à sa disposition, dans ses locaux, le questionnaire rempli par l'assuré et l'avis du médecin conseil ; que la caisse rappelait que le questionnaire rempli par l'employeur, qui ne lui faisait pas grief, était connu de lui et que l'employeur avait signé le bordereau de consultation indiquant qu'il l'avait en sa possession ; qu'en décidant, pour déclarer la décision de prise en charge inopposable à l'employeur, qu'il ne peut lui être opposé qu'il aurait reçu communication d'une partie des pièces constituant le dossier avant la fin de l'instruction, la cour d'appel a violé les articles R. 441-13 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale ;

3°/ que la caisse met l'employeur en mesure de prendre connaissance des éléments susceptibles de lui faire grief lorsqu'elle lui permet de consulter l'ensemble des éléments composant le dossier sur la base duquel elle prendra sa décision ; qu'ainsi, la caisse n'est pas tenue de mettre à sa disposition les certificats médicaux de prolongation qu'elle ne détient pas et qui ne font pas partie du dossier sur la base duquel elle est amenée à se prononcer ; qu'en imputant à la caisse une méconnaissance du principe du contradictoire pour n'avoir pas mis à la disposition de l'employeur les certificats médicaux de prolongation de l'arrêt de travail de l'assuré, sans constater que tels documents étaient [détenus] par la caisse et figuraient au dossier sur la base duquel la caisse a statué, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles R. 441-13 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles R. 441-13 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale, le premier dans sa rédaction issue du décret n° 2016-756 du 7 juin 2016 et le second dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicables au litige :

4. Selon le second de ces textes, dans les cas où elle a procédé à une instruction conformément au dernier alinéa de l'article R. 441-11, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l'employeur au moins dix jours avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d'en déterminer la date de réception, l'information sur les éléments recueillis et susceptibles de faire grief ainsi que la possibilité de venir consulter le dossier mentionné à l'article R. 441-13.

5. Afin d'assurer une complète information de l'employeur, dans le respect du secret médical dû à la victime, le dossier présenté par la caisse à la consultation de celui-ci doit contenir les éléments recueillis, susceptibles de lui faire grief, sur la base desquels se prononce la caisse pour la reconnaissance du caractère professionnel d'une maladie ou d'un accident.

6. Il en résulte que ne figurent pas parmi ces éléments les certificats ou les avis de prolongation de soins ou arrêts de travail, délivrés après le certificat médical initial, qui ne portent pas sur le lien entre l'affection, ou la lésion, et l'activité professionnelle.

7. Pour déclarer inopposable à l'employeur la décision de prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle, l'arrêt constate que ne figuraient pas au dossier mis à disposition de l'employeur la déclaration de maladie professionnelle, le certificat médical initial, le questionnaire rempli par l'employeur et les certificats médicaux de prolongation. Il retient que l'employeur doit pouvoir consulter un dossier complet, sans que puisse lui être opposé la communication antérieure d'une partie des pièces qui le compose. Il ajoute que les certificats médicaux de prolongation sont susceptibles de porter grief à l'employeur.

8. En statuant ainsi, alors, d'une part, qu'il ressortait de ses constatations que l'employeur avait eu communication de la déclaration de maladie professionnelle et du certificat médical initial, et avait eu connaissance du questionnaire rempli par ses soins et, d'autre part, qu'aucun manquement au respect du principe du contradictoire ne pouvait résulter de ce que les certificats médicaux de prolongation n'avaient pas été mis à la disposition de l'employeur, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 septembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes.

Condamne la société [3], venant aux droits de la société [4], aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [3], venant aux droits de la société [4], et la condamne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mai deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 22400424
Date de la décision : 16/05/2024
Sens de l'arrêt : Cassation

Analyses

SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL - Procédure - Procédure préliminaire - Appréciation du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie - Obligation préalable d'information de l'employeur par la caisse - Consultation du dossier par l'employeur - Dossier constitué par la caisse - Contenu du dossier - Exclusion - Certificats ou avis de prolongation de soins ou arrêts de travail

En application de l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-756 du 7 juin 2016, afin d'assurer une complète information de l'employeur, dans le respect du secret médical dû à la victime, le dossier mentionné à l'article R. 441-13 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, présenté par la caisse à la consultation de celui-ci doit contenir les éléments recueillis, susceptibles de lui faire grief, sur la base desquels se prononce la caisse pour la reconnaissance du caractère professionnel d'une maladie ou d'un accident. Il en résulte que ne figurent pas parmi ces éléments les certificats ou les avis de prolongation de soins ou arrêts de travail, délivrés après le certificat médical initial, qui ne portent pas sur le lien entre l'affection, ou la lésion, et l'activité professionnelle


Références :

Article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-756 du 7 juin 2016

article R. 441-13 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009.
Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, 22 septembre 2022

2e Civ., 16 mai 2024, pourvoi n° 22-15499 (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 16 mai. 2024, pourvoi n°22400424


Composition du Tribunal
Président : Mme Martinel
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SCP Célice, Texidor, Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:22400424
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