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14/12/2022 | FRANCE | N°21-23129

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 14 décembre 2022, 21-23129


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 décembre 2022

Cassation partielle

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 886 FS-B

Pourvoi n° Z 21-23.129

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 DÉCEMBRE 2022

La société Akwel, société anonyme, dont l

e siège est [Adresse 5], a formé le pourvoi n° Z 21-23.129 contre l'arrêt rendu le 6 juillet 2021 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile B ...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 décembre 2022

Cassation partielle

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 886 FS-B

Pourvoi n° Z 21-23.129

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 DÉCEMBRE 2022

La société Akwel, société anonyme, dont le siège est [Adresse 5], a formé le pourvoi n° Z 21-23.129 contre l'arrêt rendu le 6 juillet 2021 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile B - expropriations), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société TSA, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ au commissaire du gouvernement, représenté par le directeur régional des finances publiques du département de [Localité 6], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, domicilié [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Farrenq-Nési, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Akwel, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société TSA, et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Farrenq-Nési, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, MM. Jacques, Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Brun, Vernimmen, conseillers référendaires, Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 6 juillet 2021), par arrêté du 22 septembre 2015, le préfet de [Localité 6] a institué des servitudes d'utilité publique (SUP) sur un site anciennement exploité comme fonderie par la société Thomson-Brandt en raison d'une pollution aux hydrocarbures, métaux et solvants chlorés constatée dans les sols et au droit de ces sites.

2. Cette servitude s'applique aux parcelles cadastrées [Cadastre 7], [Cadastre 3] et [Cadastre 4], propriété de la société Akwel, qui y exploite une activité de transformation de matières plastiques relevant de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement.

3. L'article 2 de l'arrêté édicte des restrictions d'usage des sols au droit du site et notamment l'interdiction des usages et aménagements de type « résidentiel » ou assimilés.

4. L'article 3 institue des servitudes relatives à l'usage de la nappe phréatique, aux conduites d'alimentation en eau potable, à l'encadrement des travaux d'excavation et d'affouillement et à l'intégrité des revêtements.

5. A la suite du refus de sa demande d'indemnisation, la société Akwel a saisi le juge de l'expropriation, sur le fondement de l'article L. 515-11 du code de l'environnement, pour obtenir la condamnation de la société TSA, dernier exploitant de la fonderie, à l'indemniser du préjudice résultant de l'institution des SUP, au titre de la perte de valeur vénale et du coût de la franchise locative.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches, et sur le second moyen, réunis

Enoncé des moyens

6. Par son premier moyen, la société Akwel fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'indemnité, alors :

« 1°/ que lorsque l'institution de servitudes d'utilité publique destinées à prévenir les risques de pollution entraîne un préjudice direct, matériel et certain pour le propriétaire d'une installation classée pour la protection de l'environnement, elle ouvre droit à son indemnisation par l'exploitant à l'origine de ces risques ; qu'il suffit à cet égard, pour constater l'existence d'un préjudice lié à la dépréciation du terrain supportant l'installation, de constater que celui-ci a perdu, du fait de ces servitudes, l'un des usages qu'il était possible de lui affecter, sans qu'il importe de savoir si le propriétaire avait effectivement envisagé d'entreprendre des démarches afin de convertir son fonds à cet usage ; qu'en l'espèce, la société Akwel faisait valoir que l'instauration de servitudes d'utilité publique sur son terrain avait entraîné une perte de constructibilité, notamment dans la perspective d'une éventuelle conversion en usage d'habitation, et que cette perte d'usage possible était à l'origine d'une dépréciation de sa propriété ; qu'en opposant qu'il n'était pas démontré que la société Akwel avait envisagé de reconvertir ses terrains à un usage d'habitation, quand la perte de valeur de son terrain ne dépendait pas de la volonté de son propriétaire d'en modifier l'usage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 515-11 du code de l'environnement ;

2°/ que la société Akwel faisait en outre valoir que l'arrêté du 22 septembre 2015 instituant des servitudes destinées à prévenir les risques de pollution sur son terrain avait révélé l'existence de ces risques aux yeux d'éventuels acquéreurs ou locataires, et que cette circonstance était également de nature à minorer la valeur de son terrain ; qu'en opposant que la société Akwel ne pouvait sérieusement soutenir que la servitude nouvelle serait à l'origine de la mauvaise perception de son bien en termes de risque pour la santé et de la sécurité des personnes, pour cette raison qu'elle exploitait elle-même des installations classées pour la protection de l'environnement depuis 1997, sans rechercher si l'institution de ces servitudes nouvelles n'avait pas à tout le moins aggravé cette perception par rapport à un terrain qui n'était auparavant assujetti à aucune de ces servitudes d'utilité publique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 515-11 du code de l'environnement. »

