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23/11/2022 | FRANCE | N°19-17177

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 23 novembre 2022, 19-17177


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

SG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 23 novembre 2022

Cassation partielle

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 813 F-D

Pourvoi n° P 19-17.177

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2022

M. [H] [O], domicilié [Adresse 3], a formé le

pourvoi n° P 19-17.177 contre l'arrêt rendu le 31 janvier 2019 par la cour d'appel de Douai (chambre 8, section 4), dans le litige l'opposant :
...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

SG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 23 novembre 2022

Cassation partielle

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 813 F-D

Pourvoi n° P 19-17.177

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2022

M. [H] [O], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° P 19-17.177 contre l'arrêt rendu le 31 janvier 2019 par la cour d'appel de Douai (chambre 8, section 4), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [M] [U], épouse [B], domiciliée [Adresse 1], prise tant en son nom personnel qu'en qualité d'ayant droit de [C] [B], décédé,

2°/ à Mme [A] [B], épouse [G], domiciliée [Adresse 2],

3°/ à M. [R] [B], domicilié [Adresse 1],

4°/ à Mme [N] [B] [J], domiciliée [Adresse 4],

pris tous trois en qualité d'ayants droit de [C] [B], décédé,

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Schmitt, conseiller référendaire, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de M. [O], de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de Mmes [U], [B], de M. [B], de Mme [B] [J], après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Schmitt, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 31 janvier 2019), suivant acte notarié du 2 août 1988, [Y] [O] a loué diverses parcelles de terre à [C] [B] et Mme [M] [B], qui ont cédé le bail à Mme [A] [B], leur fille.

2. Le 11 janvier 2012, [Y] [O] a vendu lesdites parcelles à M. [H] [O], son frère, lequel a, le 12 mars 2013, donné à Mme [A] [B] congé aux fins de reprise pour le 30 septembre 2015.

3. Le 27 janvier 2016, Mme [M] [B] et [C] [B], au droit duquel se trouvent la première, M. [R] [B], Mme [N] [B] [J] et Mme [A] [B] (les consorts [B]), ont assigné M. [H] [O], en qualité d'héritier de [Y] [O], en répétition de l'indu sur le fondement de l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime.

4. [C] [B] est décédé le 2 novembre 2018.

Recevabilité du pourvoi contestée par la défense

5. La première chambre civile de la Cour de cassation a délibéré sur la fin de non-recevoir soulevée, sur l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats à l'audience publique du 21 septembre 2021, où étaient présents : M. Chauvin, président, M. Vitse, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre.

Vu l'article 612 du code de procédure civile :

6. Aux termes de ce texte, le délai de pourvoi en cassation est de deux mois, sauf disposition contraire.

7. Le délai ne court qu'à compter de la signification régulière de la décision.

8. L'irrégularité d'un acte de signification délivré au nom d'une personne décédée n'affecte pas la validité de l'acte à l'égard des autres parties au nom desquelles il a également et régulièrement été délivré.

9. L'arrêt a été signifié à M. [H] [O] le 15 mars 2019, au nom de Mme [M] [B] et de [C] [B].

10. Délivré au nom d'une personne décédée, l'acte de signification est affecté d'une irrégularité de fond qui n'a pu faire courir le délai de pourvoi à l'égard des ayants droit de [C] [B].

11. Valablement délivré au nom de Mme [M] [B], l'acte de signification a, en revanche, fait courir le délai de pourvoi à son égard.

12. Le pourvoi n'est donc pas recevable à l'égard de Mme [M] [B] pour avoir été formé le 28 mai 2019, soit plus de deux mois après la signification de l'arrêt, mais recevable à l'égard des ayants droit de [C] [B].

Examen des moyens

Sur le troisième moyen, pris en ses première et deuxième branches, ci-après annexé

13. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

14. La première chambre civile de la Cour de cassation a délibéré sur ce moyen, sur l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats à l'audience publique du 21 septembre 2021, où étaient présents : M. Chauvin, président, M. Vitse, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre.

