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04/10/2023 | FRANCE | N°22-12387

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 04 octobre 2023, 22-12387


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 4 octobre 2023

Rejet

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 985 F-B

Pourvoi n° U 22-12.387

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 OCTOBRE 2023

M. [H] [W], domicilié [Adresse 2], a formé le p

ourvoi n° U 22-12.387 contre l'arrêt rendu le 17 novembre 2021 par la cour d'appel de Versailles (17e Chambre), dans le litige l'opposant à la so...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 4 octobre 2023

Rejet

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 985 F-B

Pourvoi n° U 22-12.387

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 OCTOBRE 2023

M. [H] [W], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 22-12.387 contre l'arrêt rendu le 17 novembre 2021 par la cour d'appel de Versailles (17e Chambre), dans le litige l'opposant à la société L'Oréal, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de M. [W], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société L'Oréal, après débats en l'audience publique du 6 septembre 2023 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, Mme Bérard, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 17 novembre 2021), M. [W] a été engagé en qualité de juriste fiscaliste, coefficient 550, par la société L'Oréal (la société) le 1er janvier 1996, avec reprise d'ancienneté à compter du 14 novembre 1988, date du début de sa collaboration avec le cabinet [F].

2. Le salarié a sollicité, en 2009, la mise en place d'une médiation en vertu de l'article L. 1152-6 du code du travail et un accord de médiation a été signé le 5 mai 2010, aux termes duquel son coefficient est passé à 660.

3. Le 20 août 2010, le salarié a saisi la juridiction prud'homale aux fins de constater qu'il faisait l'objet, dans l'exécution de son contrat de travail, de harcèlement moral et de « discrimination salariale » et d'obtenir la condamnation de la société à lui verser diverses sommes.

4. Convoqué le 18 février 2011 à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, le salarié a été licencié le 11 mars 2011 pour cause réelle et sérieuse.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes tendant à l'annulation de son licenciement, à sa réintégration dans l'entreprise, à des dommages-intérêts à ce titre, à un rappel de salaire pour la période courant du 15 septembre 2011 à sa réintégration, à un rappel de participation et d'intéressement, à des dommages-intérêts pour surcoût fiscal et à l'attribution d'actions gratuites, alors :

« 1°/ que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis ; que la seule référence, dans la lettre de licenciement, à la dénonciation par le salarié de faits de harcèlement moral justifie l'annulation du licenciement ; qu'en l'espèce, après avoir constaté expressément "la mention dans la lettre de licenciement du fait que M. [W] envisageait de porter plainte pour harcèlement moral", la cour d'appel ne pouvait débouter M. [W] de ses demandes au titre de la nullité de son licenciement, ce au motif impropre que ladite mention "ne constitue pas un grief allégué par l'employeur mais un élément factuel" ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail ;

2°/ qu'est nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale constitutionnellement garantie, le licenciement intervenu en raison d'une action en justice introduite ou susceptible d'être introduite par le salarié à l'encontre de son employeur ; que la seule référence dans la lettre de rupture à une procédure contentieuse engagée ou susceptible d'être engagée est constitutive d'une atteinte à la liberté fondamentale d'ester en justice et entraîne l'annulation du licenciement ; qu'en l'espèce, ayant elle-même constaté "la mention dans la lettre de licenciement du fait que M. [W] envisageait de porter plainte pour harcèlement moral", la cour d'appel ne pouvait débouter M. [W] de ses demandes au titre de la nullité de son licenciement, ce au motif impropre que cette mention "ne constitue pas un grief allégué par l'employeur mais un élément factuel", car en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article L. 1121-1 du code du travail, l'alinéa 1 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789. »

Réponse de la Cour

6. Après avoir constaté que la lettre de licenciement, à titre liminaire, rappelait que, si le salarié s'était plaint d'un harcèlement moral de la part de son supérieur hiérarchique direct, l'employeur avait pris les mesures propres à cet égard en proposant au salarié, un an avant le licenciement, une mutation dans un autre service, mutation acceptée par le salarié, avec une augmentation salariale, la cour d'appel qui en a déduit qu'ainsi la lettre de licenciement se contentait de rappeler, avant l'énoncé des griefs, des éléments de contexte, n'encourt pas les griefs du moyen.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

7. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande tendant au bénéfice du régime de retraite « comité de conjoncture » et, à titre subsidiaire, celui « garantie de ressources des retraités anciens cadres dirigeants » à prestations définies instauré par L'Oréal, alors :

« 1°/ que l'inégalité de traitement entre salariés de la même entreprise doit nécessairement être justifiée par des raisons objectives dont le juge saisi contrôle concrètement la réalité et la pertinence ; qu'en se bornant à affirmer, pour rejeter les demandes de M. [W] tenant à la reconnaissance d'une rupture d'égalité dans le bénéfice des régimes de retraite complémentaires, que la société L'Oréal "établit suffisamment que les régimes litigieux concernaient des catégories de salariés objectivement désignés dont la situation justifiait des avantages dérogatoires", sans caractériser concrètement les raisons objectives et pertinentes à l'origine de la différence de traitement entre les bénéficiaires de ces régimes et les autres salariés de l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe d'égalité de traitement ;

2°/ que les parties sont tenues d'apporter leur concours aux mesures d'instruction ordonnées par le juge, sauf à ce dernier à tirer les conséquences d'une abstention ou d'un refus en faisant droit à la demande de la partie adverse ; qu'en l'espèce, une ordonnance du conseiller de la mise en état du 18 mai 2020 a fait injonction à la société l'Oréal de produire la liste des membres du comité de conjoncture avec leur fonction et rémunération, la liste des noms des membres bénéficiant de la retraite des cadres dirigeants de la société avec leur fonction et rémunération et les copies des délégations de pouvoir accordées à ces cadres ; qu'en s'abstenant de tirer les conséquences du refus de la société employeur de produire l'ensemble des pièces demandées sur le bien-fondé des demandes de M. [W], la cour d'appel a violé l'article 11 du code de procédure civile ;

3°/ que pour juger que le salarié ne pouvait bénéficier du régime de retraite réservé aux membres du comité de conjoncture de l'Oréal, la cour d'appel a considéré qu'il ne remplissait pas la condition d'ancienneté minimum de 10 ans au 31 décembre 2000, date de fermeture du régime ; qu'en statuant ainsi, quand elle constatait pourtant expressément que M. [W] avait été embauché le 1er janvier 1996 avec reprise d'ancienneté en 1988, ce dont il se déduisait qu'il avait bien une ancienneté de 10 ans minimum à la date du 31 décembre 2000, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et a violé en conséquence le principe d'égalité de traitement ;

4°/ que sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement ; que la qualité de cadre dirigeant implique de participer à la direction de l'entreprise et de disposer d'une délégation de pouvoirs en ce sens ; qu'en déboutant en l'espèce M. [W] de ses demandes fondées sur la violation par l'employeur du principe d'égalité, sans rechercher, ni vérifier, ni constater, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si les salariés éligibles au régime de retraite complémentaire réservé aux cadres dirigeants pouvaient être tous considérés comme tels et s'ils disposaient d'une délégation de pouvoirs démontrant qu'ils participaient à la direction de l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe d'égalité de traitement, ensemble l'article L. 3111-2 du code du travail. »

Réponse de la Cour

8. Selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation (Soc., 13 mars 2013, pourvoi n° 11-20.490, Bull. 2013, V, n° 70 ; Soc., 9 juillet 2014, pourvoi n° 13-12.121, Bull. 2014, V, n° 184), en raison des particularités des régimes de prévoyance couvrant les risques maladie, incapacité, invalidité, décès et retraite, qui reposent sur une évaluation des risques garantis, en fonction des spécificités de chaque catégorie professionnelle, prennent en compte un objectif de solidarité et requièrent dans leur mise en oeuvre la garantie d'un organisme extérieur à l'entreprise, l'égalité de traitement ne s'applique qu'entre les salariés relevant d'une même catégorie professionnelle.

9. La Cour de cassation a déjà jugé, pour l'application du principe d'égalité de traitement, que les cadres dirigeants relèvent d'une catégorie professionnelle distincte (Soc., 24 septembre 2014, pourvoi n° 13-15.074, Bull. 2014, V, n° 204).

10. La cour d'appel a constaté que le premier régime de retraite supplémentaire clos en 2010 était réservé aux 63 membres du comité de conjoncture, et le second clos en 2015 aux 262 cadres dirigeants du groupe L'Oréal et que le salarié n'avait été ni membre du comité de conjoncture ni cadre dirigeant.

11. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1, et 1015 du code de procédure civile, dont il résulte que le principe d'égalité de traitement n'était pas applicable, l'arrêt se trouve légalement justifié.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [W] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre octobre deux mille vingt-trois.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22-12387
Date de la décision : 04/10/2023
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Prévoyance collective - Couverture de prévoyance complémentaire - Prise en charge des frais médicaux - Principe d'égalité de traitement - Domaine d'application - Salariés relevant d'une même catégorie professionnelle - Détermination - Portée

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Prévoyance collective - Couverture de prévoyance complémentaire - Prise en charge des frais médicaux - Principe d'égalité de traitement - Domaine d'application - Salariés relevant d'une même catégorie professionnelle - Exclusion - Cas - Salarié n'étant ni cadre dirigeant ni membre du comité de conjoncture

Selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation (Soc., 13 mars 2013, pourvoi n° 11-20.490, Bull. 2013, V, n° 70 ; Soc., 9 juillet 2014, pourvoi n° 13-12.121, Bull. 2014, V, n° 184), en raison des particularités des régimes de prévoyance couvrant les risques maladie, incapacité, invalidité, décès et retraite, qui reposent sur une évaluation des risques garantis, en fonction des spécificités de chaque catégorie professionnelle, prennent en compte un objectif de solidarité et requièrent dans leur mise en oeuvre la garantie d'un organisme extérieur à l'entreprise, l'égalité de traitement ne s'applique qu'entre les salariés relevant d'une même catégorie professionnelle. Pour l'application du principe d'égalité de traitement, les cadres dirigeants relèvent d'une catégorie professionnelle distincte (Soc., 24 septembre 2014, pourvoi n° 13-15.074, Bull. 2014, V, n° 204). Il en résulte que se trouve légalement justifié l'arrêt d'une cour d'appel qui, constatant que le salarié n'était ni cadre dirigeant, ni membre du comité de conjoncture, rejette sa demande de bénéfice des régimes de retraite supplémentaires prévus pour ces cadres dirigeants


Références :

Principe d'égalité de traitement.

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 17 novembre 2021

Sur l'application du principe d'égalité de traitement, en matière de régimes de prévoyance, aux seuls salariés relevant d'une même catégorie professionnelle, dans le même sens que : Soc., 9 juillet 2014, pourvoi n° 13-12121, Bull. 2014, V, n° 184 (cassation)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 04 oct. 2023, pourvoi n°22-12387, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Cabinet Munier-Apaire, SCP Célice, Texidor, Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:22.12387
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