La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/04/2024 | FRANCE | N°42400188

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 04 avril 2024, 42400188


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


COMM.


MB






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 4 avril 2024








Rejet




M. VIGNEAU, président






Arrêt n° 188 F-D


Pourvoi n° R 22-18.157












R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________r>



ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 4 AVRIL 2024


M. [L] [R], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 22-18.157 contre l'arrêt rendu le 26 avril 2022 par la cour d'appel de Rennes (3e ch...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

MB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 4 avril 2024

Rejet

M. VIGNEAU, président

Arrêt n° 188 F-D

Pourvoi n° R 22-18.157

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 4 AVRIL 2024

M. [L] [R], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 22-18.157 contre l'arrêt rendu le 26 avril 2022 par la cour d'appel de Rennes (3e chambre commerciale), dans le litige l'opposant à la société Iseulte & Junon, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme de Lacaussade, conseiller, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. [R], de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de la société Iseulte & Junon, après débats en l'audience publique du 13 février 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme de Lacaussade, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 26 avril 2022) et les productions, par un acte du 30 décembre 2014, MM. [R], [V] et [K] ont cédé à la société Iseulte et Junon l'intégralité des actions de la société [R] et [X], moyennant un prix provisoire d'un million d'euros. Par un acte du même jour, M. [R] a conclu au profit de la société cessionnaire une garantie d'actif et de passif.

2. Ayant payé, à la suite d'un accord transactionnel, une indemnité à l'un de ses sous-traitants, Mme [Z], la société Iseulte et Junon a mis en oeuvre la garantie puis assigné en paiement M. [R]. Soutenant qu'il n'avait pas été informé de la transaction, ce dernier lui a opposé la déchéance de la garantie.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. M. [R] fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la société Iseulte et Junon, au titre de sa garantie d'actif et de passif et après déduction de la franchise contractuelle, une certaine somme, alors :

« 1°/ que même en l'absence de stipulation expresse dans la convention, la méconnaissance par le cessionnaire de son obligation de solliciter l'accord du garant préalablement à toute transaction sur la réclamation d'un tiers est sanctionnée par la déchéance de son droit à garantie ; qu'en jugeant qu'en l'absence de sanction explicitement prévue par la convention en pareil cas, il n'y a pas lieu à déchéance de la garantie souscrite au profit de la société Iseulte et Junon, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;

2°/ que, dans le doute, la convention s'interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l'obligation ; qu'en cas d'ambiguïté ou d'obscurité, la clause de garantie de passif s'interprète nécessairement en faveur du garant ; qu'en retenant que c'est la société Iseulte et Junon, cessionnaire, qui s'est engagée à requérir l'accord de M. [R] avant toute transaction, de sorte que la convention doit être interprétée en sa faveur et non en faveur du garant, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1162 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

4. Après avoir relevé que la société Iseulte et Junon avait transigé avec Mme [Z], sans l'accord de M. [R], cependant que la garantie d'actif et de passif prévoyait que tout règlement amiable devrait avoir reçu l'accord préalable du garant, l'arrêt retient que la sanction de la déchéance invoquée par ce dernier n'a pas été prévue par la convention, du moins dans l'hypothèse d'une transaction intervenue sans son accord. Il retient également que cette sanction n'a été envisagée par les parties que dans l'hypothèse de l'inexécution par le bénéficiaire de son devoir d'information du garant dans le délai de quinzaine suivant la réclamation présentée par la personne ou l'administration qui se prétend créancière de la société dont les actions ont été cédées et qu'il est constant que la société bénéficiaire de la garantie a satisfait à cette obligation initiale d'information.

5. En l'état des termes dénués d'ambiguïté de l'article 3 de la garantie, la cour d'appel a exactement retenu que la violation de l'obligation d'obtenir l'accord préalable du garant à la conclusion d'une transaction n'était pas sanctionnée par la déchéance de la garantie, de sorte qu'elle ne pouvait, sans dénaturer les stipulations de la convention, étendre une sanction prévue par celle-ci, à une situation pour laquelle elle n'avait pas été envisagée.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

7. M. [R] fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la société Iseulte et Junon, au titre de sa garantie d'actif et de passif et après déduction de la franchise contractuelle, une somme totale de 42 708 euros avec intérêts au taux de 5 %, alors :

« 1°/ qu'en relevant d'office le moyen pris de ce que la méconnaissance par la société Iseulte et Junon de son obligation de requérir l'accord de M. [R] avant toute transaction est sanctionnée par l'inopposabilité à ce dernier de la transaction et en se prononçant sur les conséquences de cette requalification, sans inviter les parties à présenter leurs observations sur ce point, la cour d'appel a méconnu les exigences de la contradiction et violé l'article 16 du code de procédure civile ;

