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28/09/2022 | FRANCE | N°21-17299

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 28 septembre 2022, 21-17299


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CDS

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 28 septembre 2022

Rejet

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1077 F-D

Pourvoi n° N 21-17.299

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 SEPTEMBRE 2022

M. [J] [W], domicilié [Adresse 2], a f

ormé le pourvoi n° N 21-17.299 contre l'arrêt rendu le 10 décembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 2), dans le litige l'oppos...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CDS

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 28 septembre 2022

Rejet

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1077 F-D

Pourvoi n° N 21-17.299

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 SEPTEMBRE 2022

M. [J] [W], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° N 21-17.299 contre l'arrêt rendu le 10 décembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 2), dans le litige l'opposant à la société Generali Insurance Asset Management SPA, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Monge, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [W], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Generali Insurance Asset Management SPA, après débats en l'audience publique du 6 juillet 2022 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Monge, conseiller rapporteur, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris,10 décembre 2020), rendu en matière de référé, M. [W] a été engagé, le 2 janvier 2002, en qualité de contrôleur des risques junior, classe 5 de la convention collective nationale des sociétés d'assurances du 27 mai 1992, par la société Generali finances suivant contrat à durée déterminée. Le 4 juillet 2002, les parties ont conclu un contrat à durée indéterminée.

2. Promu à compter du 1er décembre 2007 gérant de produits dérivés niveau 1, classe 5, au sein de la direction gestion produits dérivés du pôle « Gestion d'actifs », il a, à compter du 1er janvier 2012, exercé les fonctions de gérant de produits dérivés niveau 2, classe 6. Son contrat de travail a été transféré le 1er octobre 2018 à la succursale française de la société italienne Generali insurance asset management SPA (la société).

3. Arguant d'une inégalité de traitement, le salarié a, le 26 novembre 2018, saisi en référé la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir que soit ordonné à la société de lui communiquer, sous astreinte, diverses pièces concernant trois de ses salariés.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande tendant à ordonner à la société de lui communiquer, sous astreinte, divers documents concernant trois salariés, alors :

« 1°/ qu'aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ; qu'en l'espèce, se plaignant d'une inégalité de traitement, le salarié, travaillant en qualité de "gérant d'actifs mobiliers", a saisi le juge prud'homal des référés en sollicitant la communication des contrats de travail, avenants, diplômes, bulletins de paie, l'évolution datée de la classification et qualification ainsi que les bulletins de paie correspondant, les rémunérations au 31 décembre de chaque année et au 30 novembre 2019, le cas échéant les primes d'impatriation et avantages en nature, de trois autres salariés exerçant également les fonctions de "gérant d'actifs mobiliers" au sein de la même équipe ; qu'en jugeant néanmoins que le salarié ne justifiait pas du motif légitime sous-tendant ses demandes de communication de documents, la cour d'appel a violé l'article 145 du code de procédure civile ;

