LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 26 janvier 2023
Cassation partielle
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 107 F-D
Pourvoi n° C 21-13.035
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 JANVIER 2023
La caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 21-13.035 contre l'arrêt rendu le 5 février 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 13), dans le litige l'opposant à la société Pharmacie [Localité 3] centre, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La société Pharmacie [Localité 3] centre a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne, de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de la société Pharmacie [Localité 3] centre, après débats en l'audience publique du 6 décembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Leblanc, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 février 2021), à la suite d'une analyse de l'activité professionnelle de la société Pharmacie [Localité 3] centre (le professionnel de santé) par le service du contrôle médical de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne (la caisse), celle-ci lui a notifié, le 6 février 2014, un indu correspondant à des anomalies de facturation, suivi, le 21 août 2015, d'une pénalité financière.
2. Le professionnel de santé a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi principal
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
4. Le professionnel de santé fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en remboursement de la somme versée au titre de la pénalité financière, alors « que le professionnel de santé demandait le remboursement de la somme de 21 333,82 euros que la caisse avait retenu au titre d'une pénalité financière injustifiée ; que la caisse reconnaissait qu'elle avait opéré ces retenues et que la pénalité financière avait été ainsi soldée ; que la cour d'appel a débouté la CPAM de sa demande de condamnation au paiement d'une pénalité financière ; qu'en énonçant toutefois, pour rejeter la demande du professionnel de santé en remboursement de la somme de 21 333,82 euros, qu'elle « n'établit (?) pas le paiement dont aurait bénéficié la Caisse et dont elle sollicite le remboursement », cependant que les parties s'accordaient sur le fait que la pénalité financière mise à la charge du professionnel de santé avait été payée dans le cadre d'une retenue à la source opérée par la Caisse, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code procédure civile :
5. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
6. Pour débouter le professionnel de santé de sa demande de remboursement, l'arrêt relève que la société n'établit pas le paiement dont aurait bénéficié la caisse et dont elle sollicite le remboursement.
7. En statuant ainsi alors que, dans ses conclusions d'appel, la caisse reconnaissait qu'elle avait opéré des retenues au titre de la pénalité financière et que celle-ci avait été ainsi soldée, la cour d'appel, qui a méconnu les termes du litige, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la société Pharmacie [Localité 3] centre de sa demande en remboursement de la pénalité financière, l'arrêt rendu le 5 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne et la condamne à payer à la société Pharmacie [Localité 3] centre la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille vingt-trois.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Essonne
La CPAM de l'Essonne fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir annulé la notification d'indu du 6 février 2014 qu'elle avait adressée à la Pharmacie [Localité 3] Centre, ainsi que la décision de la commission de recours amiable du 3 octobre 2014, et de l'avoir débouté de sa demande en paiement de l'indu et de la pénalité financière notifiée à la Pharmacie [Localité 3] Centre le 21 août 2015 ;
1° ALORS QUE la preuve d'un fait juridique est libre, de sorte que les juges ne peuvent exiger la production d'une pièce précise pour apprécier si une partie rapporte la preuve du fait qu'elle allègue ; qu'en l'espèce, la caisse soutenait que la procédure de notification de l'indu avait été parfaitement respectée, la caisse ayant notifié les griefs par lettre recommandée avec accusé de réception les 21 et 27 août 2013, et l'entretien contradictoire avec la Pharmacie [Localité 3] Centre ayant eu lieu le 28 octobre 2013 qui a permis de réduire le montant de l'indu ; que si la caisse ne produisait pas les lettres recommandées de notification des griefs, ni le procès-verbal de l'entretien contradictoire, elle prouvait l'existence de cette notification et de la tenue de l'entretien en produisant et en invoquant la lettre de saisine de la commission de recours amiable par Mme [D], gérante de la Pharmacie [Localité 3] Centre, qui faisait mention de l'entretien contradictoire litigieux suite à la notification des griefs dont elle reconnaissait expressément qu'ils étaient parfaitement fondés pour la plus grande partie ; que la caisse invoquait encore la requête de Mme [D] pour saisir le tribunal des affaires de sécurité sociale, requête dans laquelle Mme [D] reconnaissait la réalité de la plupart des griefs qui lui avaient été notifiés ; qu'en refusant d'analyser ces documents caractérisant un aveu et en exigeant la production de la lettre de notification des griefs pour démontrer l'existence de celle-ci, la cour d'appel a violé l'article 1315, devenu 1353 du code civil, ensemble le principe de la liberté de la preuve d'un fait juridique et l'article R 315-1 du code de la sécurité sociale ;
2° ALORS QUE la reconnaissance de sa dette d'indu par un professionnel de santé lui interdit d'en contester ultérieurement l'existence ; qu'en l'espèce la caisse exposante faisait valoir que la Pharmacie [Localité 3] Centre avait expressément reconnu sa dette d'indu à concurrence de 50 000 euros tant dans sa lettre de saisie de la commission de recours amiable que dans sa requête devant le tribunal des affaires de sécurité sociale ; qu'en déclarant la Pharmacie [Localité 3] Centre recevable et bien fondée à contester la totalité de sa créance en cause d'appel, la cour d'appel a violé l'article 1354, devenu l'article 1383 du code civil, l'article 408 du code de procédure civile, et les articles L 133-4 et L 133-4-1 du code de la sécurité sociale. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Marlange et de La Burgade, avocat aux Conseils, pour la société Pharmacie [Localité 3] centre
La société Pharmacie [Localité 3] Centre reproche à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande en paiement de la somme de 21 333,82 euros,
ALORS QUE la société Pharmacie [Localité 3] Centre demandait le remboursement de la somme de 21.333,82 euros que la CPAM de l'Essonne avait retenue au titre d'une pénalité financière injustifiée (conclusions d'appel de l'exposante, pp. 26, 27 et 30) ; que la CPAM de l'Essonne reconnaissait qu'elle avait opéré ces retenues et que la pénalité financière avait été ainsi soldée (conclusions de la CPAM, p. 16) ; que la cour d'appel a débouté la CPAM de sa demande de condamnation au paiement d'une pénalité financière ; qu'en énonçant toutefois, pour rejeter la demande de la société Pharmacie [Localité 3] Centre en remboursement de la somme de 21 333,82 euros, qu'elle « n'établit (?) pas le paiement dont aurait bénéficié la Caisse et dont elle sollicite le remboursement » (arrêt, p. 6), cependant que les parties s'accordaient sur le fait que la pénalité financière mise à la charge de la société Pharmacie [Localité 3] Centre avait été payée dans le cadre d'une retenue à la source opérée par la Caisse, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile.