LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 21 juin 2023
Cassation partielle
Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 730 F-D
Pourvoi n° T 21-21.352
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 21 JUIN 2023
M. [R] [H], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 21-21.352 contre l'arrêt rendu le 17 juin 2021 par la cour d'appel d'Orléans (chambre sociale, A, section 2), dans le litige l'opposant à la société Merck chimie, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Sornay, conseiller, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. [H], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Merck chimie, après débats en l'audience publique du 24 mai 2023 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Sornay, conseiller rapporteur, Mme Deltort, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans , 17 juin 2021), M. [H] a été engagé en qualité de "manager Estapor" le 1er mai 1996 par la société Merck chimie. Au dernier état de la relation de travail, il occupait les fonctions de "directeur biosciences / Estapor".
2. Licencié le 18 novembre 2015, il a saisi la juridiction prud'homale le 26 février 2016 de diverses demandes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le second moyen
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes au titre des heures supplémentaires et du travail dissimulé, alors « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'en reprochant au salarié de ne produire aucun décompte journalier comportant ses heures d'arrivée et de départ, ni aucune attestation pouvant préciser les heures effectuées semaine par semaine, quand il résultait de ses constatations l'exposé par le salarié d'un décompte précis auquel l'employeur pouvait répondre, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :
5. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
6. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
7. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
8. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires, l'arrêt énonce, d'abord, que le salarié considère qu'en réalité il réalisait onze à douze heures de travail par jour et indique qu'il lui arrivait de travailler les week-ends selon un horaire moyen de 56 heures par semaine, soit 8 heures supplémentaires au taux de 25 % et 14,5 heures au taux de 50 %.
9. Il retient, ensuite, qu'il n'est cependant aucunement produit de décompte journalier comportant les heures d'arrivée et de départ du salarié, ou d'attestations pouvant préciser la réalisation des horaires qu'il prétend avoir effectués, repris semaine par semaine, de telle sorte que l'employeur est dans l'incapacité de répondre et de vérifier les heures déclarées, les temps de travail ou les temps de repos, d'autant qu'en sa qualité de cadre, l'intéressé était libre de la gestion de son emploi du temps.
10. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le salarié produisait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [H] de sa demande en paiement d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires, outre congés payés afférents, et d'une indemnité pour travail dissimulé et en ce qu'il dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens et les déboute de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 17 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;
Condamne la société Merck chimie aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Merck chimie et la condamne à payer à M. [H] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un juin deux mille vingt-trois.