LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 16 novembre 2022
Cassation partielle
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 675 FS-B
Pourvoi n° X 21-17.423
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 16 NOVEMBRE 2022
La société Acopal, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 3], a formé le pourvoi n° X 21-17.423 contre l'arrêt rendu le 6 mai 2021 par la cour d'appel de Versailles (12e chambre), dans le litige l'opposant à la société Paniers Terdis, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5], [Localité 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Comte, conseiller référendaire, les observations de la SCP Krivine et Viaud, avocat de la société Acopal, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Paniers Terdis, et l'avis de M. Douvreleur, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 septembre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Comte, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, Mmes Poillot-Peruzzetto, Champalaune, Michel-Amsellem, MM. Bedouet, Alt, conseillers, M. Blanc, Mmes Bessaud, Bellino, M. Regis, conseillers référendaires, M. Douvreleur, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 6 mai 2021) et les productions, la société Acopal exerçait, depuis 2008, l'activité d'agent commercial pour le compte de la société Terdis devenue ultérieurement Paniers Terdis. Le 3 mai 2013, les sociétés Acopal et Terdis, ont conclu un contrat dénommé « contrat de prestation merchandising », par lequel la société Terdis a confié à la société Acopal l'optimisation de la mise en place de ses produits dans les rayons, et, le 7 mai suivant, un contrat d'agence commerciale. Le 11 octobre 2013, un contrat d'agence commerciale et un contrat de « merchandising » ont été conclus entre la société Paniers Terdis et la société Acopal.
2. La société Paniers Terdis a, par lettre reçue le 4 mars 2016 par la société Acopal, résilié le contrat d'agence commerciale les liant.
3. La société Acopal a assigné la société Paniers Terdis en paiement des indemnités de rupture et de préavis et en communication de pièces.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. La société Acopal fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes d'indemnités de rupture et de préavis, alors :
« 1°/ que l'activité déployée par l'agent commercial pour un concurrent de son mandant, connue et tolérée par ce dernier, ne peut constituer une faute grave justifiant la privation de l'indemnité compensatrice de rupture et l'absence de préavis ; qu'il suffit à cet égard que le mandant ait connu cette situation avant la conclusion du contrat d'agence commerciale et qu'il l'ait tolérée durant l'exécution de celui-ci ; qu'au cas d'espèce, en considérant au contraire qu'il fallait que la société Terdis ait eu connaissance de l'activité déployée par la société Acopal pour la société concurrente Georgelin depuis le 11 octobre 2013, date d'entrée en vigueur du contrat d'agence se substituant au contrat précédent, et non antérieurement, la cour d'appel a violé les articles L. 134-3, L. 134-11, L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce ;
2°/ que l'activité déployée par l'agent commercial pour un concurrent de son mandant, connue et tolérée par ce dernier, ne peut constituer une faute grave justifiant la privation de l'indemnité compensatrice de rupture ; qu'au cas d'espèce, en s'abstenant de rechercher, comme l'avaient retenu les premiers juges et comme l'y invitait la société Acopal, si, peu important que les rapports commerciaux entre la société Terdis et la société Georgelin aient cessé le 22 octobre 2009, les relations d'agence commerciale entre la société Acopal et la société Terdis n'avaient pas commencé dès l'année 2008 (le contrat écrit de 2013 n'ayant fait que formaliser ces relations) et si le mandant n'avait pas connaissance dès cette époque du fait que la société Acopal travaillait aussi avec la société concurrente Georgelin, de sorte qu'il avait toléré cette situation, ce qui interdisait d'y voir une faute grave commise par l'agent, la cour d'appel n'a en tout état de cause pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 134-3, L. 134-11, L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
5. L'arrêt relève d'abord, d'un côté, que le contrat d'agence commerciale, signé le 11 octobre 2013, stipule que l'agent « ne peut accepter la représentation de produits susceptibles de concurrencer ceux faisant l'objet du présent contrat », de l'autre, que la société Acopal reconnaît avoir exercé, postérieurement, une activité d'agent commercial également pour la société Georgelin, entreprise concurrente de la société Paniers Terdis. Il retient ensuite que la société Acopal ne rapporte pas la preuve que, depuis la date de signature du contrat la liant à la société Paniers Terdis, cette dernière était informée de cette activité concurrente et l'avait tolérée, et que la tolérance du mandant ne peut être déduite de l'existence dans le passé de relations d'affaires entre la société Terdis et la société concurrente.
