La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/05/2024 | FRANCE | N°52400507

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 15 mai 2024, 52400507


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


CH9






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 15 mai 2024








Cassation




M. SOMMER, président






Arrêt n° 507 FS-B




Pourvois n°
B 22-16.028
K 22-16.082
M 22-16.083 JONCTION












R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NO

M DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 MAI 2024


I. La Fédération française du bâtiment, association, dont le siège est [Adresse 7], a formé le pourvoi n° B 22-16.028,


II. le Syndic...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 15 mai 2024

Cassation

M. SOMMER, président

Arrêt n° 507 FS-B

Pourvois n°
B 22-16.028
K 22-16.082
M 22-16.083 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 MAI 2024

I. La Fédération française du bâtiment, association, dont le siège est [Adresse 7], a formé le pourvoi n° B 22-16.028,

II. le Syndicat national CFE-CGC BTP, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 22-16.082,

III. le syndicat Fédération générale Force ouvrière construction, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° M 22-16.083,

contre l'arrêt rendu le 10 mars 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 2), dans les litiges les opposant et les opposant également :

1°/ au syndicat Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ au syndicat Fédération nationale construction bois CFDT, dont le siège est [Adresse 8],

3°/ au syndicat Fédération nationale des salariés de la construction bois ameublement CGT, dont le siège est [Adresse 6],

4°/ au syndicat Fédération bâti-mat TP CFTC, dont le siège est [Adresse 5],

5°/ au syndicat Union fédérale de l'industrie et de la construction UNSA, dont le siège est [Adresse 4],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse au pourvoi n° B 22-16.028 invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.

Le demandeur au pourvoi n° K 22-16.082 invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation.

Le demandeur au pourvoi n° M 22-16.083 invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de Mme Sommé, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la Fédération française du bâtiment, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat du Syndicat national CFE-CGC BTP et du syndicat Fédération générale Force ouvrière construction, de la SCP Boucard-Maman, avocat du syndicat Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du syndicat Fédération nationale de la construction et du bois CFDT, de la SCP Krivine et Vaud, avocat de la Fédération nationale des salariés de la construction bois ameublement CGT, les plaidoiries de Me Lyon-Caen, Me Gatineau, Me Boucard, Me Grévy, et l'avis de Mme Laulom, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 avril 2024 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Sommé, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mmes Ott, Bouvier, Bérard, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, Ollivier, Arsac, conseillers référendaires, Mme Laulom, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 22-16.028, 22-16.082 et 22-16.083 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 mars 2022), statuant en matière de référé, deux accords collectifs nationaux ont été conclus le 22 novembre 2019 afin de promouvoir la formation professionnelle et l'apprentissage dans le secteur d'activité du bâtiment. Le premier accord « relatif à l'apprentissage - entreprises du bâtiment occupant jusqu'à dix salariés » a été signé entre, d'une part, la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (la CAPEB) et, d'autre part, la Fédération nationale des salariés de la construction bois ameublement CGT (le syndicat CGT), la Fédération nationale des salariés de la construction et du bois CFDT (le syndicat CFDT) et l'Union fédérale de l'industrie et de la construction UNSA (le syndicat UNSA). Le second accord « relatif à l'apprentissage - entreprises du bâtiment occupant plus de dix salariés », a été signé entre, d'une part, la CAPEB et, d'autre part, les syndicats CGT et CFDT.

