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15/05/2024 | FRANCE | N°42400263

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 15 mai 2024, 42400263


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


COMM.


SH






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 15 mai 2024








Rejet




M. VIGNEAU, président






Arrêt n° 263 F-D


Pourvoi n° A 23-11.592












R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________>



ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 15 MAI 2024


1°/ M. [H] [X], domicilié [Adresse 3],


2°/ la société Le Cornet d'amour, entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, dont le siège est...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

SH

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 15 mai 2024

Rejet

M. VIGNEAU, président

Arrêt n° 263 F-D

Pourvoi n° A 23-11.592

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 15 MAI 2024

1°/ M. [H] [X], domicilié [Adresse 3],

2°/ la société Le Cornet d'amour, entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° A 23-11.592 contre l'arrêt rendu le 15 décembre 2022 par la cour d'appel de Douai (chambre 1, section 2), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [R] [L], domicilié [Adresse 2],

2°/ à la société [L], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Sabotier, conseiller, les observations de la SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de M. [X] et de la société Le Cornet d'amour, de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de M. [L] et de la société [L], après débats en l'audience publique du 19 mars 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Sabotier, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 15 décembre 2022), M. [L] est titulaire de la marque semi-figurative française n° 1525946, dont l'élément verbal est « cornet d'amour », déposée en 1954 et enregistrée pour désigner, en classe 30, les « crème glacée et biscuits », et de la marque semi-figurative française n° 4400849, dont l'élément verbal est « cornet d'amour Francesco Gualano Fondateur 1896 », déposée le 31 octobre 2017 et enregistrée pour désigner, en classe 30, les « crème glacée, glaces comestibles ; confiseries sous forme glacée ».

2. Ces marques sont exploitées par la société [L].

3. La société Le Cornet d'amour exploite à [Localité 4] un commerce de glacier, salon de thé, à l'enseigne « Au cornet d'amour ». Après avoir acquis les actifs de cette société, M. [X] a déposé, le 14 juillet 2014, la marque verbale française « le cornet d'amour » n° 4107974 pour désigner, en classe 30, les « farine et préparations faites de céréales, pain, pâtisseries et confiserie, glaces alimentaires » et, en classe 43, les « services de restauration (alimentation) ; traiteur ».

4. Le 24 juin 2019, M. [L] a assigné M. [X] et la société Le Cornet d'amour afin d'obtenir l'annulation de la marque n° 4107974 « le cornet d'amour » ainsi que des mesures d'interdiction d'usage de ce signe. Ces derniers, qui ont assigné la société [L] en intervention forcée, ont demandé reconventionnellement le prononcé de la déchéance pour défaut d'exploitation des droits de M. [L] sur la marque n° 1525946, et la nullité de la marque n° 4400849 comme portant atteinte aux droits de M. [X] sur la marque n° 4107974.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses troisième à cinquième branches

5. En application de l'article 1014 du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

6. M. [X] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de déchéance des droits de M. [L] sur la marque semi-figurative « cornet d'amour » n° 1525946 et, en conséquence, de prononcer la nullité de la marque verbale « le cornet d'amour » n° 4107974 pour la totalité des produits et services visés, de rejeter sa demande de nullité de la marque n° 4400849, ainsi que sa demande de dommages et intérêts fondée sur le dépôt de cette dernière marque, alors :

« 1°/ qu'encourt la déchéance de ses droits le titulaire de la marque qui, sans justes motifs, n'en a pas fait un usage sérieux, pour les produits ou services pour lesquels la marque est enregistrée, pendant une période ininterrompue de cinq ans ; qu'est assimilé à un tel usage l'usage de la marque sous une forme qui diffère par des éléments n'altérant pas son caractère distinctif dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée ; que ce n'est que lorsque le signe utilisé dans le commerce diffère de la forme sous laquelle celui-ci a été enregistré uniquement par des éléments négligeables, de sorte que les deux signes peuvent être considérés comme globalement équivalents, qu'il est prévu que l'obligation d'usage de la marque enregistrée peut être remplie en rapportant la preuve de l'usage du signe qui en constitue la forme utilisée dans le commerce ; qu'il ne suffit pas que l'élément dominant de la marque antérieure sous sa forme enregistrée soit repris dans le signe utilisé, pour que ce signe soit reconnu comme n'altérant pas le caractère distinctif de la marque antérieure sous sa forme enregistrée ; que l'appréciation de l'existence d'une altération du caractère distinctif de la marque telle qu'elle a été enregistrée requiert l'examen du caractère distinctif et dominant des éléments ajoutés en se fondant sur les qualités intrinsèques de chacun de ces éléments ainsi que sur la position relative des différents éléments dans la configuration de la marque ; qu'en l'espèce, pour retenir que l'utilisation du signe verbal "cornet d'amour" constituerait un usage de la marque semi-figurative n° 1525946 sous une forme modifiée n'en altérant pas le caractère distinctif, la cour d'appel s'est bornée à relever que les trois cornets constituaient "une illustration du terme « Cornet d'amour »" et, par motifs adoptés, que "c'est bien l'élément verbal qui constitue l'élément distinctif de la marque, le produit se distinguant très clairement par son nom « le cornet d'amour », en référence à la gaufrette qui retient la crème glacée, l'élément figuratif de la marque n'étant qu'une simple reproduction d'une partie du produit, en noir et blanc, sans particularité, ni stylisation ni couleur singulière" ; qu'en statuant ainsi, sans justifier en quoi, eu égard à la position relative des éléments figuratifs constitués par les trois formes coniques blanches dans la configuration de la marque semi-figurative n° 1525946, par rapport à l'élément verbal "cornet d'amour", inscrit dans un petit cartouche blanc n'occupant qu'une faible portion du signe, le signe "cornet d'amour" et la marque semi-figurative n° 1525946 ne différeraient que par des éléments négligeables et seraient globalement équivalents, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle ;