6. De ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a fait ressortir que l'insertion dans le contrat de la clause interdisant toute représentation d'une entreprise concurrente remettait en cause la tolérance que la société Terdis avait pu antérieurement consentir à la société Acopal pour entretenir des relations d'agent commercial au profit de la société Georgelin, a pu déduire, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, qu'en poursuivant ses relations avec cette société concurrente, la société Acopal avait commis une faute grave.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
8. La société Acopal fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'indemnité compensatrice de rupture, alors « que les dispositions de droit interne transposant une directive de l'Union européenne doivent être interprétées à la lumière de celle-ci, notamment lorsqu'elle a elle-même été interprétée par la Cour de justice de l'Union européenne ; que dans l'arrêt CJUE, arrêt du 28 octobre 2010, Volvo Car Germany Gmbh, C-203/09, la Cour de justice a dit pour droit que "l'article 18, sous a), de la directive 86/653/CEE du Conseil du 18 décembre 1986 relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants, s'oppose à ce qu'un agent commercial indépendant soit privé de son indemnité de clientèle lorsque le commettant établit l'existence d'un manquement de l'agent commercial, ayant eu lieu après la notification de la résiliation du contrat moyennant préavis et avant l'échéance de celui-ci, qui était de nature à justifier une résiliation sans délai du contrat en cause", après avoir exposé, dans les motifs de sa décision, que le législateur européen" entendait exiger l'existence d'une causalité directe entre le manquement imputable à l'agent commercial et la décision du commettant de mettre fin au contrat afin de pouvoir priver l'agent commercial de l'indemnité prévue à l'article 17 de la directive" (§ 39), qu'"en tant qu'exception au droit à indemnité de l'agent, l'article 18, sous a), de la directive est d'interprétation stricte (...) partant, cette disposition ne saurait être interprétée dans un sens qui reviendrait à ajouter une cause de déchéance de l'indemnité non expressément prévue par cette disposition" (§ 42) et que "lorsque le commettant ne prend connaissance du manquement de l'agent commercial qu'après la fin du contrat, il n'est plus possible d'appliquer le mécanisme prévu à l'article 18, sous a), de la directive (...) par conséquent, l'agent commercial ne peut pas être privé de son droit à indemnité en vertu de cette disposition lorsque le commettant établit, après lui avoir notifié la résiliation du contrat moyennant préavis, l'existence d'un manquement de cet agent qui était de nature à justifier une résiliation sans délai de ce contrat" (§ 43) ; que les articles L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce, qui sont issus de la transposition en droit interne de la directive susvisée, doivent donc être interprétés en ce sens que seule une faute grave commise avant la rupture du contrat et connue du mandant peut être considérée comme ayant provoqué la rupture, excluant le droit à indemnité de l'agent commercial ; qu'en l'espèce, en estimant au contraire, pour repousser la demande d'indemnité compensatrice de rupture, qu'il importait peu que le manquement qu'elle qualifiait de faute grave – soit la représentation par la société Acopal d'un concurrent du mandant sans que ce dernier en ait prétendument eu connaissance –, n'ait été découvert que postérieurement à la rupture, quand cette circonstance excluait toute causalité directe entre le manquement litigieux et la rupture du contrat, la cour d'appel a violé les articles L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce, lus à la lumière des articles 17 et 18 de la directive 86/653/CEE du Conseil du 18 décembre 1986 tels qu'interprétés par la Cour de justice de l'Union européenne, ensemble l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE). »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 134-12, alinéa 1, et L. 134-13 du code de commerce, transposant les articles 17, § 3, et 18 de la directive 86/653/CEE du Conseil du 18 décembre 1986 relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants :
9. Aux termes du premier de ces textes, en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi. Selon le second, la réparation prévue à l'article L. 134-12 n'est pas due notamment lorsque la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial.
10. La chambre commerciale, financière et économique juge régulièrement que les manquements graves commis par l'agent commercial pendant l'exécution du contrat, y compris ceux découverts par son mandant postérieurement à la rupture des relations contractuelles, sont de nature à priver l'agent commercial de son droit à indemnité (Com., 1er juin 2010, pourvoi n° 09-14.115 ; Com., 24 novembre 2015, pourvoi n° 14-17.747 ; Com., 19 juin 2019, pourvoi n° 18-11.727).
