LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 2 mars 2023
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 220 F-D
Pourvoi n° B 21-14.069
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 2 MARS 2023
La société Locami, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 21-14.069 contre l'arrêt rendu le 19 novembre 2020 par la cour d'appel de Versailles (16e chambre), dans le litige l'opposant à M. [R] [U], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société Locami, de la SARL Corlay, avocat de M. [U], et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 janvier 2023 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 19 novembre 2020), agissant sur le fondement d'une reconnaissance de dette notariée en date du 5 novembre 2010, la société civile immobilière Locami (la SCI), ayant pour gérante Mme [X], a fait délivrer, par acte du 12 novembre 2018, un commandement de payer aux fins de saisie-vente à M. [U] qui a saisi un juge de l'exécution d'une contestation.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
2. La SCI fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il a annulé le commandement à fin de saisie-vente en date du 15 novembre 2018 et rejeté ses demandes reconventionnelles, alors « que la prescription doit être invoquée de bonne foi ; que la SCI Locami faisait valoir que l'acte notarié de reconnaissance de dette s'inscrivait dans un ensemble d'opérations dont la finalité était de restituer la maison sise à [Localité 3] et adjugée à M. [U], à son ancienne propriétaire, à savoir Mme [X], gérante de la SCI Locami ; qu'elle démontrait ainsi que la demande de remboursement des fonds prêtés à M. [U] n'avait de sens qu'en l'absence de rétrocession par ce dernier de l'ensemble immobilier ; qu'elle établissait, preuves à l'appui, que jusqu'à l'été 2018, M. [U] avait expressément laissé penser à la gérante de la SCI Locami qu'il ne se considérait pas véritablement comme propriétaire de l'immeuble et qu'il lui rétrocèderait, afin qu'elle s'abstienne de lui demander le remboursement des sommes prêtées en vue de l'adjudication ; qu'elle faisait valoir à cet égard, preuves à l'appui, que M. [U] remettait au fur et à mesure à Mme [X] tous les documents concernant la maison et qu'elle continuait de payer la taxe d'habitation, mais aussi les factures d'électricité afférentes à l'immeuble, notamment pour les années 2017 et 2018 ; que dès lors, en jugeant que l'action en paiement était prescrite et en se contentant d'affirmer que les relations de confiance invoquées entre les parties ne constituaient pas un cas d'empêchement d'agir prévu par la loi, sans rechercher, comme cela lui était demandé, si M. [U] n'avait pas invoqué la prescription de mauvaise foi, en laissant délibérément penser à Mme [X], gérante de la SCI Locami, notamment par des actes positifs jusqu'à l'écoulement du délai de prescription, qu'il ne se considérait pas comme propriétaire du bien adjugé, qu'il lui rétrocèderait et qu'elle n'avait donc pas à solliciter le remboursement des sommes à lui prêtées en vue de cette adjudication, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2234 du code civil. »
Réponse de la Cour
3. Ayant retenu que les raisons d'équité invoquées ne pouvaient prospérer dès lors que les relations de confiance invoquées qui ne concernent que la personne de Mme [X], non attraite en la présente procédure et non concernée par la créance de la SCI, ne constituaient pas un cas d'empêchement prévu par la loi ou par la convention ou encore par la force majeure, au sens de l'article 2234 du code civil, et que la SCI ne pouvait valablement laisser entendre que l'exercice de son action en recouvrement de sa propre créance était subordonné à la perte de la relation de confiance entretenue avec M. [U], qui plus est par un tiers, dans la perspective d'une rétrocession du bien nonobstant la vente sur saisie immobilière dont il avait précédemment fait l'objet, la cour d'appel, qui a effectué la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision.
4. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la SCI Locami aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la SCI Locami et la condamne à payer à M. [U] la somme de 1 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé en l'audience publique du deux mars deux mille vingt-trois par Mme Martinel, conseiller doyen, et signé par elle, en remplacement du président empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat aux Conseils, pour la société Locami
La SCI Locami FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement en ce qu'il a annulé le commandement à fin de saisie-vente en date du 15 novembre 2018 et rejeté ses demandes reconventionnelles ;
ALORS QUE la prescription doit être invoquée de bonne foi ; que la SCI Locami faisait valoir que l'acte notarié de reconnaissance de dette s'inscrivait dans un ensemble d'opérations dont la finalité était de restituer la maison sise à [Localité 3] et adjugée à M. [U], à son ancienne propriétaire, à savoir Mme [X], gérante de la SCI Locami (conclusions d'appel de la SCI Locami, p. 14) ; qu'elle démontrait ainsi que la demande de remboursement des fonds prêtés à M. [U] n'avait de sens qu'en l'absence de rétrocession par ce dernier de l'ensemble immobilier ; qu'elle établissait, preuves à l'appui, que jusqu'à l'été 2018, M. [U] avait expressément laissé penser à la gérante de la SCI Locami qu'il ne se considérait pas véritablement comme propriétaire de l'immeuble et qu'il lui rétrocèderait, afin qu'elle s'abstienne de lui demander le remboursement des sommes prêtées en vue de l'adjudication (conclusions d'appel de la SCI Locami, p. 9-10 et p. 13-14) ; qu'elle faisait valoir à cet égard, preuves à l'appui, que M. [U] remettait au fur et à mesure à Mme [X] tous les documents concernant la maison (conclusions d'appel de la SCI Locami, p. 13-14 ; pièce n°9 – production, n°6) et qu'elle continuait de payer la taxe d'habitation, mais aussi les factures d'électricité afférentes à l'immeuble, notamment pour les années 2017 et 2018 (conclusions d'appel de la SCI Locami, p. 3-4 – pièce n°3, production n°5) ; que dès lors, en jugeant que l'action en paiement était prescrite et en se contentant d'affirmer que les relations de confiance invoquées entre les parties ne constituaient pas un cas d'empêchement d'agir prévu par la loi, sans rechercher, comme cela lui était demandé, si M. [U] n'avait pas invoqué la prescription de mauvaise foi, en laissant délibérément penser à Mme [X], gérante de la SCI Locami, notamment par des actes positifs jusqu'à l'écoulement du délai de prescription, qu'il ne se considérait pas comme propriétaire du bien adjugé, qu'il lui rétrocèderait et qu'elle n'avait donc pas à solliciter le remboursement des sommes à lui prêtées en vue de cette adjudication, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2234 du Code civil.