LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° T 23-80.976 F-D
N° 00477
MAS2
24 AVRIL 2024
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 24 AVRIL 2024
M. [M] [G] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle, en date du 27 octobre 2022, qui, pour transfert de capitaux sans déclaration et blanchiment, l'a condamné à dix-huit mois d'emprisonnement, une interdiction définitive du territoire français, une confiscation et une amende douanière.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de M. Gillis, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [M] [G], les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de l'administration des douanes et de la direction régionale des douanes et droits indirects d'Alsace, et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 mars 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Gillis, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le 2 juin 2017, M. [N] [I] a été contrôlé par les agents des douanes dans un train. Interrogé par les douanes, il a déclaré transporter plus de 10 000 euros. L'examen de sa valise a révélé qu'il transportait l'équivalent de 220 054 euros en livres sterling anglaises. Il a expliqué que l'argent lui avait été remis par M. [M] [G], lequel lui avait demandé de transporter cette somme de [Localité 1] jusqu'à [Localité 2].
3. M. [G] a été interpellé en exécution d'un mandat d'arrêt européen. Il a expliqué être commerçant dans le négoce de métaux précieux et de montres de luxe, avoir remis l'argent à M. [I] et lui avoir demandé de se rendre en Allemagne pour rencontrer un marchand d'or.
4. Par jugement du 17 mai 2021, le tribunal correctionnel a condamné M. [G] pour transfert de capitaux sans déclaration et blanchiment à dix-huit mois d'emprisonnement, une interdiction définitive du territoire français, une confiscation et une amende douanière de 110 027 euros.
5. M. [G] a relevé appel. La direction générale des douanes et le ministère public ont formé appel incident.
Examen des moyens
Sur le deuxième moyen
6. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [G] coupable de transfert non déclaré de sommes, titres ou valeurs et de blanchiment, alors :
« 1°/ qu'en application des dispositions nouvelles des articles L 152-1 du code monétaire et financier et 464 du code des douanes, seul le porteur personne physique qui, pour elle-même ou pour le compte d'un tiers, transporte de l'argent liquide sur elle, dans ses bagages ou dans ses moyens de transport, est tenu de l'obligation déclarative pénalement réprimée ; ces dispositions, plus restrictives, exclusives des dispositions de l'article 392 du code des douanes, et plus douces, sont immédiatement applicables ; il résulte des constatations de l'arrêt que M. [G] n'était pas le porteur de l'argent liquide au sens de ces textes ; en le déclarant coupable de manquement à l'obligation déclarative, la cour d'appel a violé les articles 112-1 du code pénal, L 152-1, L 152-4 du code monétaire et financier et 464 du code des douanes ;
2°/ qu'en introduisant d'office dans le débat la qualité d'intéressé à la fraude de M. [G] sans avoir provoqué les explications préalables des parties, la cour d'appel a violé le principe du contradictoire, ensemble les droits de la défense. »
Réponse de la Cour
8. L'arrêt attaqué a condamné M. [G] pour transfert de capitaux sans déclaration, en tant qu'intéressé à la fraude, en application de l'article 399 du code des douanes.
9. En prononçant ainsi, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.
10. En effet, d'une part, la question de la qualification de M. [G] d'intéressé à la fraude résultant des faits de transfert de capitaux sans déclaration commis par M. [I] avait été mise dans le débat par l'administration des douanes, partie poursuivante.
11. D'autre part, M. [G] a été condamné à ce titre et non comme ayant transporté lui-même des capitaux sans déclaration en méconnaissance de l'article L. 152-1 du code monétaire et financier.
12. Le moyen doit être écarté.
Mais sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
13. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné la confiscation des scellés, y compris les sommes d'argent saisies, alors « que la cour d'appel, qui n'a pas précisé la nature et l'origine de l'ensemble des biens placés sous scellés dont elle a ordonné la confiscation, ni à quel titre et sur quel fondement elle prononçait la confiscation de chacun d'eux, n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a violé les articles 324-7 du code pénal et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 131-21 du code pénal et 593 du code de procédure pénale :
14. ll résulte du premier de ces textes que le juge doit énumérer les objets dont il ordonne la confiscation et indiquer, pour chacun d'eux, s'ils constituent l'instrument, le produit ou l'objet de l'infraction, afin de mettre la Cour de cassation en mesure de s'assurer de la légalité de sa décision, et d'apprécier, le cas échéant, son caractère proportionné.
15. Selon le second, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
16. La cour d'appel, qui s'est contentée de confirmer la confiscation des scellés prononcée sans motif par le tribunal correctionnel, n'a pas justifié sa décision.
17. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Et sur le quatrième moyen
Enoncé du moyen
18. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [G] à une amende douanière de 110 027 euros, alors « qu'en se prononçant par une motivation dont il se déduit qu'elle s'est estimée tenue de prononcer l'amende minimale encourue par application de l'article 152-4 du code monétaire et financier, et n'a pas pris en considération, pour le prononcé de l'amende, l'ampleur et la gravité de l'infraction commise et la personnalité du prévenu, la cour d'appel a méconnu les articles 365, 369 du code des douanes, 485, 512 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 365, 369 du code des douanes, 485, 512 et 593 du code de procédure pénale :
19. Aux termes du deuxième de ces textes, eu égard à l'ampleur et à la gravité de l'infraction commise, ainsi qu'à la personnalité de son auteur, le tribunal peut réduire le montant de l'amende fiscale prononcée à l'encontre de l'auteur d'une infraction douanière jusqu'à un montant inférieur à son montant minimal.
20. Il résulte du premier et des trois derniers qu'en matière douanière, toute peine d'amende doit être motivée.
21. Il se déduit de l'ensemble de ces textes que le juge qui prononce une amende en application de l'article L. 152-4 du code monétaire et financier en répression du délit de transfert non déclaré de capitaux, en fonction du montant de l'argent liquide sur lequel a porté l'infraction, doit également motiver sa décision au regard de l'ampleur et de la gravité de l'infraction commise ainsi que de la personnalité de son auteur, quel que soit le montant de l'amende qu'il retient.
22. Pour confirmer le jugement qui a condamné M. [G] a une amende douanière de 110 027 euros au titre de l'infraction douanière de manquement à l'obligation déclarative, l'arrêt attaqué énonce que ce montant est égal à 50 % de la somme sur laquelle a porté l'infraction et qu'il constitue une juste application de l'article L. 152-4 du code monétaire et financier.
23. En prononçant ainsi, sans faire apparaître qu'elle n'était pas tenue de prononcer l'amende minimale encoure et sans prendre en considération l'ampleur et la gravité de l'infraction commise et la personnalité du prévenu pour déterminer le montant de l'amende douanière, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.
24. La cassation est par conséquent également encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
25. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives aux peines et à l'amende douanière. Les autres dispositions seront donc maintenues.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Colmar, en date du 27 octobre 2022, mais en ses seules dispositions relatives aux peines et à l'amende douanière, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nancy, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Colmar et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre avril deux mille vingt-quatre.