11. Toutefois, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, arrêt du 28 octobre 2010, Volvo Car Germany GmbH, C-203/09, points 38, 42 et 43), a rappelé, que, « aux termes de l'article 18, sous a), de la directive, l'indemnité qui y est visée n'est pas due lorsque le commettant a mis fin au contrat » pour « un manquement imputable à l'agent commercial et qui justifierait, en vertu de la législation nationale, une cessation du contrat sans délai », que « en tant qu'exception au droit à indemnité de l'agent, l'article 18, sous a), de la directive est d'interprétation stricte. Partant, cette disposition ne saurait être interprétée dans un sens qui reviendrait à ajouter une cause de déchéance de l'indemnité non expressément prévue par cette disposition » et considéré que « lorsque le commettant ne prend connaissance du manquement de l'agent commercial qu'après la fin du contrat, il n'est plus possible d'appliquer le mécanisme prévu à l'article 18, sous a), de la directive. Par conséquent, l'agent commercial ne peut pas être privé de son droit à indemnité en vertu de cette disposition lorsque le commettant établit, après lui avoir notifié la résiliation du contrat moyennant préavis, l'existence d'un manquement de cet agent qui était de nature à justifier une résiliation sans délai de ce contrat. »
12. La CJUE a aussi énoncé, dans un arrêt (CJUE, arrêt du 19 avril 2018, CMR c/ Demeures terre et tradition SARL, C-645/16, § 35), que « toute interprétation de l'article 17 de cette directive qui pourrait s'avérer être au détriment de l'agent commercial était exclue. »
13. En considération de l'interprétation qui doit être donnée aux articles L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce, il apparaît nécessaire de modifier la jurisprudence de cette chambre et de retenir désormais que l'agent commercial qui a commis un manquement grave, antérieurement à la rupture du contrat, dont il n'a pas été fait état dans la lettre de résiliation et a été découvert postérieurement à celle-ci par le mandant, de sorte qu'il n'a pas provoqué la rupture, ne peut être privé de son droit à indemnité.
14. Pour rejeter la demande d'indemnité de rupture formée par la société Acopal, l'arrêt retient qu'il importe peu que, découvert postérieurement à la rupture, un manquement à l'obligation de loyauté ne soit pas mentionné dans la lettre de résiliation si ce manquement, susceptible de constituer une faute grave, a été commis antérieurement à cette rupture.
15. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
16. La société Acopal fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de communication de pièces et celle au titre du droit de suite, alors « que les rapports entre l'agent commercial et le mandant sont régis par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d'information ; que l'agent commercial a le droit d'exiger de son mandant qu'il lui fournisse toutes les informations, en particulier un extrait des documents comptables nécessaires pour vérifier le montant des commissions qui lui sont dues ; qu'au cas d'espèce, en repoussant la demande de communication de pièces et la demande de paiement formées par la société Acopal au titre du droit de suite, motif pris de ce qu'elle ne justifiait pas de son activité auprès des clients concernés pour la période antérieure au 30 juin 2016, quand il incombait à la société Paniers Terdis de fournir au préalable les documents comptables nécessaires à la vérification des commissions dues, la cour d'appel a violé les articles L. 134-4, L. 134-7 et R. 134-3 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 134-6, L. 134-7 et R. 134-3 du code de commerce :
17. Aux termes du deuxième de ces textes, pour toute opération commerciale conclue après la cessation du contrat d'agence, l'agent commercial a droit à sa commission, soit lorsque l'opération est principalement due à son activité au cours du contrat d'agence et a été conclue dans un délai raisonnable à compter de la cessation du contrat, soit lorsque, dans les conditions prévues au premier de ces textes, l'ordre du tiers a été reçu par le mandant ou par l'agent commercial avant la cessation du contrat d'agence. Selon le troisième, l'agent commercial a le droit d'exiger de son mandant qu'il lui fournisse toutes les informations, en particulier, un extrait des documents comptables nécessaires pour vérifier le montant des commissions qui lui sont dues.
18. Pour rejeter la demande de communication de documents comptables, l'arrêt retient que la société Acopal n'apporte aucun élément de nature à justifier une activité particulière de sa part dans les départements visés et auprès des clients concernés avant la date de cessation du contrat ayant généré des opérations conclues principalement grâce à son activité, dans un délai raisonnable après cette date.
19. En statuant ainsi, alors que la société Acopal était en droit d'exiger de son mandant la communication de tous les documents comptables nécessaires pour vérifier le montant des commissions susceptibles de lui être dues, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes formées par la société Acopal en paiement de l'indemnité compensatrice de rupture, de communication de pièces et au titre du droit de suite, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 6 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.
Condamne la société Paniers Terdis aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Paniers Terdis et la condamne à payer à la société Acopal la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Krivine et Viaud, avocat aux Conseils, pour la société Acopal.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
La société Acopal fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR rejeté sa demande d'indemnité compensatrice de rupture et sa demande d'indemnité de préavis ;
1. ALORS QUE l'activité déployée par l'agent commercial pour un concurrent de son mandant, connue et tolérée par ce dernier, ne peut constituer une faute grave justifiant la privation de l'indemnité compensatrice de rupture et l'absence de préavis ; qu'il suffit à cet égard que le mandant ait connu cette situation avant la conclusion du contrat d'agence commerciale et qu'il l'ait tolérée durant l'exécution de celui-ci ; qu'au cas d'espèce, en considérant au contraire qu'il fallait que la société Terdis ait eu connaissance de l'activité déployée par la société Acopal pour la société concurrente Georgelin depuis le 11 octobre 2013, date d'entrée en vigueur du contrat d'agence se substituant au contrat précédent, et non antérieurement, la cour d'appel a violé les articles L. 134-3, L. 134-11, L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce ;
2. ALORS, subsidiairement, QUE l'activité déployée par l'agent commercial pour un concurrent de son mandant, connue et tolérée par ce dernier, ne peut constituer une faute grave justifiant la privation de l'indemnité compensatrice de rupture ; qu'au cas d'espèce, en s'abstenant de rechercher, comme l'avaient retenu les premiers juges (jugement entrepris, p. 6-7) et comme l'y invitait la société Acopal (conclusions d'appel, p. 18-21), si, peu important que les rapports commerciaux entre la société Terdis et la société Georgelin aient cessé le 22 octobre 2009, les relations d'agence commerciale entre la société Acopal et la société Terdis n'avaient pas commencé dès l'année 2008 (le contrat écrit de 2013 n'ayant fait que formaliser ces relations) et si le mandant n'avait pas connaissance dès cette époque du fait que la société Acopal travaillait aussi avec la société concurrente Georgelin, de sorte qu'il avait toléré cette situation, ce qui interdisait d'y voir une faute grave commise par l'agent, la cour d'appel n'a en tout état de cause pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 134-3, L. 134-11, L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce.
DEUXIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire au premier)
La société Acopal fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR rejeté sa demande d'indemnité compensatrice de rupture ;
1. ALORS QU'aux termes de l'article L. 134-12 du code de commerce, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi en cas de cessation de ses relations avec le mandant ; que si par exception, cette réparation n'est pas due, en vertu de l'article L. 134-13, 1° du même code, lorsque la cessation du contrat a été provoquée par la faute grave de l'agent commercial, il faut nécessairement que cette faute ait été connue du mandant avant qu'il prenne sa décision de rompre le contrat, sans quoi ce manquement ne peut pas être considéré comme ayant provoqué la rupture ; qu'au cas d'espèce, en estimant au contraire, pour repousser la demande d'indemnité compensatrice de rupture, qu'il importait peu que le manquement qu'elle qualifiait de faute grave – soit la représentation par la société Acopal d'un concurrent du mandant sans que ce dernier en ait prétendument eu connaissance –, n'ait été découvert que postérieurement à la rupture, quand cette circonstance excluait que la rupture du contrat ait pu être provoquée par ce manquement, la cour d'appel a violé les articles L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce ;
2. ALORS QUE les dispositions de droit interne transposant une directive de l'Union européenne doivent être interprétées à la lumière de celle-ci, notamment lorsqu'elle a elle-même été interprétée par la Cour de justice de l'Union européenne ; que dans son arrêt Volvo Car Germany GmbH du 28 octobre 2010 (aff. C-203/09), la Cour de justice a dit pour droit que « l'article 18, sous a), de la directive 86/653/CEE du Conseil, du 18 décembre 1986, relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants, s'oppose à ce qu'un agent commercial indépendant soit privé de son indemnité de clientèle lorsque le commettant établit l'existence d'un manquement de l'agent commercial, ayant eu lieu après la notification de la résiliation du contrat moyennant préavis et avant l'échéance de celui-ci, qui était de nature à justifier une résiliation sans délai du contrat en cause », après avoir exposé, dans les motifs de sa décision, que le législateur européen « entendait exiger l'existence d'une causalité directe entre le manquement imputable à l'agent commercial et la décision du commettant de mettre fin au contrat afin de pouvoir priver l'agent commercial de l'indemnité prévue à l'article 17 de la directive » (§ 39), qu' « en tant qu'exception au droit à indemnité de l'agent, l'article 18, sous a), de la directive est d'interprétation stricte (...) partant, cette disposition ne saurait être interprétée dans un sens qui reviendrait à ajouter une cause de déchéance de l'indemnité non expressément prévue par cette disposition » (§ 42) et que « lorsque le commettant ne prend connaissance du manquement de l'agent commercial qu'après la fin du contrat, il n'est plus possible d'appliquer le mécanisme prévu à l'article 18, sous a), de la directive (...) par conséquent, l'agent commercial ne peut pas être privé de son droit à indemnité en vertu de cette disposition lorsque le commettant établit, après lui avoir notifié la résiliation du contrat moyennant préavis, l'existence d'un manquement de cet agent qui était de nature à justifier une résiliation sans délai de ce contrat » (§ 43) ; que les articles L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce, qui sont issus de la transposition en droit interne de la directive susvisée, doivent donc être interprétés en ce sens que seule une faute grave commise avant la rupture du contrat et connue du mandant peut être considérée comme ayant provoqué la rupture, excluant le droit à indemnité de l'agent commercial ; qu'en l'espèce, en estimant au contraire, pour repousser la demande d'indemnité compensatrice de rupture, qu'il importait peu que le manquement qu'elle qualifiait de faute grave – soit la représentation par la société Acopal d'un concurrent du mandant sans que ce dernier en ait prétendument eu connaissance –, n'ait été découvert que postérieurement à la rupture, quand cette circonstance excluait toute causalité directe entre le manquement litigieux et la rupture du contrat, la cour d'appel a violé les articles L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce, lus à la lumière des articles 17 et 18 de la directive 86/653/CEE du 18 décembre 1986 tels qu'interprétés par la Cour de justice de l'Union européenne, ensemble l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
TROISIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
La société Acopal fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR rejeté sa demande de communication de pièces et sa demande au titre du droit de suite ;
1. ALORS QUE les rapports entre l'agent commercial et le mandant sont régis par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d'information ; que l'agent commercial a le droit d'exiger de son mandant qu'il lui fournisse toutes les informations, en particulier un extrait des documents comptables nécessaires pour vérifier le montant des commissions qui lui sont dues ; qu'au cas d'espèce, en repoussant la demande de communication de pièces et la demande de paiement formées par la société Acopal au titre du droit de suite, motif pris de ce qu'elle ne justifiait pas de son activité auprès des clients concernés pour la période antérieure au 30 juin 2016, quand il incombait à la société Paniers Terdis de fournir au préalable les documents comptables nécessaires à la vérification des commissions dues, la cour d'appel a violé les articles L. 134-4, L. 134-7 et R. 134-3 du code de commerce ;
2. ALORS, subsidiairement, QU' à supposer qu'il appartienne à l'agent commercial de démontrer à titre préalable l'existence de prestations fournies pour la période de référence, en l'espèce, la cour d'appel avait retenu, en visant le magasin Carrefour de [Localité 4], que la société Acopal « rapporte la preuve d'avoir effectué des prestations pour la société Terdis postérieurement à la notification le 4 mars 2016 de la rupture du contrat d'agence » (arrêt p. 7, alinéa 5) ; qu'en énonçant ensuite que « la société Acopal n'apporte aucun élément susceptible de justifier d'une activité particulière de sa part dans les départements visés [dont le département 94] et auprès des trois clients concernés [dont la société Carrefour] avant le 30 juin 2016 » (arrêt p. 9, alinéa 6), la cour d'appel, qui a statué par des motifs contradictoires, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3. ALORS, plus subsidiairement, QU'en s'abstenant d'expliquer pour quelles raisons les prestations réalisées par la société Acopal relativement au magasin Carrefour de [Localité 4] n'avaient pas à être prises en considération au moment de statuer sur le droit de suite de l'agent, la cour d'appel a en tout état de cause privé son arrêt de base légale au regard des articles L. 134-4, L. 134-7 et R. 134-3 du code de commerce.