Enoncé du moyen

15. M. [H] [O] fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action en répétition de l'indu, alors :

« 1°/ que les héritiers n'étant personnellement tenus de payer les dettes et charges de la succession qu'au prorata de leurs droits respectifs, il incombe au créancier qui réclame à un héritier le paiement d'une dette successorale

d'établir l'étendue des droits de celui-ci afin d'établir le montant de la créance qu'il détient à son encontre ; qu'en énonçant, pour déclarer recevable l'action des époux [B], que M. [H] [O] ne discutait pas être l'héritier de son frère ni ne prétendait avoir renoncé à la succession et qu'il soutenait qu'il n'était pas le seul héritier de son frère mais ne versait aux débats aucune attestation de dévolution de la succession ni aucun élément autre que ses propres affirmations de nature à établir l'existence d'autres héritiers, la cour d'appel, qui a ainsi fait peser sur M. [H] [O] la charge de la preuve des personnes venant aux droits de [Y] [O], et, partant, de l'étendue de ses droits, a violé les articles 873, 1309 et 1315 devenu 1353 du code civil ;

2°/ que seul l'héritier universel ou à titre universel qui accepte purement et simplement une succession répond indéfiniment des dettes et charges qui en dépendent ; qu'en jugeant, pour déclarer recevable l'action des époux [B] à l'encontre de M. [H] [O], que celui qui accepte une succession répond indéfiniment des dettes et charges qui en dépendent et que les demandeurs agissaient en l'occurrence aux fins de répétition de sommes qu'ils alléguaient avoir indûment versées à [Y] [O] en sorte que M. [H] [O] est tenu des dettes de la succession en raison de sa qualité d'héritier, la cour d'appel a violé l'article 785 du code civil. »

Réponse de la Cour

16. Ayant relevé que M. [H] [O] ne contestait pas être l'héritier de son frère ni non plus ne prétendait avoir renoncé à la succession, puis retenu qu'il ne démontrait pas l'existence d'autres héritiers, c'est à bon droit que la cour d'appel en a déduit, sans inverser la charge de la preuve, qu'il était tenu des dettes de la succession, de sorte que l'action était recevable.

17. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

18. M. [H] [O] fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en répétition de l'indu, alors :

« 1°/ que l'action en répétition exercée à l'encontre du bailleur demeure recevable pendant la durée du bail initial et des baux renouvelés qui lui font suite ainsi que, en cas d'exercice du droit de reprise par ce même bailleur, pendant un délai de 18 mois à compter de la date d'effet du congé ; qu'en jugeant, pour dire non prescrite l'action intentée le 27 janvier 2016 par les époux [B] à l'encontre de M. [H] [O], en sa qualité d'héritier de [Y] [O], que le paiement indu était intervenu au profit de [Y] [O], bailleur, qui avait vendu ses terres à son frère [H] en 2012 lequel avait délivré congé le 15 mars 2013 à effet du 30 septembre 2015 de sorte que

l'action était recevable jusqu'à l'expiration d'un délai de dix-huit mois à compter de cette date, soit jusqu'au 30 mars 2017, la cour d'appel, qui a ainsi retenu que l'action en répétition de l'indu pouvait être exercée dans un délai de dix-huit mois à compter de la date d'effet du congé donné par M. [H] [O] qui n'était pas le bailleur initial, a violé l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime ;

2°/ que l'action en répétition exercée à l'encontre du bailleur n'est recevable que pendant la période durant laquelle le bail initial conclu entre un preneur et un bailleur ainsi que les baux renouvelés s'exécutent entre ces parties ; qu'en jugeant, pour dire non prescrite l'action intentée le 27 janvier 2016 par les époux [B] à l'encontre de M. [H] [O], en sa qualité d'héritier de [Y] [O], qu'à supposer que la vente des terres, qui emporte perte de la qualité de bailleur, modifie le délai de prescription, le point de départ du délai de droit commun de cinq années serait alors la date de la perte de qualité de bailleur, soit la date de la vente des terres, intervenue le 12 janvier 2012 et que le délai de prescription expirerait alors le 11 janvier 2017, la cour d'appel a violé l'article L. 411-74 par refus d'application et l'article 2224 du code civil par fausse application. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

19. Les consorts [B] contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent que M. [H] [O] n'est pas recevable à présenter devant la Cour de cassation un moyen contraire à ses propres écritures devant la cour d'appel.