2°/ qu'un salarié, qui s'estime victime d'une inégalité de traitement, peut saisir le juge prud'homal en référé, avant tout procès au fond, pour obtenir communication des documents nécessaires à la protection de ses droits et dont seul l'employeur dispose et qu'il refuse de fournir ; qu'en l'espèce, le salarié s'estimait victime d'une inégalité de traitement avec les trois autres gérants d'actifs mobiliers qui composaient son équipe et faisait valoir que l'un de ses anciens collègues, qui encadrait des gérants d'actifs, attestait que l'inégalité de traitement était déjà présente en 2012, la rémunération du salarié étant très en deçà de celle de ses collègues, de près de 40 %, ce qui ne s'expliquait selon lui que par un très faible salaire à l'embauche, que ses soupçons avaient été également nourris par le versement d'une prime très supérieure à celle qui lui avait été annoncée et qu'il avait dû restituer après que l'employeur eut constaté une erreur, qu'il avait interpellé la direction sans obtenir de réponse, qu'à sa demande les délégués du personnel avaient réclamé la liste complète mais anonymisée des rémunérations des gérants d'actifs ainsi que leur ancienneté, en distinguant rémunération de base, salaire variable et/ou bonus, et que la direction avait refusé d'accéder à cette demande, de sorte qu'il sollicitait la communication des contrats de travail, avenants, diplômes, bulletins de paie, l'évolution datée de la classification et qualification ainsi que les bulletins de paie correspondant, les rémunérations au 31 décembre de chaque année et au 30 novembre 2019, le cas échéant les primes d'impatriation et avantages en nature, des trois autres salariés exerçant également les fonctions de ‘'gérant d'actifs mobiliers'‘ au sein de son équipe, que son employeur seul détenait et refusait de communiquer et d'expliquer ; qu'en déclarant néanmoins que le salarié ne justifiait pas du motif légitime sous-tendant ses demandes de communications de documents, la cour d'appel a méconnu les dispositions des articles 4 et 145 du code de procédure civile ;

3°/ que selon le principe d'égalité de traitement, l'employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés, pour autant que les salariés en cause sont placés dans une situation identique ou similaire ;
qu'il résulte de l'article L. 1134-1 du code du travail qu'en matière de discrimination au travail ou d'inégalité de traitement, le salarié doit seulement présenter ‘'des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination'‘ et il est légitime lorsqu'il s'en estime victime et invoque différents faits de nature à la présumer, qu'il demande et obtienne en référé, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, la communication des documents nécessaires à la protection de ses droits, dont seul l'employeur dispose et qu'il refuse de fournir ; qu'en jugeant le contraire au motif erroné que le salarié qui travaillait en tant que gérant d'actifs mobiliers n'exerçait pas des fonctions identiques ou similaires à celles des trois autres salariés qui étaient gérants d'actifs mobiliers au sein de son équipe, la cour d'appel a violé l'article 145 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 1134-1 du code du travail ;

4°/ qu'aux termes de l'article L. 3221-4 du code du travail, sont considérés comme ayant une valeur égale, les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse ; que pour débouter le salarié de sa demande tendant à obtenir la communication des contrats de travail, avenants, diplômes, bulletins de paie, l'évolution datée de la classification et qualification ainsi que les bulletins de paie correspondant, les rémunérations au 31 décembre de chaque année et au 30 novembre 2019, le cas échéant les primes d'impatriation et avantages en nature, des trois autres salariés exerçant également les fonctions de ‘'gérant d'actifs mobiliers'‘ au sein de son équipe, la cour d'appel a retenu que contrairement aux trois salariés auxquels il souhaite se comparer, qui sont ‘'traders equity'‘ (traders en actions), l'intéressé exerce des fonctions de ‘'trader fixed income'‘ (traders en obligations) et qu'il est le seul trader en obligations basé à Paris, qu'il n'exerce donc pas des fonctions identiques ou similaires avec MM. [T], [U] et [I] ; qu'en se déterminant ainsi, par des motifs inopérants pour exclure l'application du principe d'égalité de traitement, sans se livrer à une analyse comparée de la situation, des fonctions et des responsabilités du salarié avec celles de ses collègues, et alors qu'il était soutenu que les traders en actions et les traders en obligations exerçaient en réalité des fonctions similaires au sein d'un même service, ainsi que cela résultait notamment des fiches de poste produites aux débats, et sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les fonctions exercées par ses collègues n'étaient pas de valeur égale à celles de M. [W], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3221-4 du code du travail ;

