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24/01/2023 | FRANCE | N°20-87266

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 24 janvier 2023, 20-87266


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° T 20-87.266 F-D

N° 00081

ODVS
24 JANVIER 2023

CASSATION

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 24 JANVIER 2023

Les sociétés [1], [3], [2], M. [X] [M] et M. [C] [V] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre 5-2, en date du 12 oc

tobre 2020, qui, dans la procédure suivie contre eux du chef de travail dissimulé, a prononcé sur les intérêts civils.

Les ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° T 20-87.266 F-D

N° 00081

ODVS
24 JANVIER 2023

CASSATION

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 24 JANVIER 2023

Les sociétés [1], [3], [2], M. [X] [M] et M. [C] [V] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre 5-2, en date du 12 octobre 2020, qui, dans la procédure suivie contre eux du chef de travail dissimulé, a prononcé sur les intérêts civils.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits.

Sur le rapport de Mme Labrousse, conseiller, les observations de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de M. [X] [M] et de la société [3], les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF Provence-Alpes-Côtes d'Azur, et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 décembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Labrousse, conseiller rapporteur, Mme Ménotti, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. A la suite d'un constat de travail dissimulé par dissimulation de salariés, l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Provence-Alpes-Côte d'Azur (ci-après l'URSSAF) a notifié à la société [3], dont M. [X] [M] est le gérant, un redressement de cotisations au titre des années 2013 - 2014.

3. Après mise en demeure de l'URSSAF, la société a saisi d'un recours le tribunal des affaires de sécurité sociale.

4. Par jugement définitif, en date du 28 avril 2017, la juridiction a constaté l'intervention volontaire de M. [M] en qualité de gérant de la société [3], condamné celle-ci à payer à l'URSSAF la somme de 254 934 euros au titre des cotisations éludées et des majorations dues, et a débouté l'URSSAF de sa demande de condamnation solidaire de la société et de son gérant.

5. Par convocation par officier de police judiciaire, en date du 28 février 2018, la société [3] et M. [M] ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel des chefs de travail dissimulé, notamment pour s'être soustraits aux déclarations relatives aux cotisations sociales.

6. Par jugement, en date du 3 juillet 2019, ils ont été déclarés coupables de ces chefs pour une partie de la prévention.

7. Sur l'action civile, le tribunal correctionnel a déclaré recevable la constitution de partie civile de l'URSSAF mais l'a déboutée de ses demandes de dommages et intérêts, au motif, notamment, que dans ses conclusions, elle n'alléguait pas, s'agissant de la société [3], l'existence d'un préjudice financier distinct des demandes fondées sur le montant de cotisations éludées.

8. L'URSSAF a relevé appel des dispositions civiles du jugement.

Déchéance des pourvois formés par les sociétés [1], [2] ainsi que par M. [V]

9. Les sociétés [1] et [2], ainsi que M. [V], n'ayant pas déposé dans le délai légal, personnellement ou par leur avocat, un mémoire exposant leurs moyens de cassation, il y a lieu, en conséquence, de les déclarer déchus de leur pourvoi, par application de l'article 590-1 du code de procédure pénale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

10. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

11. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré recevable la constitution de partie civile de l'URSSAF et a condamné solidairement M. [M] et la société [3] à payer à l'URSSAF la somme de 185 715,64 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier résultant des infractions commises, alors :

« 1°/ que par jugement du 28 avril 2017, le tribunal des affaires de sécurité sociale du Var a condamné « la société [3] à payer à l'Urssaf PACA la somme de 234 934 euros et la somme de 72,88 euros au titre des frais de signification de la contrainte » et débouté « l'Urssaf PACA de sa demande de condamnation solidaire de la société et de son gérant M. [M] » ; qu'en affirmant, pour déclarer recevable la constitution de partie civile de l'Urssaf PACA et condamner solidairement M. [M] et la société [3] à payer à l'Urssaf la somme de 185.715,64 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier résultant des infractions commises, que le principe de l'autorité de la chose jugée est inapplicable « l'objet du litige étant différent à l'instar des parties » (arrêt, p. 13), cependant qu'il ressort du jugement du 28 avril 2017 rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale du Var que l'Urssaf a été déboutée par le juge civil de sa demande de condamnation de M. [M] au paiement des cotisations solidairement avec la société [3], ce dont il résultait qu'ayant déjà agi en paiement devant le juge civil contre M. [M], l'autorité de la chose jugée attachée à cette décision de justice rendait irrecevable l'action de l'Urssaf devant le juge pénal, la cour d'appel a dénaturé le jugement précité du 28 avril 2017 et violé les articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;

