LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
HA
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 1er mars 2023
Rejet
Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 193 F-D
Pourvoi n° R 21-17.532
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 1ER MARS 2023
Mme [P] [F], épouse [X], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 21-17.532 contre l'arrêt rendu le 3 février 2021 par la cour d'appel de Versailles (19e chambre), dans le litige l'opposant à la société Etablissements Nicolas, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pion, conseiller, les observations de la SCP Ortscheidt, avocat de Mme [F], après débats en l'audience publique du 10 janvier 2023 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pion, conseiller rapporteur, Mme Van Ruymbeke, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 3 février 2021), Mme [F] et M. [X], son époux, ont conclu le 1er février 2006 avec la société Établissements Nicolas (la société) un contrat de cogérance non salariée.
2. Placée en arrêt de travail pour maladie d'origine non professionnelle du 1er juillet 2013 au 11 septembre 2014, Mme [F] a bénéficié d'une visite de reprise le 11 septembre 2014 au terme de laquelle le médecin du travail l'a déclarée inapte au poste et à tout poste de l'entreprise ou du groupe en un seul examen, avec constat d'un danger immédiat et reclassement préconisé uniquement hors de l'entreprise et du groupe.
3. Par lettre du 13 novembre 2014, la société a résilié le contrat de cogérance non salariée pour inaptitude.
4. Faisant valoir que cette rupture était sans cause réelle et sérieuse, Mme [F] a saisi la juridiction prud'homale.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches et le second moyen, ci-après annexés
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
6. Mme [F] fait grief à l'arrêt de dire que la résiliation du contrat de cogérance non salariée s'analysait en un licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et de la débouter de sa demande en dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors :
« 1°/ que ne constitue pas l'énoncé d'un motif précis de licenciement, l'inaptitude physique du salarié sans mention de l'impossibilité de reclassement ; que la lettre de rupture du 13 novembre 2014 faisait état de l'inaptitude physique de la gérante relevée par le médecin du travail sans préciser que la société Etablissements Nicolas était dans l'impossibilité de la reclasser ; qu'en affirmant que ''l'impossibilité de reclassement dans l'entreprise et le groupe est mentionnée dans ce document de rupture de par le rappel de l'avis du médecin du travail relatif à une impossibilité de reclassement dans l'entreprise ou le groupe'', de sorte que l'impossibilité de reclassement dans l'entreprise et le groupe était établie et que la résiliation du contrat était fondée sur une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé l'article L. 1236-2 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, l'article L. 1235-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, et l'article L. 1226-2 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ;
2°/ que le juge ne peut dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que la lettre de rupture du 13 novembre 2014 faisait état de l'inaptitude physique de la gérante relevée par le médecin du travail et se bornait à préciser que cela rendait ''impossible la poursuite de notre relation contractuelle dès lors que vous ne pouvez plus exercer votre statut de gérante non salariée d'une succursale de commerce de détail alimentaire'' ; que ce courrier ne contenait aucune référence à une impossibilité de reclassement ; qu'en affirmant que ''l'impossibilité de reclassement dans l'entreprise et le groupe était mentionnée dans ce document de rupture de par le rappel de l'avis du médecin du travail relatif à une impossibilité de reclassement dans l'entreprise ou le groupe'', la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de la lettre de rupture, en violation de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis. »
Réponse de la Cour
7. La cour d'appel, qui a constaté, hors toute dénaturation, que la lettre de résiliation, après avoir rappelé l'avis du médecin du travail, mentionnait l'impossibilité de poursuivre la relation contractuelle tant dans le magasin Nicolas de Meudon que dans les autres magasins exploités dès lors qu'ils sont confiés exclusivement à des gérants mandataires non salariés, en a exactement déduit que la résiliation était fondée sur une cause réelle et sérieuse.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [F], épouse [X], aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé par le président en son audience publique du premier mars deux mille vingt-trois, et signé par lui et Mme Van Ruymbeke, conseiller, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour Mme [F], épouse [X]
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Mme [X] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la résiliation du contrat de cogérance non salariée s'analysait en un licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et de l'avoir déboutée de sa demande en dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
1°) ALORS QUE ne constitue pas l'énoncé d'un motif précis de licenciement, l'inaptitude physique du salarié sans mention de l'impossibilité de reclassement ; que la lettre de rupture du 13 novembre 2014 faisait état de l'inaptitude physique de Mme [X] relevée par le médecin du travail sans préciser que la société Etablissements Nicolas était dans l'impossibilité de la reclasser ; qu'en affirmant que « l'impossibilité de reclassement dans l'entreprise et le groupe est mentionnée dans ce document de rupture de par le rappel de l'avis du médecin du travail relatif à une impossibilité de reclassement dans l'entreprise ou le groupe », de sorte que l'impossibilité de reclassement dans l'entreprise et le groupe était établie et que la résiliation du contrat était fondée sur une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé l'article L. 1236-2 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, l'article L. 1235-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, et l'article L. 1226-2 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ;