5°/ que le salarié exposait dans ses écritures d'appel que les gérants d'actifs actions et obligations étaient regroupés au sein d'un seul et même ‘'trading desk'‘, c'est-à-dire service ou département, qu'ils étaient localisés dans le même bureau à [Localité 3], qu'ils avaient les mêmes horaires et le même emploi de ‘'gérants d'actifs mobiliers'‘, qu'ils avaient les mêmes fonctions ainsi que cela ressortait des fiches de poste de ces fonctions éditées par la société, tant au regard de la description du poste (obligations et responsabilités) que des compétences managériales et techniques requises ; que pour débouter le salarié de sa demande tendant à obtenir la communication des contrats de travail, avenants, diplômes, bulletins de paie, l'évolution datée de la classification et qualification ainsi que les bulletins de paie correspondant, les rémunérations au 31 décembre de chaque année et au 30 novembre 2019, le cas échéant les primes d'impatriation et avantages en nature, des trois autres salariés exerçant également les fonctions de ‘'gérant d'actifs mobiliers'‘ au sein de son équipe, la cour d'appel a retenu que M. [W] n'exerçait pas des fonctions identiques ou similaires avec MM. [T], [U] et [I] ; qu'en se déterminant ainsi sans répondre aux conclusions de M. [W] tendant à démontrer qu'il était placé dans une situation identique ou similaire, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

6°/ que le salarié exposait dans ses écritures d'appel qu'il présentait une identité de situation avec ses collègues [T], [U], [I] au regard des diplômes respectifs et de leurs expériences professionnelles, ajoutant que lui seul était titulaire d'un diplôme supplémentaire de référence dans le monde de la gestion d'actifs, qu'à compter de 2009 il était trader sur les actions des participations stratégiques du groupe Generali et trader pour la clientèle privée de Generali Patrimoine et répertorié dans un document interne officiel comme ‘'personne habilitée à effectuer des transactions sur tous les types d'instruments financiers'‘, qu'après octobre 2012, les activités de trading et de gestion ayant été séparées, M. [W] avait été spécialisé sur les obligations et devises qui constituaient le volume essentiel des opérations sur les marchés financiers de Generali, qu'il disposait ainsi d'une expérience de 12 années dans le trading et qu'avec une expérience de 17 années de ‘'financial industry experience'‘, il était désormais le 3ème trader le plus ancien au sein du ‘'trading desk'‘ après MM. [T] et [I], qu'il pouvait d'ailleurs remplacer ses collègues [T] et [U], qu'au surplus, sur le marché du travail, les fonctions de traders actions et traders obligations réclament un niveau d'études similaires et sont rémunérées au même niveau de salaire ; que pour débouter l'intéressé de sa demande de communication de pièces relatifs à la rémunération de MM. [T], [U] et [I], la cour d'appel a retenu qu'il ne possédait pas une expérience en trading comparable à ces trois salariés ; qu'en se prononçant en ce sens, sans répondre à ces conclusions pourtant déterminantes de l'issue du litige, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

7°/ que dans ses écritures, le salarié faisait valoir que plusieurs éléments l'avaient conduit à soupçonner l'existence d'un écart salarial important entre ses collègues gérants traders à [Localité 3] et lui-même, dont le versement d'une prime très élevée puis restituée à l'employeur après que ce dernier eut invoqué une erreur, ainsi que le témoignage d'un de ses anciens collègues qui avait encadré les gérants d'actifs et attestait que l'inégalité de traitement était déjà présente en 2012, que dans ces conditions il avait sollicité à plusieurs reprises de son employeur qu'il lui communique les éléments lui permettant de comparer l'évolution de sa rémunération avec celle de ses collègues du ‘'trading desk'‘, y compris par l'intermédiaire des délégués du personnel et qu'alors que ces éléments étaient indispensables pour pouvoir établir l'inégalité de traitement et le préjudice subi, la société avait toujours refusé de transmettre ces informations alors qu'elle était la seule à disposer des pièces de nature à pouvoir procéder à une comparaison utile ; qu'en se bornant, pour débouter le requérant de sa demande, à affirmer que M. [W] ne justifiait pas du motif légitime sous-tendant ses demandes de communication de documents, sans rechercher si les mesures demandées n'étaient pas nécessaires à l'exercice du droit à la preuve du salarié et en particulier, si la communication des documents demandés, dont seul l'employeur disposait et qu'il refusait de communiquer, n'était pas nécessaire à la protection de ses droits, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du code de procédure civile, ensemble l'article 6§1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

5. C'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel, ayant relevé que, contrairement aux trois salariés auxquels il souhaitait se comparer, qui étaient « traders equity » (traders en actions), l'intéressé exerçait des fonctions de « trader fixed income » (traders en obligations) et qu'il était le seul trader en obligations basé à Paris, son manager étant basé, quant à lui, en Italie, a retenu que le salarié n'exerçait pas des fonctions identiques ou similaires à celles de ses trois collègues et qu'il ne possédait pas une expérience en « trading » comparable à celle de ces derniers.

6. Ayant ainsi fait ressortir que la communication des documents se rapportant à ces trois salariés n'était pas nécessaire à la protection de ses droits, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, en a déduit que le salarié ne justifiait pas du motif légitime sous-tendant sa demande.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [W] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. [W]

Monsieur [J] [W] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande tendant à voir ordonner à la société GENERALI INSURANCE ASSET MANAGEMENT SPA venant aux droits de GENERALI INVESTMENTS EUROPE de lui communiquer, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir, pour Messieurs [O] [T], [Y] [U] et [H] [I] (jusqu'en juin 2016), le contrat de travail à l'embauche, les avenants éventuels, les diplômes à l'embauche, les évolutions de leur classification/qualification, ainsi que la date de chaque évolution et les bulletins et avenants correspondants, leurs rémunérations, en distinguant la rémunération de base et la rémunération variable, au 31 décembre de chaque année et au 30 novembre 2019, ainsi que les bulletins de paie correspondants, depuis leur embauche, le cas échéant, les primes d'impatriation, avantages en nature ;

Alors, de première part, qu'aux termes de l'article 145 du Code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ; qu'en l'espèce, se plaignant d'une inégalité de traitement, le salarié, travaillant en qualité de « gérant d'actifs mobiliers », a saisi le juge prud'homal des référés en sollicitant la communication des contrats de travail, avenants, diplômes, bulletins de paie, l'évolution datée de la classification et qualification ainsi que les bulletins de paie correspondant, les rémunérations au 31 décembre de chaque année et au 30 novembre 2019, le cas échéant les primes d'impatriation et avantages en nature, de trois autres salariés exerçant également les fonctions de « gérant d'actifs mobiliers » au sein de la même équipe ; qu'en jugeant néanmoins que le salarié ne justifiait pas du motif légitime sous-tendant ses demandes de communication de documents, la Cour d'appel a violé l'article 145 du Code de procédure civile ;

Alors, de deuxième part, qu'un salarié, qui s'estime victime d'une inégalité de traitement, peut saisir le juge prud'homal en référé, avant tout procès au fond, pour obtenir communication des documents nécessaires à la protection de ses droits et dont seul l'employeur dispose et qu'il refuse de fournir ; qu'en l'espèce, le requérant s'estimait victime d'une inégalité de traitement avec les trois autres gérants d'actifs mobiliers qui composaient son équipe et faisait valoir que l'un de ses anciens collègues, qui encadrait des gérants d'actifs, attestait que l'inégalité de traitement était déjà présente en 2012, la rémunération de Monsieur [W] étant très en deçà de celle de ses collègues, de près de 40 %, ce qui ne s'expliquait selon lui que par un très faible salaire à l'embauche, que ses soupçons avaient été également nourris par le versement d'une prime très supérieure à celle qui lui avait été annoncée et qu'il avait dû restituer après que l'employeur ait constaté une erreur, qu'il avait interpelé la direction sans obtenir de réponse, qu'à sa demande les délégués du personnel avaient réclamé la liste complète mais anonymisée des rémunérations des gérants d'actifs ainsi que leur ancienneté, en distinguant rémunération de base, salaire variable et/ou bonus, et que la direction avait refusé d'accéder à cette demande, de sorte qu'il sollicitait la communication des contrats de travail, avenants, diplômes, bulletins de paie, l'évolution datée de la classification et qualification ainsi que les bulletins de paie correspondant, les rémunérations au 31 décembre de chaque année et au 30 novembre 2019, le cas échéant les primes d'impatriation et avantages en nature, des trois autres salariés exerçant également les fonctions de « gérant d'actifs mobiliers » au sein de son équipe, que son employeur seul détenait et refusait de communiquer et d'expliquer ; qu'en déclarant néanmoins que le salarié ne justifiait pas du motif légitime sous-tendant ses demandes de communications de documents, la Cour d'appel a méconnu les dispositions des articles 4 et 145 du Code de procédure civile ;

Alors, de troisième part, que selon le principe d'égalité de traitement, l'employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés, pour autant que les salariés en cause sont placés dans une situation identique ou similaire ; qu'il résulte de l'article L. 1134-1 du Code du travail qu'en matière de discrimination au travail ou d'inégalité de traitement, le salarié doit seulement présenter « des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination » et il est légitime lorsqu'il s'en estime victime et invoque différents faits de nature à la présumer, qu'il demande et obtienne en référé, sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile, la communication des documents nécessaires à la protection de ses droits, dont seul l'employeur dispose et qu'il refuse de fournir ; qu'en jugeant le contraire au motif erroné que le salarié qui travaillait en tant que gérant d'actifs mobiliers n'exerçait pas des fonctions identiques ou similaires à celles des trois autres salariés qui étaient gérants d'actifs mobiliers au sein de son équipe, la Cour d'appel a violé l'article 145 du Code de procédure civile, ensemble l'article L. 1134-1 du Code du travail ;

Alors, de quatrième part, qu'aux termes de l'article L. 3221-4 du Code du travail, sont considérés comme ayant une valeur égale, les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse ; que pour débouter le salarié de sa demande tendant à obtenir la communication des contrats de travail, avenants, diplômes, bulletins de paie, l'évolution datée de la classification et qualification ainsi que les bulletins de paie correspondant, les rémunérations au 31 décembre de chaque année et au 30 novembre 2019, le cas échéant les primes d'impatriation et avantages en nature, des trois autres salariés exerçant également les fonctions de « gérant d'actifs mobiliers » au sein de son équipe, la Cour d'appel a retenu que contrairement aux trois salariés auxquels il souhaite se comparer, qui sont « traders equity » (traders en actions), l'intéressé exerce des fonctions de « trader fixed income » (traders en obligations) et qu'il est le seul trader en obligations basé à Paris, qu'il n'exerce donc pas des fonctions identiques ou similaires avec Messieurs [O] [T], [Y] [U] et [H] [I] ; qu'en se déterminant ainsi, par des motifs inopérants pour exclure l'application du principe d'égalité de traitement, sans se livrer à une analyse comparée de la situation, des fonctions et des responsabilités du salarié avec celles de ses collègues, et alors qu'il était soutenu que les traders en actions et les traders en obligations exerçaient en réalité des fonctions similaires au sein d'un même service, ainsi que cela résultait notamment des fiches de poste produites aux débats, et sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les fonctions exercées par ses collègues n'étaient pas de valeur égale à celles de Monsieur [W], la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3221-4 du Code du travail ;