2°/ que l'autorité de la chose jugée sur une action civile s'impose dès lors que la demande nouvelle, formulée par la partie civile devant le juge répressif est fondée sur la même cause, est formée entre les mêmes parties, par elles ou contre elles, en la même qualité que celle ayant donné lieu à une précédente décision du juge civil ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que M. [M] était poursuivi devant le juge répressif en qualité de gérant de droit de la société [3] (arrêt, p. 4 et 13) ; qu'en affirmant, pour déclarer recevable la constitution de partie civile de l'Urssaf PACA et condamner solidairement M. [M] et la société [3] à payer à l'Urssaf la somme de 185.715,64 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier résultant des infractions commises, que le principe de l'autorité de la chose jugée est inapplicable « l'objet du litige étant différent à l'instar des parties » (arrêt, p. 13), cependant qu'il ressortait de ses constatations que M. [M] étant poursuivi devant la juridiction répressive en sa qualité de dirigeant de la société [3], les deux actions exercées par l'Urssaf devant le juge civil et le juge pénal visaient les mêmes parties et que l'Urssaf n'était donc pas recevable à exercer son action civile devant le juge répressif, la cour d'appel a méconnu les articles 1351, devenu 1355, du code civil, 480 du code de procédure civile, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

3°/ que l'autorité de la chose jugée sur une action civile s'impose dès lors que la demande nouvelle, formulée par la partie civile devant le juge répressif est fondée sur la même cause, est formée entre les mêmes parties, par elles ou contre elles, en la même qualité que celle ayant donné lieu à une précédente décision du juge civil ; qu'en affirmant, pour déclarer recevable la constitution de partie civile de l'Urssaf PACA et condamner solidairement M. [M] et la société [3] à payer à l'Urssaf la somme de 185.715,64 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier résultant des infractions commises, que « les deux procédures civile et pénale ont un objet distinct : - devant la juridiction répressive, l'URSSAF sollicite l'indemnisation de son préjudice résultant de l'infraction de travail dissimulé, - devant la juridiction civile, l'URSSAF sollicitait le paiement des cotisations sociales majorations et pénalités de retard » (arrêt, p. 13), sans expliquer en quoi l'indemnisation de son préjudice financier résultant de l'infraction de travail dissimulé était distinct du paiement des cotisations sociales, majorations et pénalités de retard, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1351, devenu 1355, du code civil, 480 du code de procédure civile, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

4°/ qu'en affirmant d'une part que « les deux procédures civile et pénale ont un objet distinct : - devant la juridiction répressive, l'URSSAF sollicite l'indemnisation de son préjudice résultant de l'infraction de travail dissimulé, - devant la juridiction civile, l'URSSAF sollicitait le paiement des cotisations sociales majorations et pénalités de retard » (arrêt, p. 13) et d'autre part « qu'il résulte des pièces de la procédure que les prévenus ont commis des actes frauduleux ayant eu pour objet et pour effet d'éluder le paiement des cotisations sociales, des contributions s'assurance chômage et des cotisations AGS que l'Urssaf PACA a pour mission de recouvrer » (arrêt, p. 13), ce dont il résultait que la demande de la partie civile au titre de son préjudice financier avait précisément le même objet que sa demande tranchée par le juge civil au titre des cotisations sociales, majorations et pénalités de retard, la cour d'appel s'est contredite et a violé les articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;