7. Par son second moyen, la société Akwel fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 1°/ que les juges saisis d'une demande d'indemnité en raison de l'institution de servitudes d'utilité publique destinées à prévenir les risques de pollution doivent se placer, pour déterminer l'usage possible du bien, à la date de référence fixée à un an avant l'ouverture de l'enquête publique ou, à défaut, à un an avant la consultation des propriétaires ; qu'en l'espèce, les juges ont eux-mêmes constaté que le respect de cette règle impliquait d'examiner l'usage possible du bien à la date du 14 janvier 2014, soit un an avant la date de consultation des propriétaires ; qu'en retenant néanmoins, pour écarter l'existence d'un préjudice, que l'expert relevait dans son rapport du 18 septembre 2018 que, dans son état existant à cette date, le site ne recélait pratiquement plus aucune réserve de constructibilité, et en se référant encore à une réponse de la commune du 26 juin 2018 qui informait sur le statut du terrain au regard des documents d'urbanisme existant à cette date, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article L. 515-11 et L. 515-12 du code de l'environnement ;

2°/ que, en se déterminant sur la base d'éléments relatifs à la situation existante du bien au cours de l'année 2018, après avoir pourtant constaté qu'il convenait de se placer à la date du 14 janvier 2014 pour déterminer l'usage de ce bien, la cour d'appel a privé a statué par des motifs inopérants, privant sa décision de base légale au regard des articles L. 515-11 et L. 515-12 du code de l'environnement. »

Réponse de la Cour

8. Il résulte de l'application combinée des articles L. 515-12 et L. 515-11 du code de l'environnement que, pour protéger les intérêts environnementaux mentionnés à l'article L. 511-1 du même code, des servitudes d'utilité publique prévues à l'article L. 515-8 de ce code peuvent être instaurées sur des terrains pollués par l'exploitation d'une installation classée pour la protection de l'environnement.

9. Lorsque l'institution des servitudes prévues entraîne un préjudice direct, matériel et certain, elle ouvre droit à une indemnité au profit des propriétaires, des titulaires de droits réels ou de leurs ayants droit.

10. Pour l'estimation du préjudice, seul est pris en considération l'usage possible des immeubles et droits immobiliers un an avant la date d'ouverture de l'enquête publique, ou, lorsqu'il n'est pas procédé à une telle enquête, avant la date de consultation des propriétaires.

11. En premier lieu, le moyen qui reproche à la cour d'appel de s'être déterminée sur la base d'éléments relatifs à la situation du bien au cours de l'année 2018 est incompatible avec la position soutenue par la société Akwel devant les juges du fond, celle-ci ayant repris les caractéristiques du site décrites dans le rapport d'expertise du 18 septembre 2018, en précisant que depuis son acquisition en 1997 aucune modification des bâtiments ni travaux n'avaient eu lieu.

12. En deuxième lieu, la cour d'appel a relevé qu'une partie du tènement était en zone naturelle non constructible et, au vu d'une réponse de la commune en date du 26 juin 2018 sur l'application du plan local d'urbanisme révisé le 23 septembre 2011, que pour le reste, situé en zone périphérique pavillonnaire du plan d'urbanisme, toute réaffectation du site à usage d'habitation ou résidentiel était subordonnée au préalable à la démolition des installations et à la dépollution du site industriel.

13. Ayant exactement retenu que la date de référence à prendre en compte pour l'application des dispositions combinées des articles L. 515-11 et L. 515-12 du code de l'environnement était celle du 14 janvier 2014, la cour d'appel a relevé que la société Akwel ne justifiait pas, en l'état de la situation du bien et de ses caractéristiques à cette date, d'un usage possible d'habitation ou résidentiel.

14. En troisième lieu, la cour d'appel a relevé que l'arrêté du 22 septembre 2015 prévoyait que les activités de type industriel, commercial ou tertiaire étaient autorisées, que la réalisation de fondations n'était pas proscrite et retenu que, dans son état existant, le site ne recélait plus aucune réserve de constructibilité, compte tenu du bâti existant, de la nécessité de maintenir des voies de circulation et aires de livraison, le tout indispensable à l'activité exercée et plus généralement à toute activité avec manutention de marchandises.

15. Dès lors qu'il résultait de ses constatations que l'activité industrielle pouvait être poursuivie sur le site et que sa réaffectation à un usage d'habitation n'était pas possible à la date de référence, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise sur l'incidence des SUP sur la perception du bien, a pu retenir qu'aucune indemnité n'était due à la société Akwel pour perte de valeur vénale du bien du fait des restrictions d'usage des sols au droit du site définies à l'article 2 de l'arrêté préfectoral du 22 septembre 2015.

16. Le moyen, pour partie irrecevable, n'est donc pas fondé pour le surplus.

Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

17. La société Akwel fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'indemnité, alors « que la société Akwel ajoutait que, en toute hypothèse, les contraintes résultant de l'instauration de servitudes d'utilité publique en raison de l'exploitation sur son terrain d'une installation classée pour la protection de l'environnement avait entraîné une perte de jouissance liée notamment à l'obligation de garantir un droit d'accès pour l'inspection des piézomètres, à l'interdiction d'utiliser l'eau de la nappe phréatique, ou encore à l'obligation d'isoler les terrains contaminés de futures conduites d'eau potable : qu'en opposant sur ce point que la société Akwel ne rapportait pas la preuve qu'elle avait envisagé de vendre ou de louer son terrain, quand la perte de jouissance du propriétaire et la perte de valeur qui en résulte pour son terrain ne dépendent pas de la volonté de le vendre ou de le louer, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, privant à nouveau sa décision de base légale au regard de l'article L. 515-11 du code de l'environnement. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 515-11, alinéa 1, du code de l'environnement :

18. Selon ce texte, lorsque l'institution des servitudes prévues à l'article L. 515-8 entraîne un préjudice direct, matériel et certain, elle ouvre droit à une indemnité au profit des propriétaires, des titulaires de droits réels ou de leurs ayants droit.

19. Pour rejeter la demande d'indemnisation d'une perte de valeur vénale ou d'une franchise locative à consentir du fait des contraintes d'exploitation du site liées aux servitudes instituées à l'article 3 de l'arrêté préfectoral du 22 septembre 2015, l'arrêt retient que la société Akwel ne rapporte pas la preuve qu'elle avait envisagé de vendre son tènement à usage industriel ou de le louer.

20. En statuant ainsi, par un motif inopérant pour exclure tout préjudice du propriétaire à ce titre, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande d'indemnité de la société Akwel au titre des contraintes liées aux servitudes instituées à l'article 3 de l'arrêté préfectoral du 22 septembre 2015, l'arrêt rendu le 6 juillet 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée.

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la société Akwel

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt attaqué par la société AKWEL encourt la censure ;

EN CE QU' il a débouté la société AKWEL de sa demande d'indemnité ;

ALORS QUE, premièrement, lorsque l'institution de servitudes d'utilité publique destinées à prévenir les risques de pollution entraîne un préjudice direct, matériel et certain pour le propriétaire d'une installation classée pour la protection de l'environnement, elle ouvre droit à son indemnisation par l'exploitant à l'origine de ces risques ; qu'il suffit à cet égard, pour constater l'existence d'un préjudice lié à la dépréciation du terrain supportant l'installation, de constater que celui-ci a perdu, du fait de ces servitudes, l'un des usages qu'il était possible de lui affecter, sans qu'il importe de savoir si le propriétaire avait effectivement envisagé d'entreprendre des démarches afin de convertir son fonds à cet usage ; qu'en l'espèce, la société AKWEL faisait valoir que l'instauration de servitudes d'utilité publique sur son terrain avait entraîné une perte de constructibilité, notamment dans la perspective d'une éventuelle conversion en usage d'habitation, et que cette perte d'usage possible était à l'origine d'une dépréciation de sa propriété ; qu'en opposant qu'il n'était pas démontré que la société AKWEL avait envisagé de reconvertir ses terrains à un usage d'habitation, quand la perte de valeur de son terrain ne dépendait pas de la volonté de son propriétaire d'en modifier l'usage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 515-11 du code de l'environnement ;

ALORS QUE, deuxièmement, la société AKWEL faisait en outre valoir que l'arrêté du 22 septembre 2015 instituant des servitudes destinées à prévenir les risques de pollution sur son terrain avait révélé l'existence de ces risques aux yeux d'éventuels acquéreurs ou locataires, et que cette circonstance était également de nature à minorer la valeur de son terrain ; qu'en opposant que la société AKWEL ne pouvait sérieusement soutenir que la servitude nouvelle serait à l'origine de la mauvaise perception de son bien en termes de risque pour la santé et de la sécurité des personnes, pour cette raison qu'elle exploitait elle-même des installations classées pour la protection de l'environnement depuis 1997, sans rechercher si l'institution de ces servitudes nouvelles n'avait pas à tout le moins aggravé cette perception par rapport à un terrain qui n'était auparavant assujetti à aucune de ces servitudes d'utilité publique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 515-11 du code de l'environnement ;

