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19/04/2023 | FRANCE | N°22-83355

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 19 avril 2023, 22-83355


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° G 22-83.355 F-B

N° 00513

RB5
19 AVRIL 2023

REJET

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 19 AVRIL 2023

M. [I] [L] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Riom, chambre correctionnelle, en date du 18 mai 2022, qui, pour complicité d'escroquerie aggravée,

l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis, 2 000 euros d'amende, deux ans d'inéligibilité, et a prononcé sur les i...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° G 22-83.355 F-B

N° 00513

RB5
19 AVRIL 2023

REJET

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 19 AVRIL 2023

M. [I] [L] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Riom, chambre correctionnelle, en date du 18 mai 2022, qui, pour complicité d'escroquerie aggravée, l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis, 2 000 euros d'amende, deux ans d'inéligibilité, et a prononcé sur les intérêts civils.

Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.

Sur le rapport de M. Gillis, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. [I] [L], les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme, et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 22 mars 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Gillis, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. La caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme (la CPAM) a porté plainte, dénonçant des prestations indûment perçues par un de ses assurés, M. [D] [M], grâce à des arrêts de travail frauduleux établis par M. [I] [L].

3. Par un jugement du 10 février 2022, le tribunal correctionnel a condamné M. [L] pour complicité d'escroquerie aggravée à six mois d'emprisonnement assorti du sursis, à une amende de 8 000 euros et à cinq ans d'inéligibilité et a prononcé sur les intérêts civils.

4. M. [L], le ministère public et la CPAM ont relevé appel de ce jugement.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et quatrième branches, le deuxième moyen, pris en sa première branche et le troisième moyen

5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches

Enoncé du moyen

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [L] coupable de complicité d'escroquerie au préjudice de la CPAM du Puy-de-Dôme et l'a condamné à six mois d'emprisonnement assorti du sursis, une amende de 2 000 euros, une inégibilité de deux ans assortie de l'exécution provisoire et a prononcé sur les intérêts civils, alors :

« 1°/ que le délit d'escroquerie suppose l'utilisation de manoeuvres frauduleuses déterminantes de la remise de fonds ; que, pour déclarer M. [L] complice d'une escroquerie commise par M. [M], la cour d'appel a retenu que les certificats médicaux étaient de complaisance, ayant été établis sans examen du patient, contrairement aux règles déontologiques ; que M. [L] avait fait valoir que l'absence d'examen physique n'impliquait pas que les certificats médicaux auraient été de complaisance et non médicalement justifiés s'agissant d'un patient présentant une cervicalgie invalidante constatée médicalement et ayant fait l'objet d'un acte chirurgical en mars 2018 ; qu'en se bornant à relever l'absence d'examen pour en déduire l'existence de certificats de complaisance, la cour d'appel a statué par des motifs insuffisants à justifier sa décision au regard des articles 121-7, 313-1, 313-2 du code pénal, 591, 593 du code de procédure pénale ;
3°/ que, en toute hypothèse, la complicité d'escroquerie suppose que le prévenu a agi sciemment en vue de la commission du délit ; que la cour d'appel ne pouvait déclarer M. [L] complice de l'escroquerie ayant consisté pour M. [M] à s'être fait verser des indemnités journalières, sans rechercher si M. [L] avait conscience que les arrêts de travail n'étaient pas justifiés par l'état de santé de son patient ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'intention frauduleuse qui aurait animé M. [L] et n'a ainsi pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 121-7, 313-1, 313-2 du code pénal, 591, 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

7. Pour déclarer M. [L] coupable de complicité d'escroquerie aggravée, l'arrêt attaqué relève notamment que l'escroquerie commise par M. [M] au détriment de la CPAM n'a pu être réalisée que par la production à cet organisme des arrêts de travail établis par M. [L], médecin, lequel en aurait délivré cinquante-six, d'une durée d'un mois, entre avril 2014 et mars 2019.

8. Les juges relèvent également que M. [L] a reconnu avoir prescrit des arrêts sans examen du patient et que certains des arrêts ont été prescrits alors que le patient se trouvait à l'étranger.

9. Ils ajoutent que M. [L] ne suivait pas médicalement M. [M] et ne faisait que lui prescrire des arrêts de travail, M. [M] étant pour le reste suivi par d'autres médecins. Ils relèvent aussi que M. [L] a délivré des duplicatas d'arrêts de travail inexistants, dans le seul but de rendre service à M. [M] dans ses rapports avec la CPAM et qu'il a estimé que l'état de santé de M. [M] lui permettait de l'employer en novembre et décembre 2018 tout en lui délivrant en février et mars 2019 de nouveaux arrêts de travail de rechute d'un accident de travail.

10. Ils en concluent que M. [L] a sciemment établi des arrêts de travail sans aucun fondement médical, dans le seul but de permettre à M. [M] de percevoir de la CPAM des indemnités.

11. En l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision et a fait l'exacte application des textes visés au moyen pour les motifs qui suivent.

12. En premier lieu, la cour d'appel ne s'est pas fondée uniquement sur le fait que M. [L] n'avait pas examiné M. [M] avant de lui délivrer des arrêts de travail pour en déduire souverainement que ceux-ci étaient de complaisance et sans fondement médical, mais elle s'est fondée sur une pluralité d'éléments matériels, notamment le fait que M. [L] n'était pas le médecin qui suivait médicalement M. [M], qu'il lui avait délivré des duplicatas de certificats d'arrêt de travail inexistants et qu'il l'avait employé tout en lui délivrant peu après cette période d'emploi des arrêts de travail liés à la rechute d'un ancien accident de travail.

13. En second lieu, le fait que la situation médicale de M. [M] justifiait, éventuellement, un arrêt de travail, est en tout état de cause indifférent dès lors que la cour d'appel a retenu que M. [L] avait sciemment établi les arrêts litigieux sans avoir constaté les éléments médicaux qui y étaient décrits.

14. Dès lors, le moyen n'est pas fondé.

Sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

15. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [L] à six mois d'emprisonnement assorti du sursis, à une amende de 2 000 euros et à une inégibilité de deux ans assortie de l'exécution provisoire, alors :

« 2°/ qu'en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de son auteur et de sa situation personnelle ; que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'en se bornant à ordonner une peine complémentaire d'inéligibilité assortie de l'exécution provisoire sans motiver spécialement sa décision sur la peine complémentaire et sur le prononcé de l'exécution provisoire, disposition dérogeant au principe de l'effet suspensif des voies de recours, la cour d'appel a méconnu les articles 132-1 du code pénal et 485, 512 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

16. Pour condamner M. [L] à six mois d'emprisonnement avec sursis, l'arrêt attaqué retient notamment que les faits reprochés, commis entre le 1er avril 2014 et le 4 novembre 2019, présentent une gravité certaine car ils ont été commis au détriment d'un organisme de protection sociale, par un médecin expérimenté, exerçant un mandat de député, aux seules fins de permettre à un proche de percevoir illégalement des revenus issus de la solidarité, et ce durant plusieurs années. Les juges retiennent également l'absence d'introspection du prévenu et sa volonté de se présenter à nouveau devant les électeurs. Ils ajoutent que M. [L] n'a pas d'antécédents judiciaires, perçoit environ 8 000 euros par mois, est inséré socialement et a indemnisé en grande partie les parties civiles.

17. Pour condamner M. [L] à une peine d'inéligibilité, dont ils relèvent qu'elle est obligatoire, de deux ans, les juges retiennent « les mêmes éléments ». Ils ajoutent que l'effectivité et le sens de la peine justifient le prononcé de l'exécution provisoire.

18. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision pour les motifs qui suivent.

19. En premier lieu, il résulte de l'article 485-1 du code de procédure pénale que les juges n'ont pas à motiver le choix de la peine, au regard des dispositions des articles 132-1 et 132-20 du code pénal, lorsque celle-ci est obligatoire, ce qui est le cas de la peine d'inéligibilité depuis la loi n° 2017-1339 du 15 septembre 2017.

20. En second lieu, ni l'article 485-1 du code de procédure pénale ni aucune autre disposition législative ne prévoient l'obligation pour les juges de motiver le choix d'assortir une peine d'inéligibilité de l'exécution provisoire.

21. Ainsi, le moyen doit être écarté.

22. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

FIXE à 2 500 euros la somme que M. [L] devra payer à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf avril deux mille vingt-trois.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 22-83355
Date de la décision : 19/04/2023
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

PEINES - Peines complémentaires - Peine d'inéligibilité - Exécution provisoire - Motivation - Nécessité (non)

Ni l'article 485-1 du code de procédure pénale, ni aucune autre disposition législative ne prévoient l'obligation pour les juges de motiver le choix d'assortir une peine d'inéligibilité de l'exécution provisoire


Références :

Article 485-1 du code de procédure pénale

articles 132-1 et 132-20 du code pénal.

Décision attaquée : Cour d'appel de Riom, 18 mai 2022

Sur l'obligation de motivation d'une modalité d'exécution d'une peine, à rapprocher :Crim., 20 octobre 2021, pourvoi n° 20-87088, Bull. crim. (rejet)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 19 avr. 2023, pourvoi n°22-83355, Bull. crim.
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Composition du Tribunal
Président : M. Bonnal
Avocat(s) : SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, SCP Foussard et Froger

Origine de la décision
Date de l'import : 27/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:22.83355
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