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05/07/2023 | FRANCE | N°22-11041

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 05 juillet 2023, 22-11041


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

AF1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 5 juillet 2023

Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président

Arrêt n° 793 F-D

Pourvoi n° F 22-11.041

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 5 JUILLET 2023

Mme [H] [E], domiciliée

[Adresse 1], a formé le pourvoi n° F 22-11.041 contre l'arrêt rendu le 25 novembre 2021 par la cour d'appel d'Orléans (chambre sociale A, secti...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

AF1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 5 juillet 2023

Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président

Arrêt n° 793 F-D

Pourvoi n° F 22-11.041

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 5 JUILLET 2023

Mme [H] [E], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° F 22-11.041 contre l'arrêt rendu le 25 novembre 2021 par la cour d'appel d'Orléans (chambre sociale A, section 2), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [Y] [V], domicilié [Adresse 2], pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société Au Comptoir du linge,

2°/ à M. [Y] [V], domicilié [Adresse 2], pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société Valoria services,

3°/ à l'Unédic, délégation AGS CGEA d'[Localité 4], dont le siège est [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Deltort, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [E], après débats en l'audience publique du 7 juin 2023 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Deltort, conseiller rapporteur, M. Sornay, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 25 novembre 2021), Mme [E] a été engagée en qualité de chargée de clientèle par la société Valoria services suivant contrat de travail du 2 septembre 2013.

2. Le 7 janvier 2016, la société Au Comptoir du linge a acheté le fonds de commerce de la société Valoria services.

3. La salariée, dont le contrat de travail a été transféré à la société Au Comptoir du linge, a signé un nouveau contrat de travail en qualité de responsable ressources humaines et d'assistante du président le 1er avril 2016.

4. Le 8 juillet 2016, elle a été licenciée par la société Au Comptoir du linge.

5. La société Au comptoir du linge a été placée en redressement judiciaire par jugement du 27 juin 2017, un administrateur ayant été désigné, et la société Valoria Services a été placée sous sauvegarde par jugement du 12 juillet 2017.

6. Le 18 septembre 2017, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de demandes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail à l'encontre des deux sociétés.

7. Les sociétés Au comptoir du Linge et Valoria services ont été placées en liquidation judiciaire par jugements des 19 décembre 2017 et 20 avril 2018, M. [V] ayant été désigné en qualité de liquidateur.

8. L'Unédic, délégation AGS CGEA d'[Localité 4], a été appelée en la cause.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

9. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande d'inscription au passif de la liquidation judiciaire d'une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que le juge ne peut modifier les termes du litige tels qu'ils résultent des conclusions respectives des parties ; qu'en l'espèce, pour débouter Mme [E] de sa demande de réévaluation de l'indemnisation servie au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a retenu que l'augmentation des dommages-intérêts alloués au titre du licenciement abusif n'était pas reprise dans le dispositif de ses conclusions ; qu'en statuant ainsi quand Mme [E] sollicitait dans le dispositif de ses écritures l'infirmation des motifs du jugement afférents à l'indemnisation de l'absence de cause réelle et sérieuse ainsi que l'inscription au passif de la somme de 28 891,86 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel, qui a modifié les termes du litige, a violé l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la cour

Vu l'article 4 du code de procédure civile :

10. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

11. Pour confirmer le jugement ayant fixé la créance de la salariée à une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que dans le dispositif de ses conclusions, la salariée s'est abstenue de conclure expressément à la réformation ou à l'annulation de ce chef du dispositif du jugement déféré de sorte que la cour d'appel n'est pas saisie de la demande d'augmentation de cette créance.

12. En statuant ainsi, alors que dans le dispositif de ses conclusions, la salariée demandait l'infirmation du jugement du chef du salaire de référence et l'augmentation en conséquence de la créance de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel, qui a méconnu les termes du litige, a violé le texte susvisé.

Et sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

13. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en paiement de rappel d'heures supplémentaires, outre congés payés afférents, et de dommages-intérêts au titre de la violation de la contrepartie obligatoire en repos, alors « qu'en vertu de l'article L. 3171-4 du code du travail, le salarié doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; que le salarié est tenu de fournir des éléments suffisamment précis et concrets, auxquels l'employeur pourra répondre, la charge de preuve des heures supplémentaires ne pesant pas sur le salarié ; qu'en l'espèce, en jugeant que Mme [E] ne rapportait pas une preuve fiable de la matérialité des heures supplémentaires, après avoir pourtant constaté qu'elle ''produisait des éléments suffisamment précis quant aux heures de travail non rémunérées'', la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a fait peser la charge de la preuve des heures supplémentaires sur la salariée, en violation de l'article L. 3171-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3173-4 du code du travail :

14. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

15. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

16. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

17. Pour rejeter la demande de la salariée en paiement d'un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, l'arrêt retient qu'elle produit des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'elle prétend avoir accomplies, à savoir un tableau récapitulant chaque semaine le nombre d'heures supplémentaires qui auraient été effectuées et des feuilles de présence où elle a précisé ses heures de travail. Il relève également que l'allégation de la salariée qui aurait accompli près de 70 heures supplémentaires par mois entre le 1er janvier 2014 et le 7 juin 2016 n'est pas sérieuse et que les feuilles de présence produites sont signées de la seule salariée alors qu'il résulte de la lettre de licenciement qu'il lui est justement reproché d'avoir laissé les salariés de l'entreprise renseigner sans aucun contrôle des feuilles de présence qui ne permettent pas d'établir un décompte sincère des heures supplémentaires. Il en conclut que les deux pièces produites par l'intéressée ne sont pas fiables.

18. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il ordonne l'inscription de la somme de 19 597,56 euros au titre de la créance de Mme [E] pour licenciement abusif au passif de la liquidation judiciaire de la société Au Comptoir du linge et rejette la demande d'inscription des créances de Mme [E] à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires et congés payés afférents et de dommages-intérêts pour violation de la contrepartie obligatoire en repos au passif de la liquidation judiciaire des sociétés Au Comptoir du linge et Valoria services et la demande formée par Mme [E] au titre de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de l'Unédic, délégation AGS CGEA d'[Localité 4], l'arrêt rendu le 25 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;

Condamne M. [V], en sa qualité de liquidateur judiciaire des sociétés Au comptoir du linge et Valoria services et l'Unédic, délégation AGS CGEA d'[Localité 4] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [V], ès qualités, et l'Unédic, délégation AGS CGEA d'[Localité 4], à payer à Mme [E] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juillet deux mille vingt-trois.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22-11041
Date de la décision : 05/07/2023
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, 25 novembre 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 05 jui. 2023, pourvoi n°22-11041


Composition du Tribunal
Président : Mme Monge (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:22.11041
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