LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 1er décembre 2022
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 1192 FS-B+R
Pourvoi n° J 21-19.343
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER DÉCEMBRE 2022
La société AXA France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 21-19.343 contre l'arrêt rendu le 20 mai 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-3), dans le litige l'opposant à la société A La Bonne franquette, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Besson, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société AXA France IARD, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société A La Bonne franquette, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Besson, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, M. Martin, Mmes Chauve, Isola, conseillers, MM. Ittah, Pradel, Mmes Brouzes, Philippart, conseillers référendaires, M. Grignon Dumoulin, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 20 mai 2021), la société A La Bonne franquette, exploitant un fonds de commerce de restaurant, a souscrit le 21 juillet 2017 auprès de la société AXA France IARD (l'assureur) un contrat d'assurance « multirisque professionnelle » incluant une garantie « protection financière ».
2. A la suite d'un arrêté, publié au Journal officiel le 15 mars 2020, portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19, qui a édicté notamment l'interdiction pour les restaurants et débits de boissons d'accueillir du public du 15 mars 2020 au 15 avril 2020, prorogée jusqu'au 2 juin 2020 par décret n° 2020-423 du 14 avril 2020, la société A La Bonne franquette a effectué une déclaration de sinistre auprès de l'assureur afin d'être indemnisée de ses pertes d'exploitation en application d'une clause du contrat stipulant que : « La garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :
1. La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous-même.
2. La décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication ».
3. L'assureur a refusé de garantir le sinistre en faisant valoir que l'extension de garantie ne pouvait pas être mise en oeuvre, en raison de la clause excluant : «... les pertes d'exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ».
4. La société A La Bonne franquette a effectué une seconde déclaration de sinistre à la suite d'une nouvelle fermeture administrative ordonnée à compter du 30 octobre 2020, par décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020.
5. Elle a assigné l'assureur devant un tribunal de commerce à fin de garantie.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa neuvième branche
Enoncé du moyen
6. L'assureur fait grief à l'arrêt de dire qu'il doit garantir la société A La Bonne franquette des pertes d'exploitation subies à la suite des fermetures administratives ordonnées en raison de l'épidémie de Covid-19 et de le condamner à payer à l'assuré diverses sommes à titre de provisions à valoir sur son indemnisation, alors « qu'en jugeant que la clause d'exclusion litigieuse devait être réputée non écrite en application de l'article 1170 du code civil, quand la validité de cette clause était régie par un texte spécial, à savoir l'article L. 113-1 du code des assurances, la cour d'appel a violé l'article 1170 du code civil par fausse application. »
Réponse de la Cour
7. L'assureur ne saurait faire grief à la cour d'appel d'avoir retenu que la clause d'exclusion devait être réputée non écrite sur le fondement de l'article 1170 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable au litige, dès lors qu'elle a également jugé que la clause d'exclusion litigieuse ne satisfaisait pas aux conditions de l'article L.113-1 du code des assurances prévoyant que les exclusions de garantie doivent être formelles et limitées.
