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04/06/2020 | FRANCE | N°19-24598

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 04 juin 2020, 19-24598


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 4 juin 2020

Rejet

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 534 F-P+B+I

Pourvoi n° 19-24.598

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 JUIN 2020

Mme S... Q..., épouse L..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° 19-2

4.598 contre l'arrêt rendu le 19 septembre 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 2-3), dans le litige l'opposant au procureur généra...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 4 juin 2020

Rejet

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 534 F-P+B+I

Pourvoi n° 19-24.598

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 JUIN 2020

Mme S... Q..., épouse L..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° 19-24.598 contre l'arrêt rendu le 19 septembre 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 2-3), dans le litige l'opposant au procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence, domicilié en son parquet général, Palais Montclar, rue Peyresc, 13100 Aix-en-Provence, défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lemoine, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme Q..., et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 mars 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Lemoine, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 19 septembre 2019), Mme Q... a relevé appel, le 29 novembre 2018, du jugement d'un tribunal de grande, puis sollicité, le 17 janvier 2019, le bénéfice de l'aide juridictionnelle, qui lui a été accordée le 13 février 2019.

2. Elle a déféré à la cour d'appel l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant prononcé la caducité de sa déclaration d'appel en application de l'article 905-1 du code de procédure civile, à défaut d'avoir signifié la déclaration d'appel dans les dix jours de la réception de l'avis de fixation de l'affaire à bref délai qui lui a été adressé par le greffe le 9 janvier 2019.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. Mme Q... fait grief à l'arrêt de prononcer la caducité de la déclaration d'appel qu'elle a formée alors :

« 1°/ que le dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle interrompt tous les délais de procédure ; qu'en retenant, pour prononcer la caducité de la déclaration d'appel formée par Mme Q..., que le dépôt de sa demande d'aide juridictionnelle était sans effet sur le délai de dix jours imparti pour signifier la déclaration d'appel, prévu à l'article 905-1 du code de procédure civile, la cour d'appel a violé l'article 38 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1999 relative à l'aide juridique ;

2°/ que les justiciables doivent disposer d'un droit d'accès au tribunal concret et effectif ; qu'en retenant, pour prononcer la caducité de la déclaration d'appel formée par Mme Q..., que le délai prévu à l'article 905-1 du code de procédure civile, qui impose la signification de la déclaration d'appel à l'intimé dans un délai de dix jours à compter de l'avis de fixation, n'était pas valablement interrompu par sa demande formée dans ce délai auprès du bureau d'aide juridictionnelle, qui lui avait accordé l'aide juridictionnelle totale au regard de ses revenus, privant ainsi Mme Q... de la possibilité d'exercer effectivement son recours, la cour d'appel a porté une atteinte disproportionnée son droit d'accès au juge en violation des dispositions de l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

4. Il résulte de l'article 38 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, qui a rétabli, pour partie, le dispositif prévu par l'article 38-1 du décret du 19 décembre 1991 abrogé par le décret n° 2016-1876 du 27 décembre 2016, que le point de départ d'un délai de recours est reporté, au profit de celui qui demande le bénéfice de l'aide juridictionnelle avant l'expiration de ce délai, au jour de la notification de la décision statuant définitivement sur cette demande ou, en cas d'admission, à la date, si elle est plus tardive, du jour de la désignation d'un auxiliaire de justice en vue d'assister ou de représenter le bénéficiaire de cette aide pour l'exercice de ce recours. Le point de départ des délais impartis pour conclure ou former appel incident est reporté de manière identique au profit des parties à une instance d'appel sollicitant le bénéfice de l'aide juridictionnelle au cours des délais mentionnés aux articles 905-2, 909 et 910 du code de procédure civile.

5. Ces règles, qui ne prévoient pas, au profit de l'appelant, un report du point de départ du délai pour signifier la déclaration d'appel, en application de l'article 905-1 du code de procédure civile, poursuivent néanmoins un but légitime au sens de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en l'occurrence la célérité de la procédure et une bonne administration de la justice. Elles sont, en outre, accessibles et prévisibles, et ne portent par une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge d'appel, un rapport raisonnable de proportionnalité existant entre les moyens employés et le but visé.

6. En effet, en se conformant à l'article 38 du décret, la partie qui entend former un appel avec le bénéfice de l'aide juridictionnelle est mise en mesure, de manière effective, par la désignation d'un avocat et d'autres auxiliaires de justice, d'accomplir l'ensemble des actes de la procédure.

7. Ce dispositif, dénué d'ambiguïté pour un avocat, professionnel du droit, permet de garantir un accès effectif au juge d'appel au profit de toute personne dont la situation pécuniaire la rend éligible au bénéfice d'une aide juridictionnelle au jour où elle entend former un appel.

8. La cour d'appel ayant constaté que Mme Q... n'avait pas procédé à la signification de la déclaration d'appel dans le délai de dix jours à compter de l'avis de fixation de l'affaire à bref délai, réceptionné par son avocat le 9 janvier 2019, c'est dès lors sans encourir les griefs du moyen qu'elle a prononcé la caducité de la déclaration d'appel.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme Q... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme Q... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du quatre juin deux mille vingt, et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour Mme Q...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR prononcé la caducité de la déclaration d'appel formée Mme Q... ;

AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article 905-1 du code de procédure civile, lorsque l'affaire est fixée à bref délai par le président de la chambre, l'appelant signifie la déclaration d'appel dans les dix jours de la réception de l'avis de fixation qui lui est adressé par le greffe à peine de caducité de la déclaration d'appel relevée d'office par le président de la chambre ou le magistrat désigné par le premier président ; cependant, si, entre-temps, l'intimé a constitué avocat avant signification de la déclaration d'appel, il est procédé par voie de notification à son avocat ; qu'en l'espèce, l'affaire a fait l'objet d'une fixation à bref délai conformément aux dispositions de l'article 905 du code de procédure civile par ordonnance du président de la chambre en date du 9 janvier 2019 ; que l'avis de fixation de l'affaire à bref délai transmis par le greffe de la cour par voie électronique a été réceptionné par le conseil de l'appelante le 9 janvier 2019 ; que l'appelante n'a pas procédé à la signification de la déclaration d'appel dans le délai de 10 jours à compter de l'avis du greffe imparti par l'article 905-1du code de procédure civile ; que son conseil fait valoir qu'il était dans l'attente de la décision sur sa demande d'aide juridictionnelle qu'il avait présentée le 17 janvier 2019, qui lui a été accordée le 13 février 2019, et de la désignation d'un huissier de justice par le Bureau d'Aide Juridictionnelle qu'il avait sollicitée par lettre recommandée avec avis de réception le 14 février 2019 ; que l'article 38 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-547 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique issu du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 dispose : « Lorsqu'une action en justice ou un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions de première instance ou d'appel, l'action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter : a) De la notification de la décision d'admission provisoire ; b) De la notification de la décision constatant la caducité de la demande ; c) De la date à laquelle le demandeur à l'aide juridictionnelle ne peut plus contester la décision d'admission ou de rejet de sa demande en application du premier alinéa de l'article 56 et de l'article 160 ou, en cas de recours de ce demandeur, de la date à laquelle la décision relative à ce recours lui a été notifiée ; d) Ou, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné ; que lorsque la demande d'aide juridictionnelle est déposée au cours des délais impartis pour conclure ou former appel incident, mentionnés aux articles 905-2, 909 et 910 du code de procédure civile, ces délais courent dans les conditions prévues aux b, c et d ; que par dérogation aux premier et sixième alinéas du présent article, les délais mentionnés ci-dessus ne sont pas interrompus lorsque, à la suite du rejet de sa demande d'aide juridictionnelle, le demandeur présente une nouvelle demande ayant le même objet que la précédente » ; qu'il en résulte que la demande d'aide juridictionnelle interrompt pour l'appelante le délai d'appel mais non les délais pour signifier la déclaration d'appel ; qu'ainsi, le dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle interrompt le délai pour faire appel mais est sans effet sur le délai de dix jours imparti pour signifier la déclaration d'appel qui court à compter de l'avis de fixation ; qu'en l'espèce, la déclaration d'appel est caduque en ce qu'elle n'a pas été signifiée à l'intimé dans le délai de 10 jours à compter de l'avis de fixation adressé par le greffe du 9 janvier 2019, conformément aux dispositions de l'article 905-1 du code de procédure civile ; que c'est en vain que l'appelante fait valoir qu'elle n'a obtenu l'aide juridictionnelle que le 13 février 2019, à la suite de sa demande déposée le 17 janvier 2019, et que la signification de sa déclaration d'appel ne pouvait intervenir qu'à compter la désignation d'un huissier de justice dans le cadre de l'aide juridictionnelle ; qu'en effet, l'article 910-3 du code de procédure civile, qui permet d'écarter les sanctions prévues quant au formalisme de la déclaration d'appel, en cas de force majeure, ne vise pas celles prévues à l'article 905-1 ; qu'il convient donc de constater en application des dispositions de l'article 905-1 du code de procédure civile précité, la caducité de la déclaration d'appel faute de signification à l'intimé de cette déclaration d'appel dans le délai de dix jours à compter de la réception par l'appelante de l'avis de fixation ; qu'il convient en conséquence de confirmer l'ordonnance entreprise qui a prononcé la caducité de la déclaration d'appel ;

