LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
COUR DE CASSATION
SH
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QUESTION PRIORITAIRE
de
CONSTITUTIONNALITÉ
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Audience publique du 5 avril 2023
NON-LIEU A RENVOI
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 383 F-D
Pourvoi n° V 22-19.127
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 5 AVRIL 2023
Par mémoire spécial présenté le 17 janvier 2023,
1°/ la société Elliott Advisors (UK) Limited, société de droit anglais, dont le siège est [Adresse 4] (Royaume-Uni),
2°/ la société Elliott Capital Advisors L.P., société de l'état du Delaware, dont le siège est [Adresse 2]),
ont formulé une question prioritaire de constitutionnalité (n° 1093) à l'occasion du pourvoi qu'elles ont formé contre l'arrêt rendu le 24 mars 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 5 - chambre 7), dans une instance les opposant :
1°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié [Adresse 3],
2°/ à l'Autorité des marchés financiers, dont le siège est [Adresse 1].
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Ponsot, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat des sociétés Elliott Advisors (UK) Limited et Elliott Capital Advisors L.P., les observations de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de l'Autorité des marchés financiers, et l'avis de M. Crocq, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 avril 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Ponsot, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Entre le 15 mai et le 23 juillet 2015, soit postérieurement à l'annonce d'une offre publique d'achat simplifiée par la société XPOLogistics Inc. (la société XPO) sur les actions de la société Norbert Dentressangle (la société NDSA), les sociétés Elliott Advisors UK Limited (la société EAUK) et Elliott Capital Advisors L.P. (la société ECA), agissant pour le compte de fonds d'investissement du groupe Elliott, ont procédé à l'achat d'actions NDSA et d'instruments dérivés portant sur les actions NDSA. Elles ont, à cette occasion, procédé à des déclarations de franchissement de seuil, à des déclarations d'acquisition en période d'offre et à des déclarations d'intention.
2. Estimant, au vu d'un rapport d'enquête effectué sur l'information financière et le marché du titre NDSA, que les sociétés EAUK et ECA ne s'étaient pas conformées à leurs obligations à cet égard, le collège de l'Autorité des marchés financiers (l'AMF) leur a notamment notifié les griefs de déclarations inexactes sur la nature des instruments financiers acquis et déclaration tardive de leur intention de ne pas apporter leurs titres à l'offre publique d'achat simplifiée.
3. Par décision n° 3 du 1er avril 2020, la commission des sanctions de l'AMF a retenu que les griefs de déclarations inexactes et de déclaration tardive étaient caractérisés et prononcé une sanction pécuniaire à l'encontre de chacune de ces sociétés, lesquelles ont formé un recours devant la cour d'appel de Paris.
Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité
4. A l'occasion du pourvoi qu'elles ont formé contre l'arrêt rendu le 24 mars 2022 par la cour d'appel de Paris, les sociétés EAUK et ECA ont, par mémoire distinct et motivé, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée :
« En édictant les dispositions de l'article L. 621-6, alinéa 2, seconde phrase, du code monétaire et financier, dans leur rédaction en vigueur depuis le 2 août 2003, issue de la loi n° 2003-706 du 1er août 2003 – en ce qu'elles autorisent l'Autorité des marchés financiers à publier des instructions ou recommandations aux fins de "préciser l'interprétation du règlement général", sans exclure expressément du champ d'application de ces instructions ou recommandations les dispositions du règlement général instituant des obligations passibles de sanctions à caractère de punition –, le législateur a-t-il, d'une part, méconnu sa propre compétence en affectant des droits et libertés que la Constitution garantit – dont le principe de légalité des délits et des peines issu de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la liberté d'entreprendre issue de l'article 4 de cette Déclaration et le droit de propriété garanti par les articles 2, 4 et 17 de cette Déclaration – et, d'autre part, porté une atteinte injustifiée et disproportionnée à ces mêmes droits et libertés ? »
Examen de la question prioritaire de constitutionnalité
5. La disposition contestée est applicable au litige, qui concerne notamment des déclarations de franchissement de seuil et d'acquisitions en période d'offre publique, devant être effectuées selon des modalités fixées par le règlement général de l'AMF, lequel renvoie sur certains aspects à des instructions prises par l'AMF.
6. Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
7. Cependant, d'une part, la question posée ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, elle n'est pas nouvelle.
8. D'autre part, la question posée ne présente pas un caractère sérieux. En effet, dans sa décision n° 2017-634 QPC du 2 juin 2017, le Conseil constitutionnel a dit que le fait pour le législateur de prévoir une sanction administrative réprimant des manquements définis par le pouvoir réglementaire n'est pas contraire au principe de légalité des délits et des peines. En reconnaissant à l'AMF la possibilité de publier des instructions et des recommandations aux fins de préciser l'interprétation de son règlement général, et notamment des dispositions de ce règlement édictant des obligations dont la violation donne lieu à sanction administrative, le législateur n'a, a fortiori, pas méconnu sa propre compétence.
9. En conséquence, il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq avril deux mille vingt-trois.