LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
FM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 10 mai 2024
Cassation
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 238 FS-B
Pourvoi n° E 22-18.929
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 10 MAI 2024
1°/ M. [V] [P], domicilié [Adresse 4] (Madagascar),
2°/ Mme [M] [I] épouse [F], domiciliée [Adresse 2],
3°/ Mme [G] [P] épouse [J], domiciliée [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° E 22-18.929 contre l'arrêt rendu le 14 juin 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-1), dans le litige les opposant au directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches du Rhône, dont le siège est [Adresse 3], défendeur à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Alt, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [P], Mme [I] et Mme [P], de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches du Rhône, et l'avis de Mme Gueguen, Premier avocat général, après débats en l'audience publique du 12 mars 2024 où étaient présents,M. Vigneau, président, M. Alt, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, Mmes Graff-Daudret, Daubigney, Ducloz, de Lacaussade, M. Thomas, conseillers, Mmes Vigneras, Lefeuvre, Tostain, M. Maigret, conseillers référendaires, Mme Gueguen, Premier avocat général, et Mme Layemar, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 14 juin 2022), par acte des 27 et 30 décembre 2010, Mme [F] a donné la nue-propriété d'un bien immobilier à ses petits-enfants, Mme [P], épouse [J], et M. [P] (les consorts [P]). Déposé à l'administration fiscale le 31 décembre 2010 accompagné d'un chèque du montant des droits de mutation, l'acte a été enregistré le 4 janvier 2011.
2. Le 12 décembre 2014, l'administration fiscale a adressé aux consorts [P] une proposition de rectification, fondée sur une réévaluation du bien donné, puis, après rejet de leur contestation, a procédé au recouvrement des droits.
3. Les consorts [P] ont contesté cette rectification en soutenant que l'administration avait exercé son droit de reprise au-delà du délai fixé à l'article L.180 du livre des procédures fiscales.
Sur le premier moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
5. Les consorts [P] font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes tendant à l'infirmation de la décision de rejet du 12 septembre 2018 et à la décharge des droits de mutation, intérêts de retard et majorations visés dans l'avis de mise en recouvrement du 25 juillet 2016, alors « que les comptables compétents ne peuvent sous aucun prétexte différer l'enregistrement des actes et mutations dont les droits ont été payés ; qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que l'acte de donation passé entre les parties le 27 décembre 2010, accompagné du chèque relatif aux droits d'enregistrement, a été réceptionné par l'administration des impôts le vendredi 31 décembre 2010 ; qu'en jugeant que son enregistrement le 4 janvier 2011 ne pouvait être critiqué et constituait le point de départ de la prescription abrégée du délai de reprise de l'administration, la cour d'appel a violé les articles 1703 du code général et L.180 du livre des procédures fiscales. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1703 du code général des impôts et L. 180 du livre des procédures fiscales :
6. Il résulte de la combinaison de ces textes que, dans l'hypothèse où les droits ont été payés au jour du dépôt et où la formalité de l'enregistrement a été acceptée par le comptable, l'acte ou la déclaration soumise à droits doivent être réputés enregistrés à la date de leur dépôt afin de ne pas faire subir au contribuable un allongement du délai de reprise pour une cause qui ne lui serait pas imputable.
7. Pour rejeter les demandes des consorts [P], l'arrêt retient que l'article 1703 du code général des impôts ne prévoit pas que les parties puissent exiger un enregistrement immédiat de l'acte, la mention du texte « les comptables ne peuvent sous aucun prétexte différer l'enregistrement » s'accommodant de la nécessité de concilier un enregistrement dans les meilleurs délais avec les circonstances compte tenu, notamment, des contraintes du service et de celles du calendrier. L'arrêt en déduit que l'acte de donation ayant été reçu par l'administration le vendredi 31 décembre 2010, à la veille d'une fin de semaine et à la veille également du 1er janvier 2011, l'enregistrement réalisé dès le mardi 4 janvier 2011 ne peut être critiqué comme violant le texte précité.
8. En statuant ainsi, alors qu'il résulte de l'article 1703 du code général des impôts que la présentation à l'enregistrement d'un acte notarié fait présumer que les droits y afférents ont été acquittés et qu'il n'était allégué par l'administration ni que ces droits n'avaient pas été payés au jour du dépôt de l'acte ni que la formalité de l'enregistrement avait été refusée, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne le directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône et le condamne à payer à Mme [F], Mme [J] et à M. [P] la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix mai deux mille vingt-quatre.