2°) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que la lettre de rupture du 13 novembre 2014 faisait état de l'inaptitude physique de Mme [X] relevée par le médecin du travail et se bornait à préciser que cela rendait « impossible la poursuite de notre relation contractuelle dès lors que vous ne pouvez plus exercer votre statut de gérante non salariée d'une succursale de commerce de détail alimentaire » (cf. pièce n° 5, Prod.) ; que ce courrier ne contenait aucune référence à une impossibilité de reclassement ; qu'en affirmant que « l'impossibilité de reclassement dans l'entreprise et le groupe était mentionnée dans ce document de rupture de par le rappel de l'avis du médecin du travail relatif à une impossibilité de reclassement dans l'entreprise ou le groupe », la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de la lettre de rupture, en violation de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;
3°) ALORS QUE l'avis du médecin du travail déclarant un salarié inapte à tout poste dans l'entreprise et le groupe à l'issue d'un seul examen médical avec mention de danger immédiat ne dispense pas l'employeur d'établir qu'il a été dans l'impossibilité de le reclasser au sein de l'entreprise ou au sein du groupe, au besoin par des mesures telles que mutations, transformations de poste ou aménagements du temps de travail ; qu'en retenant que « Le médecin du travail ayant lui-même fait état de l'impossibilité de reclassement dans l'entreprise et le groupe dans son avis d'inaptitude, il ne peut être reproché à la société Etablissements Nicolas de ne pas avoir recherché de poste de reclassement, sauf à demander à la société de contrevenir aux préconisations médicales ; que l'impossibilité de reclassement dans l'entreprise et le groupe est donc établie », la cour d'appel, qui a dispensé la société Etablissements Nicolas d'établir qu'elle aurait été dans l'impossibilité de reclasser Mme [X], au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de poste ou aménagements du temps de travail, a violé l'article L. 1226-2 du code du travail dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 ;
4°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel délaissées (cf. pp. 10 à 12, prod.), Mme [X] faisait valoir que les gérants non salariés pouvaient bénéficier d'un reclassement sur l'un des emplois salariés de la société, l'article L. 1226-2 du code du travail prévoyant expressément la possibilité d'une transformation de l'emploi, que l'article 13 de l'accord collectif national du 18 juillet 1963 concernant les gérants non salariés des maisons d'alimentation à succursales, supermarchés, hypermarchés gérants mandataires permettait la transformation du contrat de cogérance non salarié en contrat de droit commun et stipulait que, en cas de reclassement, le gérant non salarié devenu salarié « conserve dans ses nouvelles fonctions l'ancienneté qu'il a acquise dans l'entreprise en sa qualité de gérant non salarié », que dans deux attestations datées des 22 et 25 mars 2016, M. [R] (cf. prod.), gérant au sein de la société Nicolas, précisait que « tous les postes disponibles au sein du siège social de la société Nicolas sont proposés aux gérants non salariés : la plupart des gérants non salariés qui ont obtenu un poste au siège social de Nicolas n'étaient pas en invalidité et le magasin ne fermait pas? » et qu'il résultait des pièces 16 et 17 régulièrement produites aux débats que des postes étaient disponibles (cf. Prod.) ; qu'en affirmant que l'impossibilité de reclassement dans l'entreprise et le groupe était établie et que la résiliation du contrat était fondée sur une cause réelle et sérieuse, sans avoir répondu à ces chefs pertinents des conclusions d'appel de l'exposante, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en affirmant que l'impossibilité de reclassement dans l'entreprise et le groupe était établie et que la résiliation du contrat était fondée sur une cause réelle et sérieuse, sans se prononcer sur les deux attestations datées des 22 et 25 mars 2016 (cf. pièces 4 et 15, Prod.), dans lesquelles M. [R], gérant au sein de la société Nicolas, précisait que « Tous les postes disponibles au sein du siège social de la société Nicolas sont proposés aux gérants non salariés : la plupart des gérants non salariés qui ont obtenu un poste au siège social de Nicolas n'étaient pas en invalidité et le magasin ne fermait pas? » et sur les pièces 16 et 17 (cf. Prod.), régulièrement produites aux débats, établissant que des postes étaient disponibles, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Mme [X] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'avoir déboutée de sa demande tendant à la condamnation de la société Etablissements Nicolas à lui payer la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut d'information sur le compte personnel de formation ;
1°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel délaissées (cf. pp. 13 à 14, Prod.), Mme [X] faisait valoir, d'une part, que la société Nicolas avait indiqué dans la lettre de rupture que ses droits individuels à la formation (DIF) selon l'accord collectif applicable étaient de douze jour mais que le DIF mis en place par la loi d'origine n° 2004-391 du 4 mais 2004 prévoyait une durée en heures et non en jours et une équivalence de 20 heures par année dans la limite d'un maximum de 120 heures acquises par elle compte tenu de son ancienneté et, d'autre part, que depuis le 1er janvier 2015, le dispositif du DIF avait été supprimé et remplacé par le Compte Personnel de Formation (CPF) par la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 qui prévoyait une information du salarié en heures acquises au titre de la formation venant aliment le compte professionnel de formation et que malgré sa demande écrite formulée le 5 mars 2015, la société Nicolas avait refusé d'indiquer avec précision le nombres d'heures qu'elle avait acquis au titre de son CPF, soit 120 heures, de sorte qu'elle n'avait jamais reçu d'information correcte sur son droit à la formation ; qu'en déboutant Mme [X] de sa demande de dommages et intérêts à ce titre sans avoir répondu à ces chefs pertinents des conclusions d'appel de l'exposante, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE le juge ne peut se déterminer par voie de simple affirmation ; qu'en se bornant, pour rejeter la demande de M. [X] tendant à la condamnation de la société Etablissements Nicolas à lui payer la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du défaut d'information, à affirmer qu' « En tout état de cause, Mme [X] ne justifie pas du préjudice allégué à ce titre ; qu'il convient donc de la débouter de cette demande », la cour d'appel a méconnu les exigences de motivation de l'article 455 du code de procédure civile.