5°/ que l'autorité de la chose jugée sur une action civile s'impose dès lors que la demande nouvelle, formulée par la partie civile devant le juge répressif est fondée sur la même cause, est formée entre les mêmes parties, par elles ou contre elles, en la même qualité que celle ayant donné lieu à une précédente décision du juge civil ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a, au titre du préjudice financier invoqué par l'Urssaf, condamné solidairement M. [M] et la société [3] à payer à l'Urssaf la somme de 185 715,64 € « au titre des cotisations et contributions sociales éludées sur la période du 1er janvier 2013 au 31 mai 2014 étant précisé que [3] n'a jamais entrepris le moindre remboursement en suite de la décision du 28 avril 2017 rendue par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Toulon, qu'ainsi l'Urssaf non désintéressée, est fondée à solliciter réparation de son préjudice » (arrêt, p. 15-16) ; que dès lors en affirmant, pour déclarer recevable la constitution de partie civile de l'Urssaf PACA et condamner solidairement M. [M] et la société [3] à payer à l'Urssaf la somme de 185.715,64 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier résultant des infractions commises, que « les deux procédures civile et pénale ont un objet distinct : - devant la juridiction répressive, l'URSSAF sollicite l'indemnisation de son préjudice résultant de l'infraction de travail dissimulé, - devant la juridiction civile, l'URSSAF sollicitait le paiement des cotisations sociales majorations et pénalités de retard » (arrêt, p. 13), cependant qu'il ressortait de ses propres constatations que le préjudice financier invoqué par l'Urssaf portait précisément sur le recouvrement des cotisations et contributions sociales éludées ayant déjà fait l'objet d'une condamnation par le juge civil, la cour d'appel a violé les articles 1351, devenu 1355, du code civil, 480 du code de procédure civile, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1355 du code civil et 593 du code de procédure pénale :

12. Selon le premier de ces textes, l'autorité de la chose jugée sur une action civile a lieu lorsque la demande nouvelle, fondée sur la même cause, est formée entre les mêmes parties, par elles ou contre elles, en la même qualité.

13. Aux termes du second, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

14. Pour infirmer le jugement en ce qu'il a débouté l'URSSAF de ses demandes, écarter l'exception de la chose jugée au civil sur le civil et condamner solidairement M. [M] et la société [3] à payer à l'URSSAF, au titre de son préjudice financier, la somme globale de 187 715, 64 euros au titre des cotisations et contributions sociales éludées sur la période 2013 - 2014, l'arrêt attaqué énonce que, devant la juridiction répressive, l'URSSAF sollicite l'indemnisation de son préjudice résultant de l'infraction de travail dissimulé alors que devant la juridiction civile, elle demandait le paiement des cotisations sociales, majorations et pénalités de retard, de sorte que l'objet du litige est différent devant les deux juridictions.

15. Les juges ajoutent que la société [3] n'a jamais entrepris le moindre remboursement à la suite du jugement du tribunal des affaires sociales et qu'ainsi, l'URSSAF, non désintéressée, est fondée à solliciter la réparation de son préjudice.

16. En prononçant ainsi, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.

17. En effet, d'une part, il ressort des mentions du jugement du tribunal des affaires sociales que M. [M] est intervenu volontairement devant celui-ci en qualité de gérant de la société [3]. Il s'ensuit qu'il avait la même qualité de partie à l'instance devant cette juridiction et devant le juge pénal.

18. D'autre part, la cour d'appel ne pouvait pas, sans se contredire ou mieux s'en expliquer, retenir que l'action de l'URSSAF devant le tribunal des affaires sociales et celle devant le juge pénal avaient une cause et un objet différents alors qu'il résultait de ses propres énonciations que la demande dont elle était saisie, formée entre les mêmes parties, tendait à obtenir le paiement des cotisations éludées qui avait déjà fait l'objet d'une condamnation devant le juge civil.

19. Il s'ensuit que la cassation est encourue de ce chef.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

Sur les pourvois formés par les sociétés [1], [2] ainsi que par M. [V]

CONSTATE la déchéance des pourvois ;

Sur les pourvois formés par M. [M] et la société [3] :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 12 octobre 2020, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre janvier deux mille vingt-trois.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 20-87266
Date de la décision : 24/01/2023
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 12 octobre 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 24 jan. 2023, pourvoi n°20-87266


Composition du Tribunal
Président : M. Bonnal (président)
Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Marlange et de La Burgade

Origine de la décision
Date de l'import : 31/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:20.87266
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