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13/04/2023 | FRANCE | N°21-23163

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 13 avril 2023, 21-23163


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

FD

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 13 avril 2023

Rejet

Mme MARTINEL, conseiller doyen faisant
fonction de président

Arrêt n° 400 F-B

Pourvoi n° M 21-23.163

Aide juridictionnelle totale en demande
pour M. [I].
Admission au bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 19 juillet 2021.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________
r>AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 AVRIL 2023

M. [X] [I], domi...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

FD

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 13 avril 2023

Rejet

Mme MARTINEL, conseiller doyen faisant
fonction de président

Arrêt n° 400 F-B

Pourvoi n° M 21-23.163

Aide juridictionnelle totale en demande
pour M. [I].
Admission au bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 19 juillet 2021.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 AVRIL 2023

M. [X] [I], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° M 21-23.163 contre l'arrêt rendu le 19 juin 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 1), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Lancry protection sécurité, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à la société AG2R prévoyance, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société AG2R Réunica prévoyance,

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bohnert, conseiller référendaire, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. [I], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Lancry protection sécurité, de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société AG2R prévoyance, venant aux droits de la société AG2R Réunica prévoyance, et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 mars 2023 où étaient présentes Mme Martinel, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bohnert, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 juin 2020), M. [I] a relevé appel, le 14 novembre 2018, du jugement d'un conseil de prud'hommes ayant statué dans le litige l'opposant à la société Lancry protection sécurité et à l'organisme AG2R Réunica prévoyance, aux droits de laquelle vient la société AG2R prévoyance, après avoir sollicité, le 8 octobre 2018, le bénéfice de l'aide juridictionnelle, qui lui a été accordée le 26 décembre 2018.

2. Il a déféré à la cour d'appel l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant prononcé la caducité de sa déclaration d'appel en application de l'article 908 du code de procédure civile, à défaut pour lui d'avoir signifié ses conclusions dans le délai de trois mois de la déclaration d'appel.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche,

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

4. M. [I] fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance déférée ayant prononcé la caducité de sa déclaration d'appel, alors :

« 1°/ Que si le droit d'accès à un tribunal n'est pas absolu et se prête à des limitations implicitement admises, les limitations appliquées ne doivent pas restreindre l'accès ouvert au justiciable d'une manière ou à un point tels que le droit s'en trouve atteint dans sa substance même ; que les règles procédurales, telles que les délais régissant le dépôt des documents ou l'introduction de recours, ou l'application qui en est faite ne doivent pas empêcher le justiciable d'utiliser une voie de recours disponible ; que l'absence d'effet interruptif ou suspensif de la demande d'aide juridictionnelle régulièrement introduite avant qu'un appel a été formé, porte une atteinte disproportionnée au droit d'accès à un tribunal ; qu'en déclarant caduc l'appel formé le 18 novembre 2018 par M. [I] contre un jugement rendu le 28 mai 2018, après avoir relevé que l'intéressé avait formé sa demande d'aide juridictionnelle le 8 octobre 2018, qu'il avait obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle le 26 décembre 2018 et qu'il avait notifié ses conclusions d'appelant le 1er mars 2019, la cour d'appel a violé l'article 6, §1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ Que constitue une atteinte au principe de l'égalité des armes résultant du droit au procès équitable garanti par l'article 6, §1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le fait que chaque partie ne se voie pas offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire ; qu'en retenant en l'espèce que « si le décret du 6 mai 2017 a rétabli l'effet interruptif s'agissant des délais pour conclure impartis à l'intimé, cela ne concerne pas les délais de l'appelant pour conclure », la cour d'appel a violé l'article 6, § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

5. La société Lancry protection sécurité soutient que le moyen, nouveau et mélangé de fait, n'est pas recevable.

6. Cependant, le moyen est de pur droit dès lors qu'il ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond.

7. Le moyen est, dès lors, recevable.

Bien fondé du moyen

8. Il résulte de l'article 38 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, qui a rétabli, pour partie, le dispositif prévu par l'article 38-1 du décret du 19 décembre 1991 abrogé par le décret n° 2016-1876 du 27 décembre 2016, que le point de départ d'un délai de recours est reporté, au profit de celui qui demande le bénéfice de l'aide juridictionnelle avant l'expiration de ce délai, au jour de la notification de la décision statuant définitivement sur cette demande ou, en cas d'admission, à la date, si elle est plus tardive, du jour de la désignation d'un auxiliaire de justice en vue d'assister ou de représenter le bénéficiaire de cette aide pour l'exercice de ce recours. Le point de départ des délais impartis pour conclure ou former appel incident est reporté de manière identique au profit des parties à une instance d'appel sollicitant le bénéfice de l'aide juridictionnelle au cours des délais mentionnés aux articles 905-2, 909 et 910 du code de procédure civile.