1°) ALORS QUE le dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle interrompt tous les délais de procédure ; qu'en retenant, pour prononcer la caducité de la déclaration d'appel formée par Mme Q..., que le dépôt de sa demande d'aide juridictionnelle était sans effet sur le délai de dix jours imparti pour signifier la déclaration d'appel, prévu à l'article 905-1 du code de procédure civile, la cour d'appel a violé l'article 38 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1999 relative à l'aide juridique ;

2°) ALORS QUE les justiciables doivent disposer d'un droit d'accès au tribunal concret et effectif ; qu'en retenant, pour prononcer la caducité de la déclaration d'appel formée par Mme Q..., que le délai prévu à l'article 905-1 du code de procédure civile, qui impose la signification de la déclaration d'appel à l'intimé dans un délai de 10 jour à compter de l'avis de fixation, n'était pas valablement interrompu par sa demande formée dans ce délai auprès du bureau d'aide juridictionnelle, qui lui avait accordé l'aide juridictionnelle totale au regard de ses revenus, privant ainsi Mme Q... de la possibilité d'exercer effectivement son recours, la cour d'appel a porté une atteinte disproportionnée son droit d'accès au juge en violation des dispositions de l'article 6 § 1er de la Convention européenne des droits de l'Homme.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 19-24598
Date de la décision : 04/06/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

AIDE JURIDICTIONNELLE - Procédure d'admission - Demande d'aide juridictionnelle - Effets - Procédures fondées sur l'article 905 du code de procédure civile - Demande d'aide juridictionnelle postérieure à l'acte d'appel - Interruption du délai pour signifier la déclaration d'appel (non)

APPEL CIVIL - Procédure avec représentation obligatoire - Déclaration d'appel - Caducité - Cas - Procédures fondées sur l'article 905 du code de procédure civile - Défaut de signification de la déclaration d'appel dans le délai imparti - Demande d'aide juridictionnelle déposée après la déclaration d'appel - Absence d'influence CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6, § 1 - Violation - Défaut - Cas - Déclaration d'appel - Caducité - Absence d'interruption du délai de signification de la déclaration d'appel par une demande d'aide juridictionnelle postérieure à ladite déclaration

Il résulte de l'article 38 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, que le point de départ d'un délai de recours est reporté, au profit de celui qui demande le bénéfice de l'aide juridictionnelle avant l'expiration de ce délai, au jour de la notification de la décision statuant définitivement sur cette demande ou, en cas d'admission, à la date, si elle est plus tardive, du jour de la désignation d'un auxiliaire de justice en vue d'assister ou de représenter le bénéficiaire de cette aide pour l'exercice de ce recours. Le point de départ des délais impartis pour conclure ou former appel incident est reporté de manière identique au profit des parties à une instance d'appel sollicitant le bénéfice de l'aide juridictionnelle au cours des débats mentionnés aux articles 905-2, 909 et 910 du code de procédure civile. C'est dès lors à bon droit, et sans méconnaître les dispositions de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'une cour d'appel qui constate que l'appelant n'a pas procédé à la signification de la déclaration d'appel dans le délai de dix jours à compter de l'avis de fixation à bref délai, prononce sa caducité nonobstant le dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle postérieurement à cette déclaration d'appel


Références :

fondamentales
article 38 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017

articles 905-2, 909 et 910 du code de procédure civile

article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 19 septembre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 04 jui. 2020, pourvoi n°19-24598, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret

Origine de la décision
Date de l'import : 23/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.24598
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