8. Le moyen est, dès lors, inopérant.
Mais sur le moyen, pris en ses trois premières branches
Enoncé du moyen
9. L'assureur fait les mêmes griefs à l'arrêt, alors :
« 1°/ que l'absence de définition contractuelle des termes "épidémie", "maladie contagieuse" et "intoxication" ne rend pas la clause d'exclusion imprécise dès lors que ces termes ne figurent pas dans cette clause et que ladite clause s'applique en cas de fermeture administrative d'au moins un autre établissement sur le même territoire départemental pour une "cause identique", de sorte qu'il suffit de rapprocher la cause de fermeture des établissements, ce qui est suffisamment clair et précis, chacun étant à même de connaître la cause ayant justifié, selon l'autorité administrative tenue de motiver ses décisions en fait et en droit, ces fermetures et leur nombre ; qu'ainsi, à supposer même - ce qui est contesté - que les contours de la cause de fermeture (l'épidémie) soient flous du fait que le terme "épidémie" ne soit pas défini dans le contrat, cela n'affecte aucunement la précision de la clause d'exclusion, dont l'application dépend uniquement de savoir si les fermetures administratives ont une "cause identique", soit en l'occurrence si elles sont fondées sur la même épidémie, quelle que soit la nature, l'origine ou l'étendue de cette épidémie ; qu'en jugeant que la clause d'exclusion n'était pas formelle du fait de l'absence de définition contractuelle du terme "épidémie" et de la prétendue nécessité d'interpréter ce terme, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances ;
2°/ que si une clause d'exclusion n'est valable qu'à la condition d'être formelle et limitée, en revanche, le degré de précision dans les termes employés pour définir le risque couvert n'est pas encadré par la loi et relève de la liberté contractuelle ; qu'en énonçant que "la nature et la portée des garanties incluses dans le contrat d'assurance doivent être claires, limitées et compréhensibles pour celui qui contracte, de nature à permettre à l'assuré de connaître l'étendue des garanties incluses dans le contrat d'assurance qu'il a souscrit", pour en déduire l'absence de caractère formel de la clause d'exclusion litigieuse du fait de la prétendue nécessité d'interpréter le terme "épidémie", qui ne figure pourtant pas dans cette clause mais dans la clause relative à l'objet de la garantie, la cour d'appel, qui a étendu le régime des exclusions de garantie à la clause définissant l'objet de la garantie, a violé l'article L. 113-1 du code des assurances par fausse application ;
3°/ qu'en énonçant que "la clause d'exclusion qui fait référence à la clause de garantie en ce qu'elle vise une cause identique, ne peut être dissociée de cette dernière, et, même si elle ne figure pas dans la clause d'exclusion, la notion d'épidémie, dont l'ambiguïté est soulevée par l'assuré et qui est employée dans la clause de garantie, affecte nécessairement le caractère formel de cette clause puisqu'elle est un élément constitutif de l'exclusion de garantie dont l'application est revendiquée par l'assureur", pour en déduire que l'imprécision de la notion d'"épidémie" rendait la clause d'exclusion litigieuse non formelle, quand cette notion relève de la clause relative à l'objet de la garantie, et non pas de la clause d'exclusion litigieuse, dont le critère d'application repose sur l'identité de cause à la fermeture des établissements, ce qui est précis, quel que soit le sens retenu pour telle ou telle cause, notamment pour l'épidémie, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 113-1 du code des assurances :
10. Il résulte de ce texte que seules les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées.
11. Une clause d'exclusion n'est pas formelle lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation.
12. Pour dire que l'assureur doit garantir la société A La Bonne franquette des pertes d'exploitation subies à la suite des fermetures administratives ordonnées en raison de l'épidémie de Covid-19, l'arrêt, après avoir rappelé les termes de l'extension de garantie et ceux de la clause d'exclusion, retient, d'abord, que cette clause qui fait référence à la clause de garantie en ce qu'elle vise « une cause identique », ne peut être dissociée de cette dernière, et que, même si elle ne figure pas dans la clause d'exclusion, la notion d'épidémie, dont l'ambiguïté est invoquée par l'assuré et qui est employée dans la clause de garantie, affecte nécessairement le caractère formel de la clause litigieuse puisqu'elle est un élément constitutif de l'exclusion de garantie dont l'application est revendiquée par l'assureur.
13. Il énonce, ensuite, que la « cause identique » visée par la clause d'exclusion renvoie au même événement qui a conduit à la décision de fermeture administrative, défini par la clause de garantie, à savoir une maladie contagieuse, un meurtre, un suicide, une épidémie ou une intoxication, et qu'aucune définition n'est donnée dans le contrat des termes « maladie contagieuse », « épidémie » ou « intoxication ».