9. Ces règles, qui ne prévoient pas, au profit de l'appelant, un report du point de départ du délai pour remettre ses conclusions au greffe, en application de l'article 908 du code de procédure civile, poursuivent néanmoins un but légitime au sens de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en l'occurrence la célérité de la procédure et une bonne administration de la justice. Elles sont, en outre, accessibles et prévisibles, et ne portent par une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge d'appel, un rapport raisonnable de proportionnalité existant entre les moyens employés et le but visé.

10. En effet, en se conformant à l'article 38 du décret, la partie qui entend former un appel avec le bénéfice de l'aide juridictionnelle est mise en mesure, de manière effective, par la désignation d'un avocat et d'autres auxiliaires de justice, d'accomplir l'ensemble des actes de la procédure.

11. Ce dispositif, dénué d'ambiguïté pour un avocat, permet de garantir un accès effectif au juge d'appel au profit de toute personne dont la situation pécuniaire la rend éligible au bénéfice d'une aide juridictionnelle au jour où elle entend former un appel.

12. Il ne place pas non plus l'appelant dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire dès lors qu'il bénéficie, lorsqu'il forme sa demande d'aide juridictionnelle avant de faire appel, du même report du point de départ de son délai de recours que celui dont bénéficient les intimés pour conclure ou former appel incident lorsqu'ils sollicitent le bénéfice de l'aide juridictionnelle.

13. La cour d'appel ayant constaté que le salarié n'avait pas notifié ses conclusions aux intimés dans le délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel, c'est dès lors, sans méconnaître le droit d'accès au juge d'appel ni le principe d'égalité des armes, qu'elle a prononcé la caducité de la déclaration d'appel.

14. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Condamne M. [I] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille vingt-trois.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 21-23163
Date de la décision : 13/04/2023
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

APPEL CIVIL - Procédure avec représentation obligatoire - Déclaration d'appel - Caducité - Cas - Défaut de notification des conclusions dans le délai imparti - Demande d'aide juridictionnelle déposée après la déclaration d'appel - Absence d'influence

AIDE JURIDICTIONNELLE - Procédure d'admission - Demande d'aide juridictionnelle - Effets - Demande d'aide juridictionnelle postérieure à l'acte d'appel - Interruption du délai pour conclure de l'appelant (non) CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Article 6, § 1 - Violation - Défaut - Cas - Déclaration d'appel - Caducité - Absence du délai d'interruption de notification de conclusions par une demande d'aide juridictionnelle postérieure à ladite déclaration

Il résulte de l'article 38 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, que le point de départ d'un délai de recours est reporté, au profit de celui qui demande le bénéfice de l'aide juridictionnelle avant l'expiration de ce délai, au jour de la notification de la décision statuant définitivement sur cette demande ou, en cas d'admission, à la date, si elle est plus tardive, du jour de la désignation d'un auxiliaire de justice en vue d'assister ou de représenter le bénéficiaire de cette aide pour l'exercice de ce recours. Le point de départ des délais impartis pour conclure ou former appel incident est reporté de manière identique au profit des parties à une instance d'appel sollicitant le bénéfice de l'aide juridictionnelle au cours des délais mentionnés aux articles 905-2, 909 et 910 du code de procédure civile. Ces règles, qui ne prévoient pas, au profit de l'appelant, un report du point de départ du délai pour remettre ses conclusions au greffe, en application de l'article 908 du code de procédure civile, poursuivent néanmoins un but légitime au sens de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en l'occurrence la célérité de la procédure et une bonne administration de la justice. Elles ne placent pas non plus l'appelant dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire dès lors qu'il bénéficie, lorsqu'il forme sa demande d'aide juridictionnelle avant de faire appel, du même report du point de départ de son délai de recours que celui dont bénéficient les intimés pour conclure ou former appel incident lorsqu'ils sollicitent le bénéfice de l'aide juridictionnelle. C'est donc sans méconnaître le droit d'accès au juge d'appel ni le principe d'égalité des armes que la cour d'appel a prononcé la caducité de la déclaration d'appel faute pour l'appelant bénéficiaire de l'aide juridictionnelle d'avoir notifié ses conclusions aux intimés dans le délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel quand bien même le bénéfice de l'aide juridictionnelle, sollicité avant de relever appel, avait été accordé à l'appelant postérieurement


Références :

Article 38 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017

articles 905-2, 908, 909 et 910 du code de procédure civile.

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 19 juin 2020

2e Civ., 4 juin 2020, pourvoi n° 19-24598, Bull. (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 13 avr. 2023, pourvoi n°21-23163, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Martinel (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Alain Bénabent , SCP Célice, Texidor, Périer, SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre

Origine de la décision
Date de l'import : 06/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:21.23163
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