2°/ qu'encourt la déchéance de ses droits le titulaire de la marque qui, sans justes motifs, n'en a pas fait un usage sérieux, pour les produits ou services pour lesquels la marque est enregistrée, pendant une période ininterrompue de cinq ans ; qu'est assimilé à un tel usage l'usage de la marque sous une forme qui diffère par des éléments n'altérant pas son caractère distinctif dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée ; que ce n'est que lorsque le signe utilisé dans le commerce diffère de la forme sous laquelle celui-ci a été enregistré uniquement par des éléments négligeables, de sorte que les deux signes peuvent être considérés comme globalement équivalents, qu'il est prévu que l'obligation d'usage de la marque enregistrée peut être remplie en rapportant la preuve de l'usage du signe qui en constitue la forme utilisée dans le commerce ; que l'appréciation de l'existence d'une altération du caractère distinctif de la marque telle qu'elle a été enregistrée requiert l'examen du caractère distinctif et dominant des éléments ajoutés en se fondant sur les qualités intrinsèques de chacun de ces éléments ainsi que sur la position relative des différents éléments dans la configuration de la marque ; qu'en relevant, s'agissant du logo correspondant à la marque semi-figurative n° 4400849 déposée par M. [L] le 31 octobre 2017, pour retenir que l'usage d'un tel signe n'altérerait pas le caractère distinctif de la marque semi-figurative n° 1525946, que la mention "cornet d'amour" serait "mise en avant de manière significative dans le logo représentant un portrait en médaillon entouré par la mention « cornet d'amour »" sans comparer la marque semi-figurative n° 1525946 sous sa forme enregistrée avec le logo ainsi utilisé, aux fins d'examiner si les signes en cause différaient ou non par des éléments négligeables et s'ils pouvaient être considérés comme globalement équivalents, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle. »

Réponse de la Cour

7. Selon l'article L. 714-5, b), du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019, encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n'en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l'enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans. Est assimilé à un tel usage l'usage de la marque sous une forme modifiée n'en altérant pas le caractère distinctif.

8. Interprétant l'article 10, paragraphe 2, sous a), de la première directive 89/104/CEE du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, dont les dispositions précitées réalisent la transposition en droit interne, la Cour de justice de l'Union européenne a rappelé que le caractère distinctif d'une marque, au sens des dispositions de cette directive, signifie que cette marque permet d'identifier le produit pour lequel l'enregistrement est demandé comme provenant d'une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d'autres entreprises, et que l'article 10, paragraphe 2, sous a), de la directive 89/104, a pour finalité, en évitant d'exiger une conformité stricte entre la forme utilisée dans le commerce et celle sous laquelle la marque a été enregistrée, de permettre au titulaire de cette dernière d'apporter au signe, à l'occasion de son exploitation commerciale, les variations qui, sans en modifier le caractère distinctif, permettent de mieux l'adapter aux exigences de commercialisation et de promotion des produits ou des services concernés (CJUE, arrêt du 25 octobre 2012, Rintisch, C-553/11, points 19 et 21).

9. L'arrêt retient, d'abord, par motifs propres et adoptés, que, dans le signe tel que déposé, l'élément verbal « cornet d'amour » constitue l'élément distinctif de la marque n° 1525946, l'élément figuratif n'étant qu'une simple reproduction du produit désigné à l'enregistrement, en noir et blanc, sans particularité ni stylisation ni couleur singulière, et constituant une illustration du terme « cornet d'amour ». Il ajoute, par motifs propres, que l'usage du signe « cornet d'amour » dans le cadre du logo enregistré à titre de marque sous le n° 4400849 par M. [L] le 31 octobre 2017 n'en altère pas le caractère distinctif, la mention « cornet d'amour » étant mise en avant de manière significative dans le logo représentant un portrait en médaillon entouré par cette mention (le logo).

10. L'arrêt retient ensuite, par motifs propres, que de nombreuses coupures de presse et des captures d'écran réalisées sur son site Internet et ses comptes sociaux établissent l'usage par la société [L] du signe « cornet d'amour », notamment sous la forme du logo aux fins de distinguer les produits de cette société.

11. Ayant ainsi, par une appréciation globale de la marque enregistrée n° 1525946 et en se fondant sur les qualités intrinsèques de chacun des éléments entrant dans cette marque, fait ressortir que l'élément verbal « cornet d'amour » en constituait l'élément distinctif et que son usage, seul ou dans le cadre du logo, n'avait pas modifié le caractère distinctif de ladite marque, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à la recherche visée à la première branche que ses constatations et appréciations rendaient inopérante, a légalement justifié sa décision de rejeter la demande de déchéance des droits de M. [L] sur la marque n° 1525946.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [X] et la société Le Cornet d'amour aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [X] et la société Le Cornet d'amour et les condamne à payer à M. [L] et la société [L] la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mai deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 42400263
Date de la décision : 15/05/2024
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 15 décembre 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 15 mai. 2024, pourvoi n°42400263


Composition du Tribunal
Président : M. Vigneau (président)
Avocat(s) : SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier, SCP Marlange et de La Burgade

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:42400263
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