LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 30 mars 2023
Cassation
Mme LEROY-GISSINGER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 324 F-B
Pourvoi n° S 21-22.961
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 MARS 2023
Mme [K] [S], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 21-22.961 contre l'arrêt rendu le 23 juillet 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-8), dans le litige l'opposant au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, dont le siège est [Adresse 3], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Chauve, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [S], de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 février 2023 où étaient présents Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Chauve, conseiller rapporteur, Mme Isola, conseiller, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 23 juillet 2021), [G] [S] est décédé le [Date décès 1] 2017, alors qu'il était âgé de 73 ans, d'un cancer broncho-pulmonaire diagnostiqué le 14 août 2017, dont le caractère professionnel a été reconnu au titre du tableau 30 bis des maladies professionnelles, avec versement par la caisse primaire d'assurance maladie du Var (la caisse) d'une rente annuelle.
2. Sa veuve, Mme [S] a saisi le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (le FIVA) d'une demande d'indemnisation des préjudices subis par son mari et de ses préjudices personnels.
3. Elle a contesté le rejet par le FIVA de sa demande au titre du préjudice économique qu'elle estime subir du fait du décès de son époux.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. Mme [S] fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande d'indemnisation au titre de son préjudice économique pour la période du 25 décembre 2017 au 31 décembre 2019 et de l'inviter à saisir à nouveau le FIVA afin d'étudier la possibilité d'obtenir une indemnisation au titre de son préjudice économique pour la période postérieure au 1er janvier 2020, alors « qu'en cas de décès de la victime directe, le préjudice patrimonial subi par l'ensemble de la famille proche du défunt doit être évalué en prenant pour élément de référence le revenu annuel du foyer avant le dommage ayant entraîné le décès de la victime directe, en tenant compte de la part de consommation personnelle de celle-ci, et des revenus que continue à percevoir le conjoint, le partenaire d'un pacte civil de solidarité ou le concubin survivant ; que le revenu annuel de référence du foyer avant le dommage intègre toutes les formes de ressources et, notamment, la rente servie par l'organisme de sécurité sociale au titre de la maladie professionnelle de la victime directe ; qu'en refusant cependant que la rente versée par la caisse au titre de la maladie professionnelle du défunt participe à la détermination du revenu annuel de référence du foyer avant le dommage, la cour d'appel a violé l'article 53, I, de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 53, I, de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 et le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime :
5. Il résulte de ce texte et de ce principe qu'en cas de décès de la victime directe, le préjudice subi par la famille proche du défunt doit être évalué en prenant en compte comme élément de référence le revenu annuel du foyer avant le dommage ayant entraîné le décès de la victime directe, en tenant compte de la part de consommation personnelle de celle-ci et des revenus que continue à percevoir le conjoint, le partenaire d'un pacte civil de solidarité ou le concubin survivant.
6. Ont été jugés comme devant être pris en compte dans la détermination du revenu de référence l'allocation adulte handicapé (2e Civ., 24 octobre 2019, pourvoi n° 18-14.211, publié au Bulletin) et la prestation de compensation du handicap (2e Civ., 16 juin 2022, pourvoi n° 20-20.270, publié au Bulletin).
7. Il résulte d'une jurisprudence constante que la rente versée à la victime d'un accident du travail en application des articles L. 434-1, L. 434-2, L. 452-2 et L. 452-3 du code la sécurité sociale indemnise les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité.
8. En outre, si la Cour de cassation jugeait que cette rente indemnisait également le déficit fonctionnel permanent (Crim., 19 mai 2009, pourvois n° 08-86.050 et 08-86.485, Bull. crim. 2009, n° 95 et 96 ; 2e Civ., 11 juin 2009, pourvois n° 08-17.581, Bull. 2009, II, n° 155 ; n° 07-21.768, Bull. 2009, II, n° 153 ; 2e Civ., 11 juin 2009, pourvoi n° 08-16.089, Bull. 2009, II, n° 154), par deux arrêts d'assemblée plénière rendus le 20 janvier 2023 (Ass. plén., 20 janvier 2023, pourvois n° 20-23.673 et 21-23.947, publiés au Bulletin), revenant sur cette jurisprudence, elle juge désormais que la rente visée aux articles précédents ne répare pas le déficit fonctionnel permanent.
9. Dès lors, la rente versée par la caisse au titre de la maladie professionnelle constitue un revenu qui doit être pris en considération pour déterminer le montant annuel de référence du foyer.
10. Pour débouter Mme [S] de sa demande d'indemnisation de son préjudice économique, l'arrêt, après avoir énoncé qu'il convient de rechercher le revenu annuel global net imposable du ménage avant le décès et rappelé que la rente versée à la victime d'un accident du travail indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité et, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent de sorte, qu'en l'espèce, cette rente indemnisait nécessairement le déficit fonctionnel permanent qui constitue un poste de préjudice personnel et extra-patrimonial indemnisant le défunt et ne devait donc pas participer à la détermination du revenu de référence, a calculé ce dernier en additionnant la retraite du défunt, la moyenne des revenus de son épouse sur les trois années précédentes et la rente d'incapacité fonctionnelle déterminée par le FIVA et ayant servi au calcul du préjudice fonctionnel de la victime dans l'offre faite par elle.
11. En statuant ainsi, sans prendre en considération dans la détermination du revenu de référence la rente versée par la caisse au titre de la maladie professionnelle, la cour d'appel a violé le texte et le principe susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 juillet 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.
Condamne le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante et le condamne à payer à Mme [S] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente mars deux mille vingt-trois.