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27/06/2023 | FRANCE | N°C2300740

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 27 juin 2023, C2300740


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :


N° P 22-83.406 FS-B


N° 00740




ODVS
27 JUIN 2023




CASSATION PARTIELLE SANS RENVOI




M. BONNAL président,














R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________




AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 27 JUIN 2023




Mme [

F] [E] et le rectorat de l'académie de [Localité 1], civilement responsable, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux, chambre correctionnelle, en date du 3 mai 2022, qui, pour homicide involo...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° P 22-83.406 FS-B

N° 00740

ODVS
27 JUIN 2023

CASSATION PARTIELLE SANS RENVOI

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 27 JUIN 2023

Mme [F] [E] et le rectorat de l'académie de [Localité 1], civilement responsable, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux, chambre correctionnelle, en date du 3 mai 2022, qui, pour homicide involontaire, a condamné la première à quatre mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.

Sur le rapport de M. Rouvière, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de Mme [F] [E] et du rectorat de l'académie de [Localité 1], les observations de Me Balat, avocat de Mme [X] [T] et M. [Y] [T], tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de [P] [T], Mme [M] [T] et M. [R] [T], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 mai 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Rouvière, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, M. Samuel, Mme Goanvic, MM. Sottet, Coirre, Mme Hairon, conseillers de la chambre, MM. Joly, Leblanc, Charmoillaux, conseillers référendaires, et M. Aldebert, avocat général, Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Le 8 janvier 2015, [S] [C], élève de la classe de Mme [F] [E], a poussé par la fenêtre la jeune [K] [T], provoquant son décès.

3. Mme [E] a été renvoyée devant le tribunal correctionnel du chef d'homicide involontaire.

4. Les juges du premier degré l'ont relaxée et ont déclaré irrecevable la constitution de partie civile des parents, frère et soeurs de [K] [T].

5. Le procureur de la République et les consorts [T] ont relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur les premier et deuxième moyens

6. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le quatrième moyen

Enoncé du moyen

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté les exceptions d'irrecevabilité et d'incompétence soulevées par le rectorat d'académie de [Localité 1], déclaré recevables les constitutions de parties civiles des consorts [T] contre l'Etat français, déclaré l'Etat français responsable des dommages causés aux consorts [T] et condamné l'Etat français, représenté par le rectorat d'académie de [Localité 1] au paiement de diverses sommes, alors « que l'action indemnitaire dirigée contre les membres de l'enseignement public en vertu de l'article L. 911-4 du Code de l'éducation se prescrit par trois ans à partir du jour de la commission du fait dommageable ; qu'au cas d'espèce le Rectorat d'Académie de [Localité 1] faisait valoir que les demandes présentées à son encontre étaient prescrites faute pour lui (et même pour le Préfet) d'avoir été cité dans les trois ans suivant l'accident pour lequel la responsabilité de Madame [J] était recherchée ; qu'en affirmant, pour écarter cette fin de non-recevoir et faire droit aux demandes indemnitaires des parties civiles à l'encontre du Rectorat, que « l'action civile qui a été exercée devant la juridiction répressive par les consorts [T] se prescrit selon les règles de l'action publique, de sorte que la prescription a été interrompue par les actes d'enquête et d'instruction réalisés à compter du 8 janvier 2015 et jusqu'au 2 août 2018 puis par les citations à comparaître délivrées au civilement responsable les 29 novembre 2019 et 16 mars 2022 » ; quand la prescription de l'action civile ne pouvait résulter que de la citation régulière du civilement responsable devant la juridiction de jugement, la Cour d'appel a violé les articles L. 911-4 du Code de l'éducation, 591 et 593 du Code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

8. Pour déclarer recevables les constitutions de partie civile des consorts [T], l'arrêt attaqué énonce que l'action civile, qui a été exercée devant la juridiction répressive, se prescrit selon les règles de l'action publique.

9. Les juges ajoutent que la prescription a été interrompue par les actes d'enquête et d'instruction réalisés du 8 janvier 2015 au 2 août 2018 puis par la citation à comparaître délivrée au civilement responsable le16 mars 2022.

