LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 5 avril 2023
Cassation
M. SOMMER, président
Arrêt n° 330 FS-B
Pourvoi n° D 21-10.391
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 5 AVRIL 2023
La société Iris conseil infra, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 21-10.391 contre l'arrêt rendu le 12 novembre 2020 par la cour d'appel de Versailles (21e chambre), dans le litige l'opposant à M. [G] [H], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Le Corre, conseiller référendaire, les observations de la SCP Richard, avocat de la société Iris conseil infra, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. [H], et l'avis de M. Gambert, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 février 2023 où étaient présents M. Sommer, président, M. Le Corre, conseiller référendaire rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, MM. Pietton, Barincou, Seguy, Mmes Grandemange, Douxami, conseillers, M. Carillon, Mme Maitral, conseillers référendaires, M. Gambert, avocat général, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 12 novembre 2020), le contrat de travail de M. [H], engagé en qualité de chargé d'opération le 15 mars 1993 par la société Iris conseil, a été transféré à la société Iris conseil infra (la société) à compter de juillet 2001. Il occupait en dernier lieu les fonctions de directeur de projet, responsable de l'unité opérationnelle « Routes-infrastructures ».
2. A la suite de son refus de deux propositions de reclassement, le salarié a été avisé le 16 octobre 2015 des motifs conduisant à son licenciement économique et le contrat de travail a pris fin le 6 novembre 2015 à l'issue du délai de rétractation du contrat de sécurisation professionnelle que le salarié avait accepté.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. La société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer au salarié une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de consultation des instances représentatives du personnel alors « que dans les entreprises d'au moins onze salariés, l'employeur qui envisage de procéder à un licenciement collectif pour motif économique de moins de dix salariés dans une même période de trente jours est tenu consulter les représentants du personnel ; que le licenciement est collectif lorsqu'il concerne deux salariés ou plus sur une même période de 30 jours le refus de la proposition de modification du contrat de travail pour motif économique déclenchant le licenciement ; qu'il en résulte que l'employeur n'est pas tenu de consulter les instances représentatives du personnel lorsqu'il procède au licenciement économique d'un seul salarié ; qu'en décidant néanmoins que la société avait procédé à un licenciement collectif, pour en déduire qu'elle était tenue de procéder à la consultation des représentants du personnel, motif pris qu'elle avait initié un licenciement pour motif économique tendant à licencier trois salariés et qu'il importait peu que deux des salariés aient accepté la proposition de modification de leurs contrats de travail, bien que l'acceptation, par deux des trois salariés, de la proposition de modification de leurs contrats de travail ait exclu tout caractère collectif du licenciement prononcé à l'égard du troisième salarié, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-3, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, et L. 1233-8 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1233-8 du code du travail dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 :
4. Il résulte de ce texte que l'employeur n'a l'obligation de réunir et consulter le comité d'entreprise dans les entreprises d'au moins cinquante salariés ou les délégués du personnel dans les entreprises de moins de cinquante salariés, que lorsqu'il envisage de procéder à un licenciement pour motif économique d'au moins deux salariés dans une même période de trente jours.
5. Pour condamner la société à payer des dommages-intérêts au salarié en raison du défaut par l'employeur de consultation des délégués du personnel, la cour d'appel a retenu que l'employeur avait envisagé dans un délai de trente jours un licenciement économique par suppression de trois postes de travail et qu'il importait peu que deux des salariés concernés aient accepté la proposition de reclassement au sein d'autres sociétés du groupe qui leur avait été présentée, de sorte que le licenciement présentait un caractère collectif imposant à l'employeur la consultation des délégués du personnel.
6. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que deux des salariés concernés avaient accepté leur reclassement interne au sein du groupe, en sorte que le licenciement économique n'avait été envisagé qu'à l'égard d'un seul salarié, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le second moyen
Enoncé du moyen
7. La société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer au salarié une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter de la date de sa décision, ainsi que l'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, alors « que constitue un licenciement pour motif économique, le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié, résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ; que la suppression d'un poste, même si elle s'accompagne de la répartition des tâches accomplies par le salarié licencié entre les salariés demeurés dans l'entreprise, constitue une suppression d'emploi ; qu'en affirmant néanmoins, pour décider que la cause économique du licenciement n'était pas établie et en déduire que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, que le poste fonctionnel de responsable de l'unité opérationnelle infrastructures et VRD n'avait pas été supprimé par la société, à la suite du licenciement du salarié, après avoir pourtant constaté que les fonctions de responsable de l'unité opérationnelle infrastructures routières et VRD jusqu'alors exercées par lui, avaient été confiées, à la suite de son licenciement, à un autre salarié d'ores et déjà présent dans l'entreprise, M. [F], sans pour autant constater qu'un autre salarié aurait été engagé pour exercer les fonctions de ce dernier, ce dont il résultait que l'emploi de M. [H] avait été effectivement supprimé, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1233-3 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
8. Aux termes de cet article, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.
9. Pour condamner la société à payer au salarié une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient d'abord que, selon l'employeur lui-même, le salarié n'occupait pas effectivement un poste de directeur de projet, qui n'était qu'un « intitulé » lui ayant été attribué à compter de janvier 2014, sans que cela corresponde à une quelconque modification du contrat. Il relève ensuite que la société ne conteste pas que le poste fonctionnel de responsable de l'unité opérationnelle, qu'occupait concrètement l'intéressé, a bien été confié à M. [F], chef de projet.
10. Il en conclut que le poste occupé par le salarié, à savoir celui de responsable de l'unité opérationnelle infrastructures et VRD, dans le cadre desquelles, outre ses missions de management du département infrastructures routières-VRD, il exerçait des fonctions de chef de projets, n'a en aucune façon été supprimé par la société dans le cadre de la réorganisation de ses services et que la suppression d'un « directeur de projets », qui ne constituait pas une fonction opérationnelle ni un emploi au sein de l'entreprise, mais correspondait simplement au positionnement d'un chef de projet accompli, ne pouvait justifier le licenciement pour motif économique du salarié.
11. En statuant ainsi, sans constater qu'un autre salarié avait été engagé pour exercer les fonctions de M. [F] ayant repris les tâches accomplies par le salarié licencié, alors que la suppression d'un poste, même si elle s'accompagne de l'attribution des tâches accomplies par le salarié licencié à un autre salarié demeuré dans l'entreprise, est une suppression d'emploi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne M. [H] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq avril deux mille vingt-trois.