3. Soutenant que la négociation de ces accords avaient été organisée de manière déloyale par la CAPEB et invoquant l'absence d'arrêté de représentativité et de mesure du poids de chaque organisation syndicale dans le champ des entreprises du bâtiment occupant jusqu'à dix salariés et dans celui des entreprises occupant plus de dix salariés, par actes des 2, 3 et 6 juillet 2020, la Fédération générale Force ouvrière construction (le syndicat FO) a fait assigner devant le président du tribunal judiciaire la Fédération française du bâtiment (la FFB), la CAPEB, le Syndicat national CFE-CGC BTP (le syndicat CFE-CGC), la Fédération bâti-mat TP CFTC et les syndicats CFDT, CGT et UNSA afin de suspendre l'application desdits accords. Le syndicat CFE-CGC et la FFB se sont joints à cette demande.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi de la FFB, pris en sa deuxième branche, le premier moyen du pourvoi du syndicat CFE-CGC, pris en ses première, deuxième, troisième et cinquième branches, et le premier moyen du pourvoi du syndicat FO, pris en ses première, deuxième, troisième et cinquième branches, réunis

Enoncé du moyen

4. Par son moyen, pris en sa deuxième branche, la FFB fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes formées à titre principal aux fins de suspension d'application de l'accord collectif du 22 novembre 2019 relatif à l'apprentissage dans le bâtiment - entreprises du bâtiment occupant jusqu'à dix salariés et de l'accord collectif du 22 novembre 2019 relatif à l'apprentissage dans le bâtiment - entreprises du bâtiment occupant plus de dix salariés, alors « qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 2121-1, L. 2121-2 et L. 2122-11 du code du travail que, sans préjudice de l'application des règles d'appréciation de la représentativité des organisations syndicales propres aux accords interbranches ou aux accords de fusion de branches, le ministre chargé du travail est compétent pour, s'il y a lieu, arrêter, sous le contrôle du juge administratif, la liste des organisations syndicales représentatives et leurs audiences respectives dans un périmètre utile pour une négociation en cours ou à venir, y compris lorsque celui-ci ne correspond pas à une branche professionnelle" au sens de l'article L. 2122-11 du code du travail ; que dès lors, les partenaires sociaux qui souhaitent négocier dans un champ professionnel qui n'a pas donné lieu à l'établissement d'une liste des syndicats représentatifs par arrêté du ministère du travail en application de l'article L. 2122-11 du code du travail ou à l'issue d'une enquête de représentativité en application de l'article L. 2121-2 du même code doivent, avant d'engager la négociation collective, demander, dans les conditions précitées, à ce qu'il soit procédé à la détermination des organisations représentatives dans le champ de négociation pour s'assurer que toutes les organisations syndicales représentatives dans ce périmètre sont invitées à la négociation ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que les accords du 22 novembre 2019 couvrent deux champs d'application - les entreprises de plus de dix salariés et les entreprises de moins de dix salariés - qui ne correspondent à aucune branche professionnelle du bâtiment et que les organisations syndicales signataires qui ont sollicité du ministre du travail qu'il prenne des arrêtés de représentativité dans ces deux périmètres, ne les ont pas obtenus ; qu'en jugeant néanmoins que l'application de ces accords conclus par des organisations syndicales non représentatives dans leur périmètre respectif ne caractérisait pas un trouble manifestement illicite, aux motifs inopérants que la mise en place des deux CPPNI dans le périmètre des entreprises de plus de dix salariés et de moins de dix salariés a été validée, que les organisations signataires ont été reconnues représentatives sur un champ professionnel plus large, et que la CFDT et la CGT, qui ont signé les accords litigieux ont recueilli plus de 30 % des suffrages valablement exprimés dans le périmètre des quatre conventions collectives du bâtiment, la cour d'appel a violé les textes susvisés, ensemble l'article 835 du code de procédure civile. »

5. Par leur premier moyen respectif, pris en leurs première, deuxième, troisième et cinquième branches, rédigées en termes identiques, le syndicat CFE-CGC et le syndicat FO font grief à l'arrêt de juger que les accords du 22 novembre 2019 ont pu être négociés et conclus dans des périmètres (les entreprises de plus de dix salariés et les entreprises de moins de dix salariés) pour lesquels il n'y avait pas d'arrêtés de représentativité du ministre du travail et qu'il n'était donc justifié d'aucun trouble manifestement illicite au sens de l'article 835, alinéa 1er, du code de procédure civile, alors :