Alors, de cinquième part, que le requérant exposait dans ses écritures d'appel que les gérants d'actifs actions et obligations étaient regroupés au sein d'un seul et même « trading desk », c'est-à-dire service ou département, qu'ils étaient localisés dans le même bureau à [Localité 3], qu'ils avaient les mêmes horaires et le même emploi de « gérants d'actifs mobiliers », qu'ils avaient les mêmes fonctions ainsi que cela ressortait des fiches de poste de ces fonctions éditées par la société, tant au regard de la description du poste (obligations et responsabilités) que des compétences managériales et techniques requises (p. 17 à 27) ; que pour débouter le salarié de sa demande tendant à obtenir la communication des contrats de travail, avenants, diplômes, bulletins de paie, l'évolution datée de la classification et qualification ainsi que les bulletins de paie correspondant, les rémunérations au 31 décembre de chaque année et au 30 novembre 2019, le cas échéant les primes d'impatriation et avantages en nature, des trois autres salariés exerçant également les fonctions de « gérant d'actifs mobiliers » au sein de son équipe, la Cour d'appel a retenu que Monsieur [J] [W] n'exerçait pas des fonctions identiques ou similaires avec Messieurs [O] [T], [Y] [U] et [H] [I] ; qu'en se déterminant ainsi sans répondre aux conclusions de Monsieur [W] tendant à démontrer qu'il était placé dans une situation identique ou similaire, la Cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;

Alors, de sixième part, que le requérant exposait dans ses écritures d'appel qu'il présentait une identité de situation avec ses collègues [T], [U], [I] au regard des diplômes respectifs et de leurs expériences professionnelles, ajoutant que lui seul était titulaire d'un diplôme supplémentaire de référence dans le monde de la gestion d'actifs, qu'à compter de 2009 il était trader sur les actions des participations stratégiques du groupe GENERALI et trader pour la clientèle privée de GENERALI PATRIMOINE et répertorié dans un document interne officiel comme « personne habilitée à effectuer des transactions sur tous les types d'instruments financiers », qu'après octobre 2012, les activités de trading et de gestion ayant été séparées, Monsieur [W] avait été spécialisé sur les obligations et devises qui constituaient le volume essentiel des opérations sur les marchés financiers de GENERALI, qu'il disposait ainsi d'une expérience de 12 années dans le trading et qu'avec une expérience de 17 années de « financial industry experience », il était désormais le 3ème trader le plus ancien au sein du « trading desk » après [O] [T] et [H] [I], qu'il pouvait d'ailleurs remplacer ses collègues [T] et [U], qu'au surplus, sur le marché du travail, les fonctions de traders actions et traders obligations réclament un niveau d'études similaires et sont rémunérées au même niveau de salaire (p. 27 à 33) ; que pour débouter le requérant de sa demande de communication de pièces relatifs à la rémunération de Messieurs [T], [U] et [I], la Cour d'appel a retenu qu'il ne possédait pas une expérience en trading comparable à ces trois salariés ; qu'en se prononçant en ce sens, sans répondre à ces conclusions pourtant déterminantes de l'issue du litige, la Cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;

Alors, de septième part, que dans ses écritures, le requérant faisait valoir que plusieurs éléments l'avaient conduit à soupçonner l'existence d'un écart salarial important entre ses collègues gérants traders à [Localité 3] et lui-même, dont le versement d'une prime très élevée puis restituée à l'employeur après que ce dernier ait invoqué une erreur, ainsi que le témoignage d'un de ses anciens collègues qui avait encadré les gérants d'actifs et attestait que l'inégalité de traitement était déjà présente en 2012, que dans ces conditions il avait sollicité à plusieurs reprises de son employeur qu'il lui communique les éléments lui permettant de comparer l'évolution de sa rémunération avec celle de ses collègues du « trading desk », y compris par l'intermédiaire des délégués du personnel et qu'alors que ces éléments étaient indispensables pour pouvoir établir l'inégalité de traitement et le préjudice subi, la société avait toujours refusé de transmettre ces informations alors qu'elle était la seule à disposer des pièces de nature à pouvoir procéder à une comparaison utile ; qu'en se bornant, pour débouter le requérant de sa demande, à affirmer que Monsieur [W] ne justifiait pas du motif légitime sous-tendant ses demandes de communication de documents, sans rechercher si les mesures demandées n'étaient pas nