LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 14 mars 2024
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 152 FS-B
Pourvoi n° H 22-15.205
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 MARS 2024
1°/ M. [M] [W], domicilié [Adresse 2],
2°/ l'association Ariane, dont le siège est [Adresse 4], agissant en sa qualité de tuteur de M. [M] [W],
ont formé le pourvoi n° H 22-15.205 contre deux arrêts rendus les 13 janvier 2022 et 28 janvier 2019 par la cour d'appel de Douai (chambre 1, section 2), dans le litige les opposant à Mme [I] [B], veuve [Y], domiciliée [Adresse 5], prise tant en son nom personnel qu'en sa qualité de légataire universelle de [S] [Y], décédé,
défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Baraké, conseiller référendaire, les observations de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de M. [M] [W] et de l'association Ariane, de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de Mme [Y], et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 janvier 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Baraké, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, M. David, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, Mme Proust, M. Brillet, Mme Pic, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, Gallet, Davoine, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon les arrêts attaqués (Douai, 28 février 2019 et 13 janvier 2022), Mme [Y] et [S] [Y], son époux, ont acquis une parcelle cadastrée A n° [Cadastre 1], voisine de celle, cadastrée A n° [Cadastre 3], appartenant alors à M. [M] [W] et [E] [W] et exploitée par M. [X], agriculteur.
2. Se disant bénéficiaires d'une servitude de passage, sur le fonds de leurs voisins, M. [M] [W] et [E] [W] les ont assignés en cessation de toute entrave à l'exercice de leur droit.
3. [E] [W] est décédé en cours d'instance, laissant son fils, M. [M] [W], pour lui succéder, qui a repris l'instance.
4. Par arrêt rendu par défaut le 28 février 2019, la cour d'appel a constaté l'absence d'enclavement de la parcelle de M. [M] [W] et rejeté ses demandes.
5. M. [M] [W] a formé opposition à cet arrêt, puis a été placé sous tutelle, le 24 janvier 2020. L'association Ariane, désignée en qualité de tuteur, a repris l'instance.
6. [S] [Y] est décédé en cours d'instance, laissant son épouse légataire universelle pour lui succéder, qui a repris l'instance.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
7. M. [W], représenté par son tuteur, l'association Ariane, fait grief à l'arrêt de rejeter la demande de rétractation de l'arrêt du 28 février 2019 rendu par la cour d'appel de Douai et de rejeter celle tendant à voir contraindre [S] [Y] et Mme [Y] à ouvrir leurs barrières, et/ou lui remettre les clefs de cadenas, et à ôter les plantations gênantes, alors « que la disparition de l'état d'enclave d'un terrain suppose que la tolérance de passage censée le désenclaver bénéficie au titulaire de la servitude légale ; que la cour d'appel a constaté que, entouré de diverses parcelles, le fonds A n° [Cadastre 3] de M. [W] ne bénéficiait pas d'accès à la voie publique, mais a exclu son état d'enclave, en dépit de la fermeture du passage dont il bénéficiait jusqu'alors sur le fonds [Y] voisin, au regard de la tolérance de passage dont bénéficiait son fermier, M. [X], en Belgique, le fils de ce dernier le laissant passer sur son exploitation en Belgique, pour lui permettre de gagner sa parcelle n° [Cadastre 6], puis les parcelles de M. [W] n° [Cadastre 7] et A n° [Cadastre 3] respectivement sises côté belge et côté français ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si le fait que la tolérance de passage ne permette l'exploitation du fonds de M. [W] que par M. [X], son locataire, et ne puisse se faire qu'en vertu d'une autorisation de passer sur la parcelle de son fils, qui avait précisé n'autoriser le passage par son exploitation qu'à son père, permettait de caractériser l'existence d'une tolérance de passage exclusive de l'état d'enclave du fonds, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 682 du code civil. »
Réponse de la Cour
8. Le fonds qui bénéficie d'une tolérance de passage permettant un accès suffisant à la voie publique pour les besoins de son exploitation n'est pas enclavé, tant que cette tolérance est maintenue, peu important qu'elle ne soit pas personnellement accordée au propriétaire mais à celui qui exploite ce fonds.
9. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [M] [W], représenté par son tuteur, l'association Ariane aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [M] [W], représenté par son tuteur, l'association Ariane, et le condamne à payer à Mme [Y] la somme de 3 000 euros.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mars deux mille vingt-quatre.