« 1°/ que les partenaires sociaux qui souhaitent négocier dans un champ professionnel qui n'a pas donné lieu à l'établissement d'une liste des syndicats représentatifs par arrêté du ministère du travail en application de l'article L. 2122-11 du code du travail ou à l'issue d'une enquête de représentativité en application de l'article L. 2121-2 du même code doivent, avant d'engager la négociation collective, demander au ministre à ce qu'il soit procédé à la détermination des organisations représentatives dans le champ de négociation pour s'assurer que toutes les organisations syndicales représentatives dans ce périmètre sont invitées à la négociation ; et que faute pour les organisations patronales à l'origine de la négociation de produire une liste des syndicats représentatifs de salariés dans le champ considéré, établie antérieurement à la négociation, la signature d'un accord constitue un trouble manifestement illicite ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les organisations de salariés qui ont conclu les deux accords collectifs du 22 novembre 2019 dans le bâtiment (entreprises de plus de dix salariés et entreprises jusqu'à dix salariés) avaient adressé le 20 mars 2019 une demande commune au ministre du travail pour obtenir un arrêté de représentativité dans le seul champ des entreprises du bâtiment occupant jusqu'à dix salariés, mais que le ministre n'y a pas répondu ; qu'en déboutant malgré tout le Syndicat national CFE-CGC BTP de sa demande de suspension de ces deux accords collectifs pour trouble manifestement illicite, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et donc violé les dispositions combinées des articles L. 2232-6, L. 2121-1, L. 2121-2 et L. 2122-11 du code du travail, ensemble le principe de la séparation des pouvoirs et la loi des 16-24 août 1790 ;

2°/ que si, en application de la liberté contractuelle, il a été admis que les partenaires sociaux peuvent, dans leur secteur du bâtiment, instaurer deux CPPNI pour la négociation de deux conventions collectives de branche, celles-ci ne peuvent du coup être négociées et conclues que par des organisations syndicales de salariés représentatives dans le périmètre de chacune de ces deux nouvelles branches ; que pour conclure à l'absence de trouble manifestement illicite et débouter le syndicat national CFE-CGC BTP de sa demande de suspension des deux accords du 22 novembre 2019, la cour d'appel a ajouté que même si le ministre du travail n'a pas répondu à la demande d'obtention d'arrêtés de représentativité sur les champs des entreprises de plus de dix salariés et de moins de dix salariés, il doit être considéré que la mise en place des deux CPPNI dans le périmètre des entreprises de plus de dix salariés et de moins de dix salariés a été validé ; qu'en se satisfaisant ainsi de l'existence de deux CPPNI indépendamment de leur composition et, plus généralement, de l'existence d'organisations syndicales représentatives de salariés dans chacun des champs, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et donc violé les articles L. 2232-6 et L. 2232-9 du code du travail ;

3°/ que c'est pour respecter le principe de concordance et celui de loyauté dans la négociation que les organisations professionnelles et syndicales qui engagent une négociation dans un champ professionnel qui n'a pas donné lieu à l'établissement d'une liste des syndicats représentatifs ont l'obligation préalable de faire établir par le ministère du travail la liste des organisations patronales et syndicales représentatives et leurs audiences respectives dans le champ de la négociation ; que pour conclure à l'absence de trouble manifestement illicite et débouter le Syndicat national CFE-CGC BTP de ses demandes, la cour d'appel a ajouté que même si le ministre du travail n'a pas répondu à la demande d'arrêtés de représentativité dans le champ des entreprises occupant jusqu'à dix salariés, les organisations syndicales et patronales ont été reconnues représentatives sur un champ professionnel plus large qui leur permet nécessairement de signer des accords sur un champ plus étroit ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 2122-5 et L. 2232-6 du code du travail, ensemble le principe de concordance ;

5°/ que si un accord interbranches est en principe assimilable à un accord de branche, il ne constitue pas pour autant un accord de branche, mais un accord dont le champ doit parfaitement correspondre à ceux de plusieurs accords de branches conclus par des syndicats reconnus représentatifs dans chacune de ces branches ; que pour conclure à l'absence de trouble manifestement illicite et débouter le Syndicat national CFE CGC BTP de ses demandes, la cour d'appel a ajouté que s'agissant d'accords interbranches, il faut que l'accord ait été signé par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins 30 % des suffrages aux dernières élections professionnelles et qu'en l'espèce la CFDT et la CGT qui ont signé les accords du 22 novembre 2019 recueillent à elles seules plus de 30 % des suffrages exprimés en faveur des organisations syndicales représentatives au niveau de ces branches ; qu'en statuant ainsi, alors qu'elle a elle-même relevé que les deux accords du 22 novembre 2019 avaient été signés par des syndicats reconnus représentatifs dans des branches (cadres du bâtiment, ETAM du bâtiment, ouvriers du bâtiment des entreprises de moins de dix salariés et ouvriers du bâtiment des entreprises de plus de dix salariés) qui ne correspondaient que partiellement aux champs respectifs des deux accords conclus (entreprises de plus de dix salariés du bâtiment et entreprises jusqu'à dix salariés), la cour d'appel a, par une qualification impropre d'accord interbranches, violé l'article L. 2232-5 alinéa 2 et, ensemble l'article L. 2232-6 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 2121-1, L. 2121-2, L. 2122-11, L. 2231-1, L. 2232-6, L. 2232-9, L. 2261-19 et L. 2261-34 du code du travail :

6. En premier lieu, il résulte des dispositions combinées des articles L. 2121-1, L. 2121-2 et L. 2122-11 du code du travail que, sans préjudice de l'application des règles d'appréciation de la représentativité des organisations syndicales propres aux accords interbranches ou aux accords de fusion de branches, le ministre chargé du travail est compétent pour, s'il y a lieu, arrêter, sous le contrôle du juge administratif, la liste des organisations syndicales représentatives et leurs audiences respectives dans un périmètre utile pour une négociation en cours ou à venir, y compris lorsque celui-ci ne correspond pas à une « branche professionnelle » au sens de l'article L. 2122-11 du code du travail.

7. Dès lors, les partenaires sociaux qui souhaitent négocier dans un champ professionnel qui n'a pas donné lieu à l'établissement d'une liste des syndicats représentatifs par arrêté du ministre du travail en application de l'article L. 2122-11 du code du travail ou à l'issue d'une enquête de représentativité en application de l'article L. 2121-2 du même code doivent, avant d'engager la négociation collective, demander, dans les conditions précitées, à ce qu'il soit procédé à la détermination des organisations représentatives dans le champ de négociation pour s'assurer que toutes les organisations syndicales représentatives dans ce périmètre sont invitées à la négociation.

8. En deuxième lieu, l'article L. 2261-34 du code du travail dispose que, jusqu'à la mesure de la représentativité des organisations professionnelles d'employeurs qui suit la fusion de champs conventionnels prononcée en application du I de l'article L. 2261-32 ou de la conclusion d'un accord collectif regroupant le champ de plusieurs conventions préexistantes, sont admises à négocier les organisations professionnelles d'employeurs représentatives dans le champ d'au moins une branche préexistant à la fusion ou au regroupement. La même règle s'applique aux organisations syndicales de salariés. Les taux mentionnés au dernier alinéa de l'article L. 2261-19 et à l'article L. 2232-6 sont appréciés au niveau de la branche issue de la fusion ou du regroupement.