ET ALORS QUE, troisièmement, la société AKWEL ajoutait que, en toute hypothèse, les contraintes résultant de l'instauration de servitudes d'utilité publique en raison de l'exploitation sur son terrain d'une installation classée pour la protection de l'environnement avait entraîné une perte de jouissance, liée notamment à l'obligation de garantir un droit d'accès pour l'inspection des piézomètres, à l'interdiction d'utiliser l'eau de la nappe phréatique, ou encore à l'obligation d'isoler des terrains contaminés de futures conduites d'eau potable ; qu'en opposant sur ce point que la société AKWEL ne rapportait pas la preuve qu'elle avait envisagé de vendre ou de louer son terrain, quand la perte de jouissance du propriétaire, et la perte de valeur qui en résulte pour son terrain, ne dépendent pas de la volonté de le vendre ou de le louer, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, privant à nouveau sa décision de base légale au regard de l'article L. 515-11 du code de l'environnement.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt attaqué par la société AKWEL encourt la censure ;

EN CE QU' il a débouté la société AKWEL de sa demande d'indemnité ;

ALORS QUE, premièrement, les juges saisis d'une demande d'indemnité en raison de l'institution de servitudes d'utilité publique destinées à prévenir les risques de pollution doivent se placer, pour déterminer l'usage possible du bien, à la date de référence fixée à un an avant l'ouverture de l'enquête publique ou, à défaut, à un an avant la consultation des propriétaires ; qu'en l'espèce, les juges ont eux-mêmes constaté que le respect de cette règle impliquait d'examiner l'usage possible du bien à la date du 14 janvier 2014, soit un an avant la date de consultation des propriétaires ; qu'en retenant néanmoins, pour écarter l'existence d'un préjudice, que l'expert relevait dans son rapport du 18 septembre 2018 que, dans son état existant à cette date, le site ne recélait pratiquement plus aucune réserve de constructibilité, et en se référant encore à une réponse de la commune du 26 juin 2018 qui informait sur le statut du terrain au regard des documents d'urbanisme existant à cette date, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article L. 515-11 et L. 515-12 du code de l'environnement ;

ET ALORS QUE, deuxièmement, et en tout cas, en se déterminant sur la base d'éléments relatifs à la situation existante du bien au cours de l'année 2018, après avoir pourtant constaté qu'il convenait de se placer à la date du 14 janvier 2014 pour déterminer l'usage de ce bien, la cour d'appel a privé a statué par des motifs inopérants, privant sa décision de base légale au regard des articles L. 515-11 et L. 515-12 du code de l'environnement.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 21-23129
Date de la décision : 14/12/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

PROTECTION DE LA NATURE ET DE L'ENVIRONNEMENT - Installations classées - Création de servitudes d'utilité publique - Préjudice - Indemnisation - Conditions - Détermination

Selon l'article L. 515-11, alinéa 1, du code de l'environnement, lorsque l'institution des servitudes d'utilité publique sur des terrains pollués, prévues à l'article L. 515-8, entraîne un préjudice direct, matériel et certain, elle ouvre droit à une indemnité au profit des propriétaires, des titulaires de droits réels ou de leurs ayants droit. Justifie légalement sa décision une cour d'appel qui retient qu'aucune indemnité n'est due en raison de l'institution d'une telle servitude portant interdiction des usages et aménagements de type résidentiel ou assimilés, dès lors qu'il résulte de ses constatations que l'activité industrielle pouvait être poursuivie sur le site et que sa réaffectation à un usage d'habitation n'était pas possible à la date de référence. En revanche, prive de base légale sa décision, la cour d'appel qui rejette la demande d'indemnisation de la perte de valeur vénale du terrain en raison des contraintes d'exploitation liées à l'institution des servitudes d'utilité publique, au motif inopérant que le propriétaire ne rapporte pas la preuve de son intention de vendre ou louer le bien


Références :

Articles L. 515-11, alinéa 1, du code de l'environnement.

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 06 juillet 2021

3e Civ., 3 décembre 2008, pourvoi n° 07-17879, Bull. 2008, III, n° 196 (rejet) ;

3e Civ., 15 décembre 2010, pourvoi n° 09-15171, Bull. 2010, III, n° 222 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 14 déc. 2022, pourvoi n°21-23129, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Teiller
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.23129
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