LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° W 23-81.531 F-D
N° 00304
RB5
13 MARS 2024
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 13 MARS 2024
Mme [Z] [J] et M. et Mme [S] et [M] [G], parties intervenantes, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre 5-1, en date du 28 février 2023, qui a déclaré irrecevable l'opposition de la première et a constaté le caractère définitif du jugement du 10 janvier 2018 autorisant la saisie pénale à la demande d'une autorité judiciaire étrangère.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires ont été produits.
Sur le rapport de M. Ascensi, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat de Mme [Z] [J], M. et Mme [S] et [M] [G], et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 7 février 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Ascensi, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Par arrêt en date du 9 juin 2015, la cour d'appel de Liège (Belgique) a notamment condamné Mme [Z] [J] à la confiscation de sommes d'argent figurant sur des comptes bancaires ouverts en France, de divers biens saisis en Belgique, et de la somme par équivalent de 10 425 363,66 euros, sous déduction de la valeur des biens précités.
3. Le 10 février 2017, l'autorité judiciaire belge a adressé à l'autorité judiciaire française un certificat de confiscation portant sur les comptes bancaires et un immeuble situé à [Localité 1] (06).
4. Par requête du 6 décembre 2017, le procureur de la République a saisi le tribunal correctionnel d'une requête en exécution de la décision de confiscation.
5. Par jugement du 10 janvier 2018, le tribunal a fait droit à la requête.
6. Par requête du 29 novembre 2018, Mme [J] a saisi le tribunal d'une requête en rectification d'erreur matérielle.
7. Par jugement du 4 décembre 2019, le tribunal a ordonné la rectification sollicitée, estimant notamment que le jugement avait été rendu par défaut.
8. Mme [J] a formé opposition au jugement du 10 janvier 2018.
9. Sont intervenus volontairement à la procédure M. et Mme [S] et [M] [G].
10. Par jugement du 26 mars 2020, le tribunal a rejeté la requête du procureur de la République.
11. Le procureur de la République a interjeté appel principal de la décision. Mmes [J], [G] et M. [G] ont interjeté appel incident.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
12. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il n'est pas régulier en la forme, qu'il a statué en chambre du conseil, après des débats s'étant déroulés selon les mêmes modalités, alors « que, il résulte des articles 400 et 512 du code de procédure pénale que la publicité des débats judiciaires est une règle d'ordre public à laquelle il ne peut être dérogé que dans les cas limitativement déterminés par la loi ; que les articles 713-36 à 713-41 du code de procédure pénale, qui organisent l'exécution des décisions de confiscation prononcées par les autorités judiciaires étrangères, ne prévoient pas de dérogation à ce principe ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 400 et 512 du code de procédure pénale :
13. Il résulte de ces textes que la publicité des débats judiciaires est une règle d'ordre public à laquelle il ne peut être dérogé que dans les cas limitativement déterminés par la loi.
14. Les articles 713-12 à 713-41 du code de procédure pénale, qui organisent l'exécution des décisions de confiscation de biens prononcées par les juridictions d'un autre Etat membre de l'Union européenne, ne prévoient pas de dérogation à ce principe.
15. L'arrêt attaqué énonce que les débats se sont tenus en chambre du conseil et que l'arrêt a été rendu selon les mêmes modalités.
16. En statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé.
17. La cassation est par conséquent encourue.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens de cassation proposés, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 28 février 2023, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du treize mars deux mille vingt-quatre.