20. M. [H] [O] a soutenu, en appel, que le paiement indu avait bénéficié à l'exploitant sortant, de sorte que l'action de [C] [B] était soumise à la prescription de droit commun de l'article 2224 du code civil.

21. Le moyen, qui est contraire, est donc irrecevable.

Mais sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

22. M. [H] [O] fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à Mme [M] [B] et [C] [B] la somme de 19 818,37 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 août 1988 et au taux légal majoré de trois points à compter du 15 octobre 2014, alors « que l'action en paiement des intérêts sur les sommes indûment versées, fondée sur l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime, est soumise au délai de prescription extinctive de droit commun ; qu'en énonçant, pour condamner M. [H] [O], en sa qualité d'héritier de [Y] [O], à régler à M. [B] et à Mme [U] la somme de 19 818,37 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 août 1988 au taux légal majoré de trois points à compter du 15 octobre 2014, que la réception d'un paiement prohibé caractérise la mauvaise foi du bénéficiaire du paiement, de sorte que les intérêts sont dus à compter de la date du paiement et que dès lors les intérêts au taux légal courront sur la somme de 19 818,37 euros à compter du 3 août 1988, date d'encaissement du paiement, la cour d'appel a violé l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime ensemble l'article 2224 du code civil. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

23. Les consorts [B] contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent que, mélangé de fait et de droit, il serait nouveau.

24. Toutefois, M. [H] [O] a soutenu en appel que la demande de [C] [B] se heurtait à la prescription quinquennale.

25. Le moyen est, dès lors, recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles 2224 du code civil et L. 411-74, alinéa 4, du code rural et de la pêche maritime :

26. Aux termes du premier de ces textes, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

27. Aux termes du second, l'action en répétition exercée à l'encontre du bailleur demeure recevable pendant toute la durée du bail initial et des baux renouvelés qui lui font suite ainsi que, en cas d'exercice du droit de reprise, pendant un délai de dix-huit mois à compter de la date d'effet du congé.

28.Pour condamner [C] [B] au paiement des intérêts au taux légal à compter du 3 août 1988, l'arrêt retient que la réception d'un paiement prohibé caractérise la mauvaise foi de son bénéficiaire, de sorte que les intérêts sont dus à compter de la date du paiement.

29. En statuant ainsi, alors qu'aucune disposition ne fait échapper l'action en paiement des intérêts sur les sommes indûment versées, fondée sur le second texte précité, au délai de prescription extinctive de droit commun, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DÉCLARE irrecevable le pourvoi en ce qu'il a été formé contre Mme [M] [B] prise en son nom personnel ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. [H] [O] à payer à [C] [B] les intérêts sur la somme de 19 818,37 euros au taux légal à compter du 3 août 1988 et au taux légal majoré de trois points à compter du 15 octobre 2014 et ordonne la capitalisation annuelle des intérêts par années entières et successives, l'arrêt rendu le 31 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;

Condamne Mme [M] [B], en sa qualité d'ayant droit de [C] [B], M. [R] [B], Mme [N] [B] [J] et Mme [A] [B] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [M] [B], en sa qualité d'ayant droit de [C] [B], M. [R] [B], Mme [N] [B] [J] et Mme [A] [B] et les condamne à payer à M. [H] [O] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SAS Buk Lament-Robillot, avocat aux Conseils, pour M. [O]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

M. [O] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré recevable l'action des époux [B] au titre de la répétition de l'indu ;

AUX MOTIFS QUE M. [O] soutient que l'action engagée au titre de la répétition de l'indu est irrecevable en ce qu'elle est dirigée contre l'acquéreur et non contre la personne qui a reçu les sommes en paiement ; que M. [H] [O] ne discute pas être l'héritier de son frère ni ne prétend avoir renoncé à la succession ; que M. [H] [O] prétend qu'il ne serait pas le seul héritier de son frère ; qu'il ne verse aux débats aucune attestation de dévolution de la succession ni aucun élément autre que ses propres affirmations de nature à établir l'existence d'autres héritiers ; que les héritiers désignés par la loi sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt ; que celui qui accepte une succession répond indéfiniment des dettes et charges qui en dépendent ; qu'en l'espèce, M. [B] et Mme [U] agissent aux fins de répétition de sommes qu'ils allèguent avoir indûment versées à [Y] [O] ; qu'indépendamment de la question de la propriété actuelle des terres, M. [H] [O] est tenu des dettes de la succession en raison de sa qualité d'héritier ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré l'action recevable ;

AUX MOTIFS ADOPTES QUE sur la nécessité d'attraire les autres héritiers : en application de l'article 873 du code civil, les héritiers sont tenus des dettes et charges de la succession, personnellement pour leur part successorale, et hypothécairement pour le tout, sauf leur recours, soit contre leurs cohéritiers, soit contre les légataires universels, à raison de la part pour laquelle ils doivent y contribuer ; que le décès du débiteur a pour effet d'entraîner, de plein droit, la division des dettes entre tous les héritiers ou légataires universels ou à titre universels, au prorata de chacun, et si les créanciers disposent du droit de poursuivre la totalité de la succession, ils ne sont pas obligés d'user de cette garantie ; qu'ils peuvent valablement poursuivre le règlement de leur créance contre chacun des héritiers au prorata de leurs droits respectifs ; qu'il appartient aux parties de rapporter la preuve des faits au soutien de leur prétention, en application de l'article 9 du code de procédure civile ; qu'en l'espèce, M. [H] [O] convient que M. [Y] [O] est décédé sans postérité mais se prévaut de l'existence d'autres héritiers, soit ses neveux et nièces, venant en représentation d'un second frère prédécédé ; que toutefois, M. [O] ne produit aux débats aucun certificat d'hérédité de nature à établir la preuve de ses obligations ; que dans ces conditions, il pourra être tenu pour le tout, la présente décision étant inopposable aux autres héritiers, à défaut d'avoir pu être attraits à la procédure ;

1°) ALORS QUE les héritiers n'étant personnellement tenus de payer les dettes et charges de la succession qu'au prorata de leurs droits respectifs, il incombe au créancier qui réclame à un héritier le paiement d'une dette successorale d'établir l'étendue des droits de celui-ci afin d'établir le montant de la créance qu'il détient à son encontre ; qu'en énonçant, pour déclarer recevable l'action des époux [B], que M. [H] [O] ne discutait pas être l'héritier de son frère ni ne prétendait avoir renoncé à la succession et qu'il soutenait qu'il n'était pas le seul héritier de son frère mais ne versait aux débats aucune attestation de dévolution de la succession ni aucun élément autre que ses propres affirmations de nature à établir l'existence d'autres héritiers, la cour d'appel, qui a ainsi fait peser sur M. [H] [O] la charge de la preuve des personnes venant aux droits de [Y] [O], et, partant, de l'étendue de ses droits, a violé les articles 873, 1309 et 1315 devenu 1353 du code civil ;

2°) ALORS, en toute hypothèse, QUE seul l'héritier universel ou à titre universel qui accepte purement et simplement une succession répond indéfiniment des dettes et charges qui en dépendent ; qu'en jugeant, pour déclarer recevable l'action des époux [B] à l'encontre de M [H] [O], que celui qui accepte une succession répond indéfiniment des dettes et charges qui en dépendent et que les demandeurs agissaient en l'occurrence aux fins de répétition de sommes qu'ils alléguaient avoir indument versées à [Y] [O] en sorte que M. [H] [O] est tenu des dettes de la succession en raison de sa qualité d'héritier, la cour d'appel a violé l'article 785 du code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

M. [O] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté sa fin de non-recevoir tendant à ce qu'il soit jugé que l'action des époux [B] était irrecevable comme prescrite ;

AUX MOTIFS QUE sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande en répétition de l'indu : selon le dernier alinéa de l'article L 411-74 du code rural et de la pêche maritime, l'action en répétition exercée à l'encontre du bailleur demeure recevable pendant toute la durée du bail initial et des baux renouvelés qui lui font suite ainsi que, en cas d'exercice du droit de reprise, pendant un délai de dix-huit mois à compter de la date d'effet du congé ; que pour les autres bénéficiaires du paiement, le délai de prescription est un délai de droit commun, soit cinq ans depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ; que le paiement indu est intervenu le 2 août 1988 ; que [Y] [O] a vendu les terres à son frère M. [H] [O] le 11 janvier 2012 ; le congé a été délivré le 15 mars 2013, à effet du 30 septembre 2015 ; que M. [B] et Mme [U] ont fait assigner M. [H] [O] devant le tribunal de grande instance d'Arras le 27 janvier 2016 ; que le paiement indu est intervenu au profit du bailleur, M. [Y] [O], de sorte que l'action était recevable jusqu'à l'expiration d'un délai de dix-huit mois suivant la date d'effet du congé délivré ; que le congé ayant été délivré à effet du 30 septembre 2015, le délai de prescription expire le 30 mars 2017 ; qu'à supposer que la vente des terres, qui emporte perte de la qualité de bailleur de [Y] [O], modifie le délai de prescription, le point de départ du délai de droit commun de cinq années serait alors la date de la perte de la qualité de bailleur, soit la date de la vente des terres, intervenue le 11 janvier 2012 ; que le délai de prescription expirerait alors le 11 janvier 2017 ; que l'assignation a été délivrée le 27 janvier 2016 ; qu'en conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré la demande en restitution de l'indu recevable ;

AUX MOTIFS ADOPTES QUE sur la nature et la prescription de l'action :
en application de l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime, sera puni d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 30 000 € ou de l'une de ces deux peines seulement, tout bailleur, tout preneur sortant ou tout intermédiaire qui aura, directement ou indirectement, à l'occasion d'un changement d'exploitant, soit obtenu ou tenté d'obtenir une remise d'argent ou de valeurs non justifiée, soit imposé ou tenté d'imposer la reprise de biens mobiliers à un prix ne correspondant pas à la valeur vénale de ceux-ci ; que les sommes indûment perçues sont sujettes à répétition ; qu'elles sont majorées d'un intérêt calculé à compter de leur versement et égal au taux de l'intérêt légal mentionné à l'article L. 313-2 du code monétaire et financier majoré de trois points ; qu'en cas de reprise de biens mobiliers à un prix ne correspondant pas à la valeur vénale de ceux-ci, l'action en répétition peut être exercée dès lors que la somme versée a excédé ladite valeur de plus de 10 % ; que l'action en répétition exercée à l'encontre du bailleur demeure recevable pendant toute la durée du bail initial et des baux renouvelés qui lui font suite ainsi que, en cas d'exercice du droit de reprise, pendant un délai de dix-huit mois à compter de la date d'effet du congé ; qu'en vertu de l'article 724 du code civil, l'action du preneur sortant peut être exercée à l'encontre des héritiers universels ou à titre universel qui ont recueilli les droits et action de leur auteur dès son décès et doivent répondre de ses dettes à concurrence de leur part, à défaut de rapporter la preuve de leur renonciation à la succession ; qu'en l'espèce, [H] [O] ne conteste pas sa qualité d'héritier du bailleur initial des requérants, débiteur de la répétition fondée sur l'article L. 411-74 du code rural ; que contrairement aux affirmations du défendeur, l'action est bien fondée sur le principe de la répétition d'une somme qui aurait été payée à son auteur, en sa qualité de bailleur ; que cette dette personnelle de M. [Y] [O] a été transmise à M. [H] [O] par l'effet de l'article 724 précité, au moment de son décès et non par la vente du terrain ; qu'en leur qualité de preneurs sortants, les requérants disposaient d'un recours à l'encontre de M. [H] [O], durant 18 mois à l'issue de la fin du bail, au titre de l'action successorale ; que celui-ci étant achevé le 30 septembre 2015 et l'assignation ayant été délivrée le 27 janvier 2016, soit dans le délai précité, leur demande n'est pas atteinte par la prescription ;

1°) ALORS QUE l'action en répétition exercée à l'encontre du bailleur demeure recevable pendant la durée du bail initial et des baux renouvelés qui lui font suite ainsi que, en cas d'exercice du droit de reprise par ce même bailleur, pendant un délai de 18 mois à compter de la date d'effet du congé ;

qu'en jugeant, pour dire non prescrite l'action intentée le 27 janvier 2016 par les époux [B] à l'encontre de M. [H] [O], en sa qualité d'héritier de [Y] [O], que le paiement indu était intervenu au profit de [Y] [O], bailleur, qui avait vendu ses terres à son frère [H] en 2012 lequel avait délivré congé le 15 mars 2013 à effet du 30 septembre 2015 de sorte que l'action était recevable jusqu'à l'expiration d'un délai de dix-huit mois à compter de cette date, soit jusqu'au 30 mars 2017, la cour d'appel, qui a ainsi retenu que l'action en répétition de l'indu pouvait être exercée dans un délai de dix-huit mois à compter de la date d'effet du congé donné par M. [H] [O] qui n'était pas le bailleur initial, a violé l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime.

2°) ALORS QUE l'action en répétition exercée à l'encontre du bailleur n'est recevable que pendant la période durant laquelle le bail initial conclu entre un preneur et un bailleur ainsi que les baux renouvelés s'exécutent entre ces parties ; qu'en jugeant, pour dire non prescrite l'action intentée le 27 janvier 2016 par les époux [B] à l'encontre de M. [H] [O], en sa qualité d'héritier de [Y] [O], qu'à supposer que la vente des terres, qui emporte perte de la qualité de bailleur, modifie le délai de prescription, le point de départ du délai de droit commun de cinq années serait alors la date de la perte de qualité de bailleur, soit la date de la vente des terres, intervenue le 12 janvier 2012 et que le délai de prescription expirerait alors le 11 janvier 2017, la cour d'appel a violé l'article L. 411-74 par refus d'application et l'article 2224 du code civil par fausse application.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

M. [O] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamné à régler aux époux [B] la somme de 19 818,37 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 août 1988 et au taux légal majoré de trois points à compter du 15 octobre 2014 ;

AUX MOTIFS QUE sur la preuve du paiement indu : M. [B] et Mme [U] versent aux débats l'acte notarié établi le 2 août 1988 par lequel M. [Y] [O] leur donne à bail les parcelles mentionnées ci-dessus moyennant paiement d'un fermage annuel égal à la valeur de 5369 kilogrammes ; que le bail ne fait référence à aucune cession de matériels concomitamment à la passation du bail ; que M. [B] et Mme [U] produisent la copie du recto d'un chèque numéro 2967 établi le même jour par leur soin au profit de M. [Y] [O] d'un montant de 130 000 francs, ainsi que le relevé de compte professionnel établi par le Crédit Agricole, portant mention de l'encaissement du chèque numéro 2967 le 3 août 1988 ; que la preuve du paiement de la somme de 130 000 francs est rapportée ; qu'en l'absence de tout élément de nature à démontrer la cession d'éléments de l'exploitation et au regard de la concomitance entre la passation du bail et le paiement de la somme de 130 000 euros, le paiement discuté constitue le versement d'une somme en vue de la passation du bail, prohibé par l'article L 411-74 du code rural et de la pêche maritime ; que M. [Y] [O] était propriétaire des terres qu'il a mises en

location ; que M. [H] [O] confirme dans ses écritures que [Y] [O] exploitait les terres avant leur mise en location, de sorte que le paiement est intervenu à l'occasion d'un changement d'exploitant et a été versée au profit du bailleur ; qu'il s'ensuit que le paiement présente un caractère indu ; qu'en conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté M. [B] et Mme [U] de leur demande en paiement et que M. [H] [O] sera condamné à restituer à M. [B] et Mme [U] la somme de 19 818,37 euros ; que M. [B] et Mme [U] sollicitent la condamnation au paiement des intérêts au taux légal majoré de trois points à compter de la date du paiement ; que la réception d'un paiement prohibé caractérise la mauvaise foi du bénéficiaire du paiement, de sorte que les intérêts sont dus à compter de la date du paiement [?] ; que les intérêts courront donc sur la somme de 19 818,37 euros à compter du 3 août 1988, date d'encaissement du paiement, au taux légal, majoré de trois points à compter du 15 octobre 2014 ;

1°) ALORS QU'il incombe au demandeur en restitution de sommes qu'il prétend avoir indûment payées de prouver le caractère indu du paiement ;
qu'en énonçant, pour retenir le caractère indu du paiement et condamner en conséquence M. [H] [O], en sa qualité d'héritier de [Y] [O], à régler à M. [B] et à Mme [U] la somme de 19 818,37 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 août 1988 et au taux légal majoré de trois points à compter du 15 octobre 2014, qu'en l'absence de tout élément de nature à démontrer la cession d'éléments de l'exploitation, le paiement discuté constituait le versement d'une somme en vue de la passation du bail prohibé par l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime, la cour d'appel, qui a ainsi fait peser sur le bailleur la charge de la preuve du caractère indu du paiement, a violé l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime ensemble l'article 1315 devenu 1353 du code civil ;

2°) ALORS QUE les sommes perçues par un bailleur en vue de la passation d'un bail et à l'occasion d'un changement d'exploitant sont sujettes à répétition ; qu'en se fondant, pour retenir le caractère indu du paiement et condamner en conséquence M. [H] [O], en sa qualité d'héritier de [Y] [O], à régler à M. [B] et à Mme [U] la somme de 19 818,37 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 août 1988 et au taux légal majoré de trois points à compter du 15 octobre 2014, sur la circonstance inopérante qu'il existait une concomitance entre la passation du bail et le paiement de la somme de 130 000 euros et que [Y] [O] exploitait les terres avant leur mise en location de sorte que le paiement était intervenu à l'occasion d'un changement d'exploitant et avait été effectué au bailleur, la cour d'appel a violé l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime ;

3°) ALORS QUE l'action en paiement des intérêts sur les sommes indûment versées, fondée sur l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime, est soumise au délai de prescription extinctive de droit commun ; qu'en énonçant, pour condamner M. [H] [O], en sa qualité d'héritier de [Y] [O], à régler à M. [B] et à Mme [U] la somme de 19 818,37 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 août 1988 au taux légal majoré de trois points à compter du 15 octobre 2014, que la réception d'un paiement prohibé caractérise la mauvaise foi du bénéficiaire du paiement, de sorte que les intérêts sont dus à compter de la date du paiement et que dès lors les intérêts au taux légal courront sur la somme de 19 818,37 euros à compter du 3 août 1988, date d'encaissement du paiement, la cour d'appel a violé l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime ensemble l'article 2224 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 19-17177
Date de la décision : 23/11/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 31 janvier 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 23 nov. 2022, pourvoi n°19-17177


Composition du Tribunal
Président : Mme Teiller (président)
Avocat(s) : SAS Buk Lament-Robillot, SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh

Origine de la décision
Date de l'import : 06/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:19.17177
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