LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 25 janvier 2023
Cassation
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 81 F-D
Pourvoi n° A 21-14.160
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 JANVIER 2023
La société La Leque, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° A 21-14.160 contre l'arrêt rendu le 28 janvier 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-5), dans le litige l'opposant à M. [Z] [N], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Davoine, conseiller référendaire, les observations de Me Balat, avocat de la société La Leque, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [N], après débats en l'audience publique du 13 décembre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Davoine, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 28 janvier 2021, RG n° 20/00028), le 1er juillet 2011, la société civile immobilière La Leque (la bailleresse) et M. [N] (le locataire) ont conclu plusieurs baux distincts, l'un d'eux portant sur un « hangar agricole » et un autre, dénommé « contrat de location rural », portant sur une parcelle désignée en nature oléicole et pâture.
2. Le 16 novembre 2016, la bailleresse a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en résiliation des deux baux.
3. Par jugement du 20 décembre 2019, le tribunal paritaire des baux ruraux s'est, en l'absence de bail rural, déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance.
4. Le locataire ayant relevé appel de ce jugement, il a, par ordonnance du 16 janvier 2020, été autorisé par le premier président à assigner à jour fixe.
Examen des moyens
Sur le moyen du mémoire complémentaire, dont l'examen est préalable
Enoncé du moyen
5. La bailleresse fait grief à I'arrêt de rejeter sa demande en constatation de la caducité de la déclaration d'appel, alors « que l'appeIant doit, à peine de caducité de la déclaration d'appel, saisir, dans le délai d'appel le premier président en vue d'être autorisé à assigner à jour fixe ou de bénéficier d'une fixation prioritaire de I'affaire ; que dans ses conclusions d'appeI, la SCI La Leque faisait valoir que M. [N] n'avait pas régularisé sa requête aux fins d'assignation à jour fixe ou en vue de bénéficier d'une fixation prioritaire de I'affaire dans les conditions régulières, d'une part parce qu'iI s'était borné à adresser au premier président une requête visant les deux situations et, d'autre part, parce que cette requête ne pouvait être adressée par RPVA ; que la SCI La Leque invoquait donc la caducité de la déclaration d'appel de M. [N] ; qu'en affirmant qu'aucune caducité de la déclaration d'appel n'était encourue, au seul motif qu'iI ne lui appartenait pas de vérifier les conditions de saisine du premier président ou de son délégataire et que I'ordonnance du premier président autorisant la fixation à bref délai ou à jour fixe n'était pas susceptible de recours, cependant qu'elle devait nécessairement trancher sur le fond la question de la caducité de l'appel interjeté par M. [N], la cour d'appel a violé les articles 83 et 84 du code de procédure civile, outre les articles 748-1 et 748-6 du même code. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 83 à 85 du code de procédure civile :
6. Il résulte de ces textes qu'en cas d'appel dirigé contre la décision d'une juridiction du premier degré se prononçant sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, l'appelant doit saisir, dans le délai d'appel et à peine de caducité de la déclaration d'appel, qui doit être relevée d'office, le premier président de la cour d'appel en vue, selon le cas, d'être autorisé à assigner à jour fixe ou de bénéficier d'une fixation prioritaire de l'affaire, et que, nonobstant toute disposition contraire, l'appel est instruit et jugé comme en matière de procédure à jour fixe si les règles applicables à l'appel des décisions rendues par la juridiction dont émane le jugement frappé d'appel imposent la constitution d'avocat, ou, dans le cas contraire, comme il est dit à l'article 948 du code de procédure civile.
7. Pour écarter la caducité de la déclaration d'appel, l'arrêt retient que, l'ordonnance autorisant la fixation à bref délai ou à jour fixe n'étant pas susceptible de recours, il n'appartient pas à la cour d'appel de vérifier les conditions de saisine du premier président.
8. En statuant ainsi, alors qu'elle était tenue, nonobstant l'ordonnance rendue par le premier président, de vérifier la régularité de sa saisine, subordonnée au respect du formalisme de la requête adressée par l'appelant en vue d'être autorisé à assigner à jour fixe ou de bénéficier d'une fixation prioritaire de l'affaire, prescrit à peine de caducité de la déclaration d'appel, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne M. [N] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [N] et le condamne à payer à la société civile immobilière La Leque la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille vingt-trois.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils, pour la société La Leque
La SCI La Leque reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté l'exception d'incompétence du tribunal paritaire des baux ruraux au profit du tribunal de grande instance et d'avoir dit que l'affaire serait renvoyée devant le tribunal paritaire des baux ruraux de Tarascon et que le greffe aviserait les parties de cette décision dans les conditions prévues par l'article 87 du code de procédure civile ;
ALORS, EN PREMIER LIEU, QUE le statut du fermage ne s'applique qu'à la mise à disposition à titre onéreux d'un immeuble à usage agricole en vue de l'exploiter pour y exercer une activité agricole ; que dans ses écritures d'appel (conclusions du 3 mars 2020, p. 9 et 10), la SCI La Leque faisait valoir que le contrat de location litigieux ne pouvait être qualifié de bail rural dès lors que M. [N] ne développait aucune activité agricole lucrative ; qu'en affirmant que le moyen suivant lequel l'exploitation n'était pas faite dans un but économique était insuffisant à exclure la qualification de bail rural (arrêt attaqué, p. 8, alinéa 1er), cependant que ce moyen était à l'inverse déterminant, la cour d'appel a violé les articles L. 411-1 et L. 491-1 du code rural et de la pêche maritime, dans leur rédaction applicable en la cause ;
ALORS, EN DEUXIEME LIEU, QU'un bail rural ne peut être conclu par le propriétaire du fonds avec une partie qui n'a pas la qualité d'exploitant agricole ; que dans ses écritures d'appel (conclusions du 3 mars 2020, p. 10 et 11), la SCI La Leque faisait valoir que M. [N] n'était pas agriculteur, ce qui faisait obstacle à l'existence du bail rural ; qu'en affirmant que le moyen suivant lequel M. [N] n'avait pas la qualité d'exploitant agricole était insuffisant à exclure la qualification de bail rural (arrêt attaqué, p. 8, alinéa 1er), cependant que ce moyen était à l'inverse déterminant, la cour d'appel a violé les articles L. 411-1 et L. 491-1 du code rural et de la pêche maritime, dans leur rédaction applicable en la cause ;
ALORS, EN TROISIEME LIEU, QUE le statut du fermage ne s'applique qu'à la mise à disposition à titre onéreux d'un immeuble à usage agricole en vue de l'exploiter pour y exercer une activité agricole ; qu'il incombe à celui qui se prévaut de l'existence d'un bail rural d'en rapporter la preuve ; qu'en retenant en l'espèce l'existence d'un bail rural, au motif que les arguments de la SCI La Leque "suivant lesquels l'exploitation n'est pas faite dans un but économique et [Z]-[L] [N] n'a pas la qualité d'exploitant agricole, mais d'auto-entrepreneur, sont insuffisants à exclure la qualification de bail rural " (arrêt attaqué, p. 8, alinéa 1er), cependant qu'il incombait à M. [N] de démontrer l'existence du bail rural qu'il revendiquait, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé l'article 1353 du code civil ;
ET ALORS, EN DERNIER LIEU, QUE le statut du bail rural a un caractère impératif qui empêche en principe les parties de conclure un bail rural hors de son domaine et que si les parties sont libres de soumettre leurs relations au statut du fermage alors même que les conditions légales de ce statut feraient défaut, cette soumission volontaire au statut doit être claire et non équivoque et les parties doivent en ce cas exprimer dans l'acte la connaissance qu'elles ont de ce que le statut du bail rural n'est pas applicable a priori à leur situation ; qu'en considérant que les parties avaient pu volontairement adhérer à la qualification de bail rural (arrêt attaqué, p. 8, alinéa 1er), sans caractériser une volonté claire et sans équivoque des parties de se placer sous le régime du bail rural en pleine connaissance de cause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 411-1 et L. 491-1 du code rural et de la pêche maritime, dans leur rédaction applicable en la cause.
Moyen produit au mémoire complémentaire par Me Balat, avocat aux Conseils, pour la société La Leque
La SCI La Leque reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté sa demande tendant à voir constater la caducité de la déclaration d'appel ;
ALORS QUE l'appelant doit, à peine de caducité de la déclaration d'appel, saisir, dans le délai d'appel le premier président en vue d'être autorisé à assigner à jour fixe ou de bénéficier d'une fixation prioritaire de l'affaire ; que dans ses conclusions d'appel, la SCI La Leque faisait valoir que M. [N] n'avait pas régularisé sa requête aux fins d'assignation à jour fixe ou en vue de bénéficier d'une fixation prioritaire de l'affaire dans les conditions régulières, d'une part parce qu'il s'était borné à adresser au premier président une requête visant les deux situations et, d'autre part, parce que cette requête ne pouvait être adressée par RPVA ; que la SCI La Leque invoquait donc la caducité de la déclaration d'appel de M. [N] ; qu'en affirmant qu'aucune caducité de la déclaration d'appel n'était encourue, au seul motif qu'il ne lui appartenait pas de vérifier les conditions de saisine du premier président ou de son délégataire et que l'ordonnance du premier président autorisant la fixation à bref délai ou à jour fixe n'était pas susceptible de recours, cependant qu'elle devait nécessairement trancher sur le fond la question de la caducité de l'appel interjeté par M. [N], la cour d'appel a violé les articles 83 et 84 du code de procédure civile, outre les articles 748-1 et 748-6 du même code.