LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 29 septembre 2022
Cassation sans renvoi
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 955 FS-B
Pourvoi n° E 21-23.456
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [H].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 15 octobre 2021.
Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de l'Aseaj.
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 15 mars 2022.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 29 SEPTEMBRE 2022
Mme [W] [H], domiciliée [Adresse 4]), a formé le pourvoi n° E 21-23.456 contre l'arrêt rendu le 1er juillet 2021 par la cour d'appel de Besançon (chambre spéciale des mineurs - assistance éducative), dans le litige l'opposant :
1°/ au Pôle des solidarités du Jura, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à M. [I] [D], domicilié [Adresse 1],
3°/ à l'Association de sauvegarde de l'enfance à l'adulte du Jura (Aseaj), dont le siège est [Adresse 3], prise en qualité de mandataire ad hoc de [V] [S],
4°/ au procureur général près la cour d'appel de Besançon, domicilié [Adresse 5],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Delbano, conseiller, les observations de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de Mme [H], de la SCP Foussard et Froger, avocat du Pôle des solidarités du Jura, de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de l'Aseaj, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 juillet 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Delbano, conseiller rapporteur, en présence de Mme [Z], auditrice au service de documentation, des études et du rapport, Mme Martinel, conseiller doyen, Mmes Kermina, Durin-Karsenty, conseillers, Mmes Jollec, Bohnert, M. Cardini, Mmes Dumas, Latreille, Bonnet, conseillers référendaires, Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 1er juillet 2021) et les productions, Mme [H] a, par déclaration du 25 janvier 2021 établie et transmise par un avocat, interjeté appel du jugement d'un juge des enfants ayant renouvelé jusqu'au 31 janvier 2022 la mesure éducative de sa fille avec placement au domicile du père.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
2. Mme [H] fait grief à l'arrêt de constater que la cour d'appel de Besançon n'était saisie d'aucune demande en l'absence d'effet dévolutif de l'appel interjeté par elle, alors « qu'il résulte des dispositions des articles 562 et 933 du code de procédure civile et des stipulations de l'article 6.1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qu'en matière de procédure d'appel sans représentation obligatoire, la déclaration d'appel, qui mentionne que l'appel tend à la réformation de la décision déférée à la cour d'appel en omettant d'indiquer les chefs du jugement critiqués, doit s'entendre comme déférant à la connaissance de la cour d'appel l'ensemble des chefs de ce jugement ; qu'en énonçant, par conséquent, pour constater qu'elle n'était saisie d'aucune demande en l'absence d'effet dévolutif de l'appel interjeté par Mme [W] [H], que l'effet dévolutif n'opère pas lorsque la déclaration d'appel ne mentionne pas les chefs de jugement qui sont critiqués, que la déclaration d'appel formée par le conseil de Mme [W] [H] le 25 janvier 2021 ne précisait pas les chefs du jugement rendu le 13 janvier 2021 par le juge des enfants du tribunal judiciaire de Lons-le-Saunier qu'elle entendait critiquer et qu'il s'en déduisait, par application combinée des articles 542, 562, 901 et 933 du code de procédure civile, que ne lui était déféré aucun des chefs du jugement rendu le 13 janvier 2021 par le juge des enfants du tribunal judiciaire de Lons-le-Saunier et qu'elle n'était pas saisie des prétentions présentées à l'audience par Mme [W] [H], quand l'appel interjeté à l'encontre d'un jugement rendu en matière d'assistance éducative est soumis à la procédure d'appel sans représentation obligatoire et quand l'appel interjeté par Mme [W] [H] tendait à la réformation d'un jugement rendu en matière d'assistance éducative, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 562, 933 et 1192 du code de procédure civile et les stipulations de l'article 6.1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
3. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.
Vu les articles 562 et 933 du code de procédure civile :
4. Selon le premier de ces textes, l'appel défère à la cour d'appel la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. Selon le second, régissant la procédure sans représentation obligatoire devant la cour d'appel, la déclaration désigne le jugement dont il est fait appel, précise les chefs du jugement critiqués auquel l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible, et mentionne, le cas échéant, le nom et l'adresse du représentant de l'appelant devant la cour.
5. Si, pour les procédures avec représentation obligatoire, il a été déduit de l'article 562, alinéa 1er, du code de procédure civile, que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas (2e Civ., 30 janvier 2020, pourvoi n° 18-22.528, publié) et que de telles règles sont dépourvues d'ambiguïté pour des parties représentées par un professionnel du droit (2e Civ., 2 juillet 2020, pourvoi n° 19-16.954, publié), un tel degré d'exigence dans les formalités à accomplir par l'appelant en matière de procédure sans représentation obligatoire constituerait une charge procédurale excessive, dès lors que celui-ci n'est pas tenu d'être représenté par un professionnel du droit. La faculté de régularisation de la déclaration d'appel ne serait pas de nature à y remédier (2e Civ., 9 septembre 2021, pourvoi n° 20-13.673, publié).
6. Il en résulte qu'en matière de procédure sans représentation obligatoire, y compris lorsque les parties ont choisi d'être assistées ou représentées par un avocat, la déclaration d'appel qui mentionne que l'appel tend à la réformation de la décision déférée à la cour d'appel, en omettant d'indiquer les chefs du jugement critiqués, doit s'entendre comme déférant à la connaissance de la cour d'appel l'ensemble des chefs de ce jugement.
7. Il doit en être de même lorsque la déclaration d'appel, qui omet de mentionner les chefs de dispositif critiqués, ne précise pas si l'appel tend à l'annulation ou à la réformation du jugement.
8. Pour dire que la cour d'appel n'était saisie d'aucune demande, l'arrêt retient que la déclaration d'appel faite par l'avocat de Mme [H], qui ne précise pas les chefs du jugement qu'elle entend critiquer, n'a pas eu d'effet dévolutif.
9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
10. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
11. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
12. Il résulte de ce qui est dit aux paragraphes 6, 7 et 8, que la déclaration d'appel de Mme [H] doit s'entendre comme ayant déféré à la cour d'appel l'ensemble des chefs du jugement. Il résulte du jugement du 13 janvier 2021 que la mesure éducative avec placement au domicile du père a été renouvelée jusqu'au 31 janvier 2022 et est donc expirée à ce jour. L'appel est en conséquence devenu sans objet.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er juillet 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
CONSTATE que la mesure d'assistance éducative a expiré le 31 janvier 2022 ;
DIT que l'appel est devenu sans objet ;
Laisse les dépens exposés en première instance, en appel et devant la Cour de cassation à la charge du Trésor public ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande.
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf septembre deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Yves et Blaise Capron, avocat aux Conseils, pour Mme [H]
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR constaté que la cour d'appel de Besançon n'était saisie d'aucune demande en l'absence d'effet dévolutif de l'appel interjeté par Mme [W] [H] ;
ALORS QU'il résulte des dispositions des articles 562 et 933 du code de procédure civile et des stipulations de l'article 6.1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qu'en matière de procédure d'appel sans représentation obligatoire, la déclaration d'appel, qui mentionne que l'appel tend à la réformation de la décision déférée à la cour d'appel en omettant d'indiquer les chefs du jugement critiqués, doit s'entendre comme déférant à la connaissance de la cour d'appel l'ensemble des chefs de ce jugement ; qu'en énonçant, par conséquent, pour constater qu'elle n'était saisie d'aucune demande en l'absence d'effet dévolutif de l'appel interjeté par Mme [W] [H], que l'effet dévolutif n'opère pas lorsque la déclaration d'appel ne mentionne pas les chefs de jugement qui sont critiqués, que la déclaration d'appel formée par le conseil de Mme [W] [H] le 25 janvier 2021 ne précisait pas les chefs du jugement rendu le 13 janvier 2021 par le juge des enfants du tribunal judiciaire de Lons-le-Saunier qu'elle entendait critiquer et qu'il s'en déduisait, par application combinée des articles 542, 562, 901 et 933 du code de procédure civile, que ne lui était déféré aucun des chefs du jugement rendu le 13 janvier 2021 par le juge des enfants du tribunal judiciaire de Lons-le-Saunier et qu'elle n'était pas saisie des prétentions présentées à l'audience par Mme [W] [H], quand l'appel interjeté à l'encontre d'un jugement rendu en matière d'assistance éducative est soumis à la procédure d'appel sans représentation obligatoire et quand l'appel interjeté par Mme [W] [H] tendait à la réformation d'un jugement rendu en matière d'assistance éducative, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 562, 933 et 1192 du code de procédure civile et les stipulations de l'article 6.1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.