LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 19 avril 2023
Cassation partielle
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 302 F-D
Pourvoi n° B 20-19.401
Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme [R].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 19 mars 2021.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 19 AVRIL 2023
La société Distribution Casino France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° B 20-19.401 contre l'arrêt rendu le 25 juin 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-2), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [T] [R], domiciliée [Adresse 3],
2°/ à M. [X] [J], domicilié [Adresse 2], pris en qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de Mme [T] [R],
3°/ à la procureure générale près la cour d'appel d'Aix-en-Provence, domiciliée en son Parquet général, cour d'appel, 20 place de Verdun, 13616 Aix-en-Provence cedex,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Vallansan, conseiller, les observations de la SCP Richard, avocat de la société Distribution Casino France, de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de Mme [R], et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 7 mars 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Vallansan, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 25 juin 2020), la société Distribution Casino France (la société Casino), qui avait signé un contrat d'approvisionnement avec Mme [R], radiée du registre du commerce et des sociétés le 16 janvier 2017, a, le 20 avril suivant, assigné cette dernière en liquidation judiciaire en se prévalant d'une créance au titre de factures, avoirs et redevances impayés.
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
2. La société Casino fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors « que se trouve en état de cessation des paiements, le débiteur qui est dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible ; qu'une créance contestée par le débiteur ne doit pas être prise en compte pour déterminer son passif exigible, qu'à la condition que la contestation soit sérieuse et non dilatoire, ce qu'il appartient au tribunal de la procédure collective d'apprécier ; qu'en se bornant à énoncer, pour décider que la cessation des paiements de Mme [R] n'était pas établie, que la créance dont se prévalait la société Casino à son encontre reposait exclusivement sur un contrat dont Mme [R] contestait la validité et les conditions d'exécution selon des moyens qui n'apparaissaient pas dilatoires, sans indiquer en quoi les contestations de Mme [R] auraient été suffisamment sérieuses pour permettre de considérer que la créance de la société Casino était litigieuse et ne pouvait être prise en compte pour caractériser la cessation des paiements, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 631-1 et L. 640-1 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 631-1, L. 640-1 et L. 640-5 du code de commerce :
3. Il résulte de la combinaison de ces textes qu'un créancier peut assigner son débiteur en redressement ou liquidation judiciaire lorsqu'il se prévaut d'une créance exigible non contestée par le débiteur, que ce dernier n'est pas en mesure de payer avec son actif disponible.
4. Pour rejeter la demande d'ouverture d'une liquidation judiciaire, l'arrêt, après avoir constaté que Mme [R] contestait la validité du contrat d'approvisionnement dont elle demandait l'annulation outre le paiement des dommages et intérêts pour des fautes que la société Casino aurait commises dans l'exécution du contrat, en déduit que la créance de cette dernière, qui ne fait pas l'objet d'un titre exécutoire, est litigieuse et que l'état de cessation des paiements de Mme [R] n'est pas caractérisé.
5. En se déterminant ainsi, sans constater ni que Mme [R] contestait devoir à la société Casino la créance résultant des factures invoquées et produites aux débats ni qu'elle prétendait être en mesure de la payer mais s'y refusait, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il « décline sa compétence » pour statuer sur les demandes principales et subsidiaires présentées par Mme [R], l'arrêt rendu le 25 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;
Condamne Mme [R] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf avril deux mille vingt-trois.