2°/ qu'après avoir jugé que la transaction conclue entre la société Iseulte et Junon et Mme [Z] devait être déclarée inopposable à M. [R], la cour d'appel ne pouvait, sans violer l'article 1165 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, condamner M. [R] « à supporter le coût de cette transaction » ;

3°/ que l'inopposabilité de la transaction au garant impose au juge de reconstituer fictivement la discussion qui aurait pu s'instaurer sur les points de droit et de fait en cause, au vu des conclusions des parties et des pièces produites aux débats ; que le lien de subordination implique l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; qu'en retenant qu'avant la signature de son contrat de sous-traitance, Mme [Z] avait déjà travaillé pendant plusieurs années en qualité de salariée de la société [R] et [X], que la sous-traitance a immédiatement succédé à ce contrat de travail à durée déterminée, que Mme [Z] travaillait à son domicile en possession d'équipements et de machines qui appartenaient à la société [R] et [X] qui fournissait l'ensemble des matières premières, que Mme [Z] était rémunérée à un taux horaire proche du SMIC majoré des charges sociales, le temps de travail consacré à la réalisation de telle ou telle tâche était pré-établi par une annexe au contrat de sous-traitance, la société [R] et [X] ayant dès lors l'entière maîtrise du coût susceptible d'être facturé et que Mme [Z] était tenue de travailler selon des horaires déterminés par la société [R] et [X], même si cette dernière l'a toujours contesté en affirmant, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé le pouvoir de sanction dont la société Iseulte et Junon aurait disposé à l'encontre de Mme [Z], a statué par des motifs impropres à établir que celle-ci était liée à celle-là par un contrat de travail, privant sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil.

Réponse de la Cour

8. L'arrêt retient que le litige ayant opposé la société [R] et [X] à Mme [Z] trouve son origine dans des événements antérieurs à la cession et qu'il relève du champ d'application de la garantie. Il ajoute que les conditions de travail de Mme [Z], eu égard au contexte dans lequel elle avait été engagée en qualité de sous-traitante pour effectuer le même travail que celui qu'elle réalisait jusqu'alors en qualité de salariée, et ce, dans des conditions comparables, étaient peu compatibles avec les exigences d'indépendance que requiert le statut de sous-traitant. Il retient enfin que les réclamations de Mme [Z] étaient justifiées et que, nonobstant l'aléa inhérent à toute action judiciaire, le risque d'une condamnation judiciaire après requalification de la sous-traitance en contrat de travail était élevé.

9. De ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu, abstraction faite du motif, surabondant, critiqué par la deuxième branche, et sans relever d'office aucun moyen, déduire que, face au risque d'une condamnation encore plus lourde, il était de l'intérêt de la société bénéficiaire de la garantie et du garant, de transiger comme la société Iseulte et Junon l'avait fait et, en conséquence, condamner M. [R] à paiement en exécution de son engagement de garantie.

10. Le moyen, pour partie inopérant, n'est donc pas fondé pour le surplus.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

11. M. [R] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts et en compensation, alors :

« 1°/ qu'en relevant d'office le moyen pris de ce qu'il appartenait à M. [R] d'établir que, dûment informé par la société Iseulte et Junon des pourparlers engagés avec Mme [Z], aurait refusé cette issue transactionnelle, sans inviter les parties à présenter leurs observations sur ce point, la cour d'appel a méconnu les exigences de la contradiction et violé l'article 16 du code de procédure civile ;

2°/ qu'en relevant que, dûment informé du risque d'une condamnation judiciaire plus lourde encore, il est très probable que M. [R] se serait finalement convaincu de l'opportunité de cette issue négociée, la cour d'appel, qui s'est fondée sur un motif purement hypothétique, a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

12. L'arrêt retient que M. [R] n'établit pas en quoi consisterait son préjudice résultant de la transaction réalisée sans son accord.

13. Par ces seuls motifs, abstraction faite de ceux, surabondants, critiqués par le moyen, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de rejeter les demandes en paiement de dommages et intérêts et en compensation formées par M. [R].

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [R] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [R] et le condamne à payer à la société Iseulte & Junon la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre avril deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 42400188
Date de la décision : 04/04/2024
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 26 avril 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 04 avr. 2024, pourvoi n°42400188


Composition du Tribunal
Président : M. Vigneau (président)
Avocat(s) : SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, SCP Zribi et Texier

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:42400188
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award