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07/12/2022 | FRANCE | N°21-13261

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 07 décembre 2022, 21-13261


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

BD4

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 7 décembre 2022

Cassation

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1299 F-D

Pourvoi n° Y 21-13.261

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 7 DÉCEMBRE 2022

La société Baudin Chateauneuf, soc

iété anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Y 21-13.261 contre l'arrêt rendu le 13 janvier 2021 par la cour d'appel de Paris...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

BD4

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 7 décembre 2022

Cassation

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1299 F-D

Pourvoi n° Y 21-13.261

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 7 DÉCEMBRE 2022

La société Baudin Chateauneuf, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Y 21-13.261 contre l'arrêt rendu le 13 janvier 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 3), dans le litige l'opposant à M. [R] [L], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Le Lay, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Baudin Chateauneuf, de Me Isabelle Galy, avocat de M. [L], après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Le Lay, conseiller rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 janvier 2021), M. [L] a été licencié pour faute grave par la société Baudin Chateauneuf alors qu'il occupait en dernier lieu les fonctions de directeur commercial et développement export.

2. Postérieurement au jugement prud'homal ayant déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse, le magistrat de la cour d'appel, chargé d'instruire la procédure, a ordonné le 16 décembre 2009 un sursis à statuer jusqu'à ce qu'une décision définitive soit rendue dans l'instance pénale pendante devant le juge d'instruction initiée sur constitution de partie civile de la société pour des faits délictueux commis en France, au Cameroun et au Tchad, a ordonné la radiation de l'affaire et dit qu'elle sera rétablie à l'issue du sursis à statuer, à la demande de la partie la plus diligente et sur production de la décision définitive mettant fin à l'instance pendante devant la juridiction pénale.

3. Le magistrat de la mise en état, constatant que l'instruction pénale était toujours en cours, a ordonné, le 10 janvier 2012, la radiation du rôle de la cour d'appel, dit qu'elle pourra être rétablie au vu d'un bordereau de communication des pièces, d'un exposé écrit des demandes de l'appelant et de ses moyens, et des conclusions de l'intimé, ces diligences étant prescrites à peine de péremption de l'instance.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui est irrecevable.

Mais sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. La société fait grief à l'arrêt de prononcer la péremption de l'instance, alors « que la suspension de l'instance emporte celle du délai de péremption lorsqu'elle est la conséquence d'une décision de sursis à statuer jusqu'à la survenance d'un événement déterminé et qu'un nouveau délai court à compter de la réalisation de cet événement ; que par une ordonnance du 16 décembre 2009, le magistrat chargé d'instruire l'affaire a dit qu'il sera sursis à statuer sur l'appel interjeté par la société jusqu'à ce qu'une décision définitive soit rendue dans l'instance pénale pendante devant le juge d'instruction près le tribunal de grande instance d'Orléans ; qu'en retenant que la péremption était acquise, faute d'accomplissement des diligences prescrites par une ordonnance de radiation du 10 janvier 2012 et qu'il était inopérant de soutenir que le réenrôlement ne pouvait se faire qu'après la décision définitive rendue, soit l'arrêt de la Cour de cassation du 4 décembre 2019, dans l'instance pénale pendante, quand l'ordonnance de radiation du rôle était sans effet sur la suspension de l'instance et l'interruption de la péremption résultant de la décision antérieure de sursis à statuer, la cour d'appel a violé les articles 377, 386 et 392, alinéa 2, du code de procédure civile, ensemble l'article R. 1452-8 du code du travail dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-660 du 20 mai 2016. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 377, 378, 392 alinéas 1 et 2 du code de procédure civile et R. 1452-8 du code du travail dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 :

6. Il résulte de ces textes qu'une ordonnance de radiation est sans effet sur la suspension de l'instance résultant d'une décision antérieure de sursis à statuer jusqu'à la survenance d'un événement déterminé.

7. Pour prononcer la péremption de l'instance, l'arrêt retient que l'ordonnance du 10 janvier 2012 prescrivait expressément des diligences, qu'aucune n'a été effectuée et que ce n'est que le 23 décembre 2019 que la société a transmis ses conclusions et pièces et sollicité le rétablissement de l'affaire. Il ajoute que la procédure en cours devant la juridiction pénale et les diligences éventuellement effectuées en tant que partie civile dans le cadre de la procédure pénale n'autorisaient pas la société à s'abstenir de toute diligence dans le cadre de la procédure prud'homale dès lors que l'ordonnance de radiation avait précisément prescrit des diligences à accomplir sous peine de péremption. Il relève enfin qu'il appartenait à tout le moins aux parties, ou à la plus diligente d'entre elles, d'informer la cour sur l'évolution de la procédure pénale en cours, et de déposer des écritures, ne serait-ce que pour informer la cour saisie de l'appel en matière prud'homale et solliciter le cas échéant un renvoi de l'examen de l'affaire à une nouvelle date.

8. En statuant ainsi, alors que l'ordonnance du 16 décembre 2009 de sursis à statuer dans l'attente d'une décision pénale définitive, avait interrompu le délai de péremption jusqu'à la survenance de cet événement, soit jusqu'à l'arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 4 décembre 2019, en sorte que les parties n'avaient aucune diligence à accomplir jusqu'à cette date, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne M. [L] aux dépens ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille vingt-deux, et signé par M. Seguy, conseiller en ayant délibéré en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 1021 du code de procédure civile.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat aux Conseils, pour la société Baudin Chateauneuf

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR prononcé la péremption de l'instance ;

AUX MOTIFS QUE Sur la péremption d'instance : en vertu des dispositions de l'article 1452-8 du code du travail, dans sa version ici applicable, l'instance est périmée, en matière prud'homale, lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir, pendant le délai de deux ans prévu par l'article 386 du code de procédure civile, les diligences expressément mises à leur charge par la juridiction. ; en l'espèce, suite à l'ordonnance de sursis à statuer du 16 décembre 2009 : la cour d'appel a convoqué les parties à une audience fixée au 10 janvier 2012 afin de faire le point sur le dossier ; le 9 janvier 2012, le conseil de la société Baudin Châteauneuf adressait une télécopie au président pour indiquer qu'il ne se rendrait pas à l'audience fixée le lendemain et que, selon lui, le sursis à statuer restait d'actualité. Il ajoutait qu'il ''serait peut-être utile de prévoir un nouveau point sur l'ordonnance dans un an'' ; le magistrat chargé d'instruire l'affaire prononçait alors une ''ordonnance de radiation du rôle'' le 10 janvier 2012 prévoyant des diligences expressément mises à la charge des parties à peine de péremption de l'instance ; cette ordonnance de radiation prévoyait que l'affaire pouvait être rétablie au vu : - de la production d'un bordereau de communication des pièces, - d'un exposé écrit des demandes de l'appelant et de ses moyens et des conclusions de l'intimé ; l'ordonnance notifiée le 12 janvier 2012 indiquait expressément que ces diligences sont prescrites à peine de péremption de la présente instance, soit dans un délai de deux ans ; or, il ressort des pièces produites qu'aucune diligence n'a été effectuée dans le cadre de cette instance à compter de la notification de l'ordonnance ; ce n'est en effet que le 23 décembre 2019, soit près de 8 ans après la radiation que la société Baudin Châteauneuf a transmis des conclusions et pièces devant la cour d'appel et a sollicité le rétablissement de l'affaire ; à cet égard, la société BAUDIN CHATEAUNEUF soutient de façon inopérante que le réenrôlement ne pouvait se faire qu'après décision définitive rendue dans l'instance pénale pendante et que, lorsqu'un arrêt de la Cour de cassation a été rendu le 04 décembre 2019 et que les pièces de l'instruction lui ont été transmises, elle a réenrôlé l'affaire ; en effet, la procédure en cours devant la juridiction pénale et les diligences éventuellement effectuées en tant que partie civile dans le cadre de la procédure pénale n'autorisaient pas la société Baudin Châteauneuf à s'abstenir de toute diligence dans le cadre de la procédure prud'homale dès lors que l'ordonnance de radiation avait précisément prescrit des diligences à accomplir sous peine de péremption ; il appartenait à tout le moins aux parties, ou à la plus diligente d'entre elles, d'informer la cour sur l'évolution de la procédure pénale en cours, et de déposer des écritures, ne serait-ce que pour informer la cour saisie de l'appel en matière prud'homale et solliciter le cas échéant un renvoi de l'examen de l'affaire à une nouvelle date ; en l'absence de toute diligence malgré les prescriptions résultant de l'ordonnance susvisée, la péremption, qui a été régulièrement sollicitée par M. [L], est ici, de droit ;

1) ALORS QUE la suspension de l'instance emporte celle du délai de péremption lorsqu'elle est la conséquence d'une décision de sursis à statuer jusqu'à la survenance d'un évènement déterminé et qu'un nouveau délai court à compter de la réalisation de cet évènement ; que par une ordonnance du 16 décembre 2009, le magistrat chargé d'instruire l'affaire a dit qu'il sera sursis à statuer sur l'appel interjeté par la société Baudin Châteauneuf jusqu'à ce qu'une décision définitive soit rendue dans l'instance pénale pendante devant le juge d'instruction près le tribunal de grande instance d'Orléans ; qu'en retenant que la péremption était acquise faute d'accomplissement des diligences prescrites par une ordonnance de radiation du 10 janvier 2012 et qu'il était inopérant de soutenir que le réenrôlement ne pouvait se faire qu'après la décision définitive rendue, soit l'arrêt de la Cour de cassation du 4 décembre 2019, dans l'instance pénale pendante, quand l'ordonnance de radiation du rôle était sans effet sur la suspension de l'instance et l'interruption de la péremption résultant de la décision antérieure de sursis à statuer, la cour d'appel a violé les articles 377, 386 et 392, alinéa 2, du code de procédure civile, ensemble l'article R. 1452-8 du code du travail décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 ;

2) ALORS QUE tout justiciable doit bénéficier du droit concret et effectif d'accès au juge ; que la règlementation relative aux formalités à respecter pour former un recours, comme l'application qui en est faite, ne doivent pas avoir pour conséquence d'empêcher le justiciable d'utiliser une voie de recours disponible ; que les tribunaux et cours doivent, lorsqu'ils appliquent les règles de procédure, éviter un excès de formalisme et ne pas porter au droit effectif d'accès au juge une atteinte disproportionnée au regard du but légitime poursuivi par la règle appliquée ; que les règles régissant l'exercice des recours ne doivent pas être excessivement complexes ni de nature à induire le justiciable ; qu'en l'espèce, il était constant que la société Baudin Châteauneuf avait toujours été diligente dans l'instance pénale ayant justifié le sursis à statuer dans l'instance prud'homale jusqu'au prononcé d'une décision définitive dans l'instance pénale ; qu'il était tout aussi constant qu'elle avait diligemment sollicité le réenrôlement dans l'instance prud'homale dès qu'une décision définitive avait été rendue dans le procès pénal, puisqu'elle l'avait fait seulement quelques jours après la décision de la chambre criminelle de la Cour de cassation rend définitive la condamnation pénale du salarié ; qu'en retenant pourtant la péremption dans ces circonstances, notamment au motif qu'il importait peu que la société ait accompli des diligences dans l'instance pénale ayant justifié le prononcé du sursis à statuer, tandis que la société ne pouvait raisonnablement se voir reprocher de ne pas avoir accompli de diligences dans l'instance prud'homale tant que l'instance pénale fondant le sursis à statuer n'avait pas trouvé son issue définitive, la cour d'appel a porté une atteinte injustifiée et disproportionnée à la substance du droit effectif au recours au regard du but légitime poursuivi par les règles régissant la péremption, et violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21-13261
Date de la décision : 07/12/2022
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 13 janvier 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 07 déc. 2022, pourvoi n°21-13261


Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Isabelle Galy, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet

Origine de la décision
Date de l'import : 13/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.13261
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