10. En l'état de ces seules énonciations, et dès lors que tout acte de poursuite et d'instruction accompli dans le délai de prescription de l'action publique interrompt la prescription de l'action civile exercée devant la juridiction répressive, non seulement à l'encontre de tous les participants à l'infraction mais encore à l'égard de l'Etat, civilement responsable des faits dommageables commis par les enseignants à raison de leurs fonctions, la cour d'appel a fait l'exacte application des textes visés au moyen.

11. Ainsi, le moyen doit être écarté.

Mais sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

12. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté les exceptions d'irrecevabilité et d'incompétence soulevées par le rectorat d'académie de [Localité 1], déclaré recevables les constitutions de parties civiles des consorts [T] contre l'Etat français, déclaré l'Etat français responsable des dommages causés aux consorts [T] et condamné l'Etat français, représenté par le rectorat d'académie de [Localité 1] au paiement de diverses sommes, alors « que l'action civile ne peut être exercée pour la première fois en cause d'appel contre une partie qui n'était pas présente en première instance ; qu'au cas d'espèce, le Rectorat d'Académie de [Localité 1] faisait valoir que la demande présentée par les parties civiles à son encontre pour la première fois en appel et alors qu'il n'avait pas été cité en première instance étaient irrecevables ; qu'en affirmant, pour dire néanmoins cette demande recevable et y faire droit, que « l'Etat français, civilement responsable mis en cause par les parties civiles, était partie en première instance », quand il lui appartenait de rechercher si le Recteur d'Académie, seul contre qui l'action en responsabilité pouvait être engagée en application de l'article L. 911-4 du Code de l'éducation, avait été cité en première instance, à défaut de quoi aucune demande ne pouvait être présentée à son encontre pour la première fois en appel, la Chambre de l'instruction a violé les articles 3 du Code de procédure pénale, ensemble L. 911-4 du Code de l'éducation. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 911-4 du code de l'éducation, 3 et 515 du code de procédure pénale :

13. Selon le premier de ces textes, l'action en responsabilité exercée par la victime d'un fait dommageable commis par un enseignant à raison de ses fonctions, par les parents ou les ayants droit de cette victime, intentée contre l'Etat, responsable du dommage, est portée devant le tribunal judiciaire et dirigée contre l'autorité académique compétente.

14. Il résulte des deux derniers qu'en vertu de la règle d'ordre public du double degré de juridiction, une partie ne peut intervenir pour la première fois en cause d'appel.

15. Pour accueillir l'action civile dirigée, devant la cour d'appel, par les consorts [T] contre le rectorat de l'académie de [Localité 1], l'arrêt attaqué retient que l'Etat français, civilement responsable, était partie en première instance.

16. En statuant ainsi, alors que, devant le tribunal correctionnel, les parties civiles avaient dirigé leur action contre le préfet, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.

17. La cassation est par conséquent encourue.

Portée et conséquences de la cassation

18. La cassation, limitée à l'action civile, aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 3 mai 2022, mais en ses seules dispositions civiles, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

DIT irrecevable l'action civile dirigée par les consorts [T] contre le rectorat de l'académie de [Localité 1] ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Bordeaux, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept juin deux mille vingt-trois.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : C2300740
Date de la décision : 27/06/2023
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi

Analyses

ACTION CIVILE - Membre de l'enseignement public coupable d'infraction sur ses élèves - Responsabilité civile de l'Etat substituée à celle de l'enseignant - Action dirigée contre l'autorité académique compétente - Nécessité

Selon l'article L. 911-4 du code de l'éducation, l'action en responsabilité de l'Etat exercée par la victime d'un fait dommageable commis par un enseignant à raison de ses fonctions est portée devant le tribunal judiciaire et dirigée contre l'autorité académique compétente. En vertu de la règle d'ordre public du double degré de juridiction, la partie civile qui, en première instance, a dirigé son action contre le préfet n'est pas recevable à agir, devant la cour d'appel, contre l'autorité académique


Références :

Article L. 911-4 code de l'éducation

articles 3 et 515 du code de procédure pénale.
Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 03 mai 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 27 jui. 2023, pourvoi n°C2300740


Composition du Tribunal
Président : M. Bonnal
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, Me Balat

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:C2300740
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