14. L'arrêt retient, enfin, qu'il s'infère, tant de l'étymologie du terme que des définitions qui en sont données en langue française et en vocabulaire médical, que l'épidémie est la propagation d'une maladie infectieuse à transmission interhumaine, contagieuse, à une population, c'est-à-dire à un grand nombre de personnes, et que rechercher d'autres définitions scientifiques auprès d'épidémiologistes, d'infectiologues et de l'Organisation mondiale de la santé, comme le fait l'assureur, pour démontrer qu'une épidémie peut se manifester auprès d'un petit nombre de personnes dans un espace donné comme un lieu scolaire, de travail ou de vie, démontre la nécessité d'interpréter ce terme, et en déduit l'absence de caractère formel de la clause litigieuse.
15. En statuant ainsi, alors que la circonstance particulière de réalisation du risque privant l'assuré du bénéfice de la garantie n'était pas l'épidémie mais la situation dans laquelle, à la date de la fermeture, un autre établissement faisait l'objet d'une mesure de fermeture administrative pour une cause identique à l'une de celles énumérées par la clause d'extension de garantie, de sorte que l'ambiguïté alléguée du terme « épidémie » était sans incidence sur la compréhension, par l'assuré, des cas dans lesquels l'exclusion s'appliquait, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le moyen, pris en sa dixième branche
Enoncé du moyen
16. L'assureur fait les mêmes griefs à l'arrêt, alors « que la clause d'exclusion litigieuse est limitée dès lors que seules sont exclues de la garantie les pertes d'exploitation subies par l'assurée du fait de la fermeture administrative de son établissement ordonnée pour une "cause identique" - soit la même épidémie, la même maladie contagieuse, le même meurtre, le même suicide ou la même intoxication - à celle qui a motivé la fermeture administrative - mesure qui demeure une décision exceptionnelle ne pouvant être prise que lorsqu'elle est strictement indispensable à la préservation de l'ordre public - d'au moins un autre établissement dans "le même territoire départemental", ce qui est un champ géographique suffisamment limité puisque la superficie du plus vaste des départements métropolitains (la Gironde) est inférieure à 10 000 kilomètres carrés, soit moins de 2 % de la superficie du territoire métropolitain ; que le seul fait que la clause d'exclusion se réfère à un autre établissement, "quelle que soit sa nature et son activité", ne suffit pas à la rendre illimitée et à justifier que son application soit écartée ; qu'en affirmant au contraire que l'exclusion ainsi définie n'était pas limitée, la cour d'appel a violé l'article L.113-1 du code des assurances. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 113-1 du code des assurances :
17. Il résulte de ce texte que les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées.
18. Une clause d'exclusion n'est pas limitée lorsqu'elle vide la garantie de sa substance, en ce qu'après son application elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire.
19. Pour statuer comme il le fait, l'arrêt retient que les risques épidémiques évoqués par l'assureur, susceptibles de ne toucher qu'un seul établissement au sein d'un département et ainsi mobiliser la garantie, comme la listériose, la salmonellose ou la légionellose, qui ne sont pas des maladies transmissibles interhumaines, à l'inverse de la peste, du choléra, de la variole ou de la Covid-19, n'entrent pas dans le champ de la définition de l'épidémie et que d'autres risques épidémiques comme la fièvre typhoïde et la gastro-entérite constituent des événements garantis, par ailleurs, en cas de fermeture de l'établissement pour cause de maladies contagieuses.
20. Il ajoute que le cas théorique d'un éventuel « cluster » de l'épidémie de Covid-19 isolé et limité à un seul établissement dans un même territoire départemental, évoqué par l'assureur et qui permettrait l'application de la garantie, est purement fictif et n'est pas avéré à ce jour.
21. Il en déduit qu'au regard de l'absence de risque couvert par la garantie des pertes d'exploitation en cas d'épidémie, la clause d'exclusion vide de sa substance la garantie souscrite par l'assuré et n'apparaît pas limitée.
22. En statuant ainsi, alors que la garantie couvrait le risque de pertes d'exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à une fermeture administrative ordonnée à la suite d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication, de sorte que l'exclusion considérée, qui laissait dans le champ de la garantie les pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces autres causes ou survenue dans d'autres circonstances que celles prévues par la clause d'exclusion, n'avait pas pour effet de vider la garantie de sa substance, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
23. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt disant que l'assureur doit garantir la société A La Bonne franquette des pertes d'exploitation subies à la suite des fermetures administratives ordonnées en raison de l'épidémie de Covid-19 et condamnant l'assureur à lui payer des provisions à valoir sur l'indemnisation de ce préjudice entraîne la cassation des chefs de dispositif ordonnant une expertise et étendant la mission de l'expert, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.
Condamne la société A La Bonne franquette aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société AXA France IARD
La société AXA France IARD fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit qu'en vertu du contrat d'assurance souscrit le 21 juillet 2017, elle devait garantir la société A La Bonne Franquette des pertes d'exploitation subies à la suite de la fermeture administrative ordonnée en raison de l'épidémie de Covid-19 et de l'avoir condamnée à payer à l'assurée diverses sommes à titre de provisions à valoir sur son indemnisation ;
1) ALORS QUE l'absence de définition contractuelle des termes « épidémie », « maladie contagieuse » et « intoxication » ne rend pas la clause d'exclusion imprécise dès lors que ces termes ne figurent pas dans cette clause et que ladite clause s'applique en cas de fermeture administrative d'au moins un autre établissement sur le même territoire départemental pour une « cause identique », de sorte qu'il suffit de rapprocher la cause de fermeture des établissements, ce qui est suffisamment clair et précis, chacun étant à même de connaître la cause ayant justifié, selon l'autorité administrative tenue de motiver ses décisions en fait et en droit, ces fermetures et leur nombre ; qu'ainsi, à supposer même - ce qui est contesté - que les contours de la cause de fermeture (l'épidémie) soient flous du fait que le terme « épidémie » ne soit pas défini dans le contrat, cela n'affecte aucunement la précision de la clause d'exclusion, dont l'application dépend uniquement de savoir si les fermetures administratives ont une « cause identique », soit en l'occurrence si elles sont fondées sur la même épidémie, quelle que soit la nature, l'origine ou l'étendue de cette épidémie ; qu'en jugeant que la clause d'exclusion n'était pas formelle du fait de l'absence de définition contractuelle du terme « épidémie » et de la prétendue nécessité d'interpréter ce terme (arrêt p. 6 §§ 2-10), la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances ;
2) ALORS QUE si une clause d'exclusion n'est valable qu'à la condition d'être formelle et limitée, en revanche, le degré de précision dans les termes employés pour définir le risque couvert n'est pas encadré par la loi et relève de la liberté contractuelle ; qu'en énonçant que « la nature et la portée des garanties incluses dans le contrat d'assurance doivent être claires, limitées et compréhensibles pour celui qui contracte, de nature à permettre à l'assuré de connaître l'étendue des garanties incluses dans le contrat d'assurance qu'il a souscrit » (arrêt p. 5 § 6), pour en déduire l'absence de caractère formel de la clause d'exclusion litigieuse du fait de la prétendue nécessité d'interpréter le terme « épidémie », qui ne figure pourtant pas dans cette clause mais dans la clause relative à l'objet de la garantie, la cour d'appel, qui a étendu le régime des exclusions de garantie à la clause définissant l'objet de la garantie, a violé l'article L. 113-1 du code des assurances par fausse application ;
3) ALORS QU'en énonçant que « la clause d'exclusion qui fait référence à la clause de garantie en ce qu'elle vise une cause identique, ne peut être dissociée de cette dernière, et, même si elle ne figure pas dans la clause d'exclusion, la notion d'épidémie, dont l'ambiguïté est soulevée par l'assuré et qui est employée dans la clause de garantie, affecte nécessairement le caractère formel de cette clause puisqu'elle est un élément constitutif de l'exclusion de garantie dont l'application est revendiquée par l'assureur » (arrêt p. 5 dernier §), pour en déduire que l'imprécision de la notion d'« épidémie » rendait la clause d'exclusion litigieuse non formelle, quand cette notion relève de la clause relative à l'objet de la garantie, et non pas de la clause d'exclusion litigieuse, dont le critère d'application repose sur l'identité de cause à la fermeture des établissements, ce qui est précis, quel que soit le sens retenu pour telle ou telle cause, notamment pour l'épidémie, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances ;
4) ALORS QUE l'étendue de la garantie et le caractère formel et limité d'une clause d'exclusion de garantie s'apprécient au regard de la rédaction du contrat à la date du sinistre ; que la cour d'appel ne pouvait se fonder sur le fait qu'à la suite de l'épidémie de Covid-19, AXA avait formalisé un avenant au contrat proposé à ses assurés aux termes duquel figurait une clause d'exclusion de pertes d'exploitation pour causes d'épidémie, de pandémie et d'épizootie, en définissant clairement ces trois termes, pour en déduire que la notion de l'événement d'épidémie n'était pas jusque-là suffisamment claire et précise (arrêt p. 6 § 11), quand, d'une part, cet avenant ne remettait pas en cause la clarté et la précision de la clause d'exclusion figurant dans le contrat à la date du sinistre et, d'autre part, le fait de ne plus couvrir pour l'avenir toutes les pertes d'exploitation consécutives à une épidémie ou une pandémie ne signifiait pas pour autant qu'avant cet avenant, la garantie couvrait toutes les pertes d'exploitation consécutives à une épidémie puisque, précisément, le contrat d'assurance prévoyait uniquement l'indemnisation par AXA des conséquences de fermetures administratives « individuelles » causées par une épidémie ; qu'en statuant par un tel motif inopérant, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances ;
5) ALORS QUE l'objet même d'une clause d'exclusion de garantie étant d'exclure des pertes et dommages de la garantie, le juge ne peut affirmer qu'elle prive de substance la garantie en se bornant à constater qu'elle exclut de la garantie les pertes dont l'assuré demande l'indemnisation ; qu'en l'espèce, en déduisant que la clause d'exclusion litigieuse vidait la garantie de sa substance des seules considérations inopérantes tirées de l'absence de garantie d'un sinistre particulier (à savoir, des pertes d'exploitation subies par l'assurée du fait de mesures administratives affectant son établissement en raison de l'épidémie de Covid-19) et de ce que « le cas théorique d'un éventuel ‘cluster' de l'épidémie de Covid-19 isolé et limité à un seul établissement dans un même territoire départemental, évoqué par l'assureur et qui permettrait l'application de la garantie, est purement fictif et n'est pas avéré à ce jour » (arrêt p. 7 § 1), se livrant ainsi à une appréciation in concreto du caractère non limité de l'exclusion, au lieu de l'apprécier in abstracto, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances ;
6) ALORS, subsidiairement, QU'il est interdit au juge de dénaturer les documents de la cause ; qu'à l'appui de ses conclusions (p. 37), AXA produisait des exemples de fermetures administratives liées à un cluster de l'épidémie de Covid-19 et limitées à un seul établissement dans un même territoire départemental, à savoir d'une école dans le département de l'Ille-et-
Villaine et d'un abattoir dans le département de l'Aveyron (sa pièce n° 17 en appel) ; qu'en énonçant que « le cas théorique d'un éventuel ‘cluster' de l'épidémie de Covid-19 isolé et limité à un seul établissement dans un même territoire départemental, évoqué par l'assureur et qui permettrait l'application de la garantie, est purement fictif et n'est pas avéré à ce jour » (arrêt p. 7 § 1), la cour d'appel a dénaturé les pièces précitées et ainsi violé le principe susvisé ;
7) ALORS, en tout état de cause, QUE pour apprécier si une clause d'exclusion vide la garantie de sa substance, le juge doit rechercher quelle serait l'étendue de la garantie subsistante si la clause d'exclusion était appliquée ; qu'à supposer même qu'il soit jugé que la cour d'appel s'est livrée à une appréciation in abstracto du caractère non limité de l'exclusion en énonçant que « les risques épidémiques évoqués par la SA AXA France IARD susceptibles de ne toucher qu'un seul établissement au sein d'un département et ainsi mobiliser la garantie, comme la listériose, la salmonellose ou la légionellose, qui ne sont pas des maladies transmissibles interhumaines, à l'inverse de la peste, du choléra, de la variole ou de la Covid-19, ne rentrent pas dans le cadre de la définition de l'épidémie ci-dessus ; d'autres risques épidémiques comme la fièvre typhoïde et la gastro-entérite encore évoqués par l'assureur entrent dans le cadre d'un événement déjà garanti en cas de fermeture de l'établissement pour cause de maladies contagieuses » (arrêt p.6 dernier §), la cour d'appel n'a pas recherché s'il demeurait possible, en l'état de la clause d'exclusion litigieuse, que des pertes d'exploitation subies par l'assurée du fait de la fermeture administrative de son établissement en raison d'une épidémie demeurent garanties, ainsi que le faisait valoir AXA dans ses conclusions en produisant des définitions et des consultations scientifiques - que la cour d'appel a refusé d'examiner (arrêt p. 6 § 10) - qui établissaient qu'il était possible qu'une épidémie ne touche qu'un petit nombre de personnes dans un espace donné comme un lieu scolaire, de travail ou de vie ; que, partant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances ;
8) ALORS QUE le constat, par la cour d'appel, qu'un cluster de l'épidémie de Covid-19 limité à un seul établissement dans un même territoire départemental soit théorique et non avéré à ce jour (arrêt p. 7 § 1) est impropre à caractériser la privation de substance de l'obligation essentielle de l'assureur, dès lors que la garantie porte sur les fermetures d'établissement en cas d'épidémie en général et pas seulement d'épidémie de coronavirus ; que, partant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1170 du code civil ;
9) ALORS QU'en jugeant que la clause d'exclusion litigieuse devait être réputée non écrite en application de l'article 1170 du code civil (arrêt p. 7 § 4), quand la validité de cette clause était régie par un texte spécial, à savoir l'article L. 113-1 du code des assurances, la cour d'appel a violé l'article 1170 du code civil par fausse application ;
10) ALORS QUE la clause d'exclusion litigieuse est limitée dès lors que seules sont exclues de la garantie les pertes d'exploitation subies par l'assurée du fait de la fermeture administrative de son établissement ordonnée pour une « cause identique » - soit la même épidémie, la même maladie contagieuse, le même meurtre, le même suicide ou la même intoxication - à celle qui a motivé la fermeture administrative - mesure qui demeure une décision exceptionnelle ne pouvant être prise que lorsqu'elle est strictement indispensable à la préservation de l'ordre public - d'au moins un autre établissement dans « le même territoire départemental », ce qui est un champ géographique suffisamment limité puisque la superficie du plus vaste des départements métropolitains (la Gironde) est inférieure à 10.000 kilomètres carrés, soit moins de 2% de la superficie du territoire métropolitain ; que le seul fait que la clause d'exclusion se réfère à un autre établissement, « quelle que soit sa nature et son activité », ne suffit pas à la rendre illimitée et à justifier que son application soit écartée ; qu'en affirmant au contraire que l'exclusion ainsi définie n'était pas limitée (arrêt p. 7 § 3), la cour d'appel a violé l'article L.113-1 du code des assurances.