9. Il en résulte que, lorsque les partenaires sociaux décident, en vertu du principe de la liberté contractuelle, de procéder à la fusion de plusieurs branches professionnelles existantes, doivent être invitées à cette négociation, en application du principe de concordance, toutes les organisations syndicales représentatives dans une ou plusieurs des branches professionnelles préexistantes à la fusion.
10. En troisième lieu, selon l'article L. 2231-1 du code du travail, la convention ou l'accord est conclu entre, d'une part, une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives dans le champ d'application de la convention ou de l'accord, d'autre part, une ou plusieurs organisations syndicales d'employeurs, ou toute autre association d'employeurs, ou un ou plusieurs employeurs pris individuellement.

11. Aux termes de l'article L. 2232-6 du même code, la validité d'une convention de branche ou d'un accord professionnel est subordonnée à sa signature par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli, aux élections prises en compte pour la mesure de l'audience prévue au 3° de l'article L. 2122-5 ou, le cas échéant aux élections visées à l'article L. 2122-6, au moins 30 % des suffrages exprimés en faveur d'organisations reconnues représentatives à ce niveau, quel que soit le nombre de votants, et à l'absence d'opposition d'une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés en faveur des mêmes organisations à ces mêmes élections, quel que soit le nombre de votants. L'opposition est exprimée dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification de cet accord ou de cette convention, dans les conditions prévues à l'article L. 2231-8.

12. En application des articles L. 2232-9 et L. 2261-19 du code du travail, pour pouvoir être étendus, la convention de branche ou l'accord professionnel ou interprofessionnel, leurs avenants ou annexes, doivent avoir été négociés et conclus au sein d'une commission paritaire permanente de négociation et d'interprétation, laquelle est composée de représentants des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives dans le champ d'application considéré.

13. Il en résulte que si les partenaires sociaux, en application du principe de la liberté contractuelle, sont libres de décider, pour la mise en oeuvre de l'article L. 2232-9, alinéa 1, du code du travail, du périmètre de la commission paritaire permanente de négociation et d'interprétation et, dès lors, du champ d'application de la convention collective de la branche correspondante, et ainsi d'instaurer une telle commission après avoir procédé à la fusion de branches existantes, en revanche, en application du principe de concordance, ils doivent obtenir, préalablement à la négociation au sein de cette commission d'une convention ou d'un accord de branche, un arrêté de représentativité des organisations syndicales dans le périmètre de la nouvelle branche créée dans les conditions prévues par les articles L. 2122-11 et L. 2121-2 du code du travail.

14. Pour rejeter la demande de suspension de l'application des accords du 22 novembre 2019, l'arrêt retient qu'il n'est pas contesté que les champs de ces accords, qui couvrent respectivement celui des entreprises occupant jusqu'à dix salariés et celui des entreprises occupant plus de dix salariés, ne correspondent à aucune branche professionnelle du bâtiment, que les organisations de salariés représentatives ont adressé au ministre du travail une demande commune dès le 20 mars 2019 pour obtenir des arrêtés de représentativité dans ces champs respectifs, que le ministre du travail n'y a pas répondu, que toutefois la mise en place de deux commissions paritaires permanentes de négociation et d'interprétation dans le périmètre, pour l'une, des entreprises occupant jusqu'à dix salariés et, pour l'autre, dans celui des entreprises occupant plus de dix salariés, a été validée. Il retient encore que, s'agissant d'accords interbranches, il faut qu'ils aient été signés par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins 30 % des suffrages aux dernières élections professionnelles, qu'or quatre arrêtés de représentativité des organisations syndicales ont été pris les 22 juin et 20 juillet 2017 par le ministre du travail dans le secteur du bâtiment, l'un concernant les cadres, le deuxième concernant les employés, techniciens et agents de maîtrise, le troisième concernant les ouvriers employés par les entreprises occupant jusqu'à dix salariés et le quatrième concernant les ouvriers employés par les entreprises occupant plus de dix salariés, et qu'à elles seules, la CFDT et la CGT, qui ont signé les accords du 22 novembre 2019, recueillent plus de 30 % des suffrages valablement exprimés en faveur des organisations syndicales représentatives au niveau de ces branches.

15. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations, d'une part que les accords du 22 novembre 2019 avaient été conclus au sein de commissions paritaires permanentes de négociation et d'interprétation créées par accord procédant d'une fusion et d'une redistribution des branches existantes dans le secteur du bâtiment, ce dont il résultait qu'ils ne pouvaient être qualifiés d'accords interbranches, d'autre part que les accords litigieux avaient été négociés dans de nouveaux champs conventionnels, pour l'un, des entreprises occupant jusqu'à dix salariés et, pour l'autre, des entreprises occupant plus de dix salariés, en l'absence d'arrêtés du ministre du travail arrêtant la liste des organisations syndicales représentatives et leurs audiences respectives dans les champs considérés, ce dont il résultait l'existence d'un trouble manifestement illicite, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment, la Fédération nationale des salariés de la construction bois ameublement CGT et la Fédération nationale des salariés de la construction et du bois CFDT aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mai deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52400507
Date de la décision : 15/05/2024
Sens de l'arrêt : Cassation

Analyses

STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL - Conventions et accords collectifs - Dispositions générales - Négociation - Restructuration de branches professionnelles - Fusion de branches - Négociation au sein d'une commission paritaire permanente - Négociation d'une convention ou d'un accord de branche - Principe de concordance - Arrêté ministériel de représentativité des organisations syndicales dans le périmètre considéré - Nécessité - Portée

SYNDICAT PROFESSIONNEL - Représentativité - Détermination - Modalités - Cas - Accord collectif de branche - Révision - Négociation - Organisations syndicales invitées à négocier - Procédure préalable - Mise en oeuvre - Nécessité - Portée STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL - Conventions et accords collectifs - Dispositions générales - Négociation - Restructuration de branches professionnelles - Fusion de branches - Instauration de commissions paritaires permanentes - Périmètre des commissions - Délimitation - Principe de la liberté contractuelle - Portée

Si les partenaires sociaux, en application du principe de la liberté contractuelle, sont libres de décider, pour la mise en oeuvre de l'article L. 2232-9, alinéa 1, du code du travail, du périmètre de la commission paritaire permanente de négociation et d'interprétation et, dès lors, du champ d'application de la convention collective de la branche correspondante, et ainsi d'instaurer une telle commission après avoir procédé à la fusion de branches existantes, en revanche, en application du principe de concordance, ils doivent obtenir, préalablement à la négociation au sein de cette commission d'une convention ou d'un accord de branche, un arrêté de représentativité des organisations syndicales dans le périmètre de la nouvelle branche créée dans les conditions prévues par les articles L. 2122-11 et L. 2121-2 du code du travail. Doit dès lors être censurée la cour d'appel qui, statuant en matière de référé, rejette la demande de suspension de deux accords de branche, alors qu'il ressortait de ses constatations que ces accords avaient été négociés dans de nouveaux champs conventionnels, pour l'un, des entreprises du bâtiment occupant jusqu'à dix salariés et, pour l'autre, des entreprises du bâtiment occupant plus de dix salariés, en l'absence d'arrêtés du ministre du travail arrêtant la liste des organisations syndicales représentatives et leurs audiences respectives dans les champs considérés, ce dont il résultait l'existence d'un trouble manifestement illicite


Références :

Articles L. 2121-1, L. 2121-2, L. 2122-11, L. 2231-1, L. 2232-6, L. 2232-9, L. 2261-19 et L. 2261-34 du code du travail.
Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 10 mars 2022

Sur la mesure de la représentativité des organisations syndicales appelées à négocier des accords collectifs dans le périmètre de nouvelles branches professionnelles, à rapprocher : Soc., 21 avril 2022, pourvois n° 20-18.799, Bull., (rejet)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 15 mai. 2024, pourvoi n°52400507


Composition du Tribunal
Président : M. Sommer
Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Boucard-Maman, SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, SCP Krivine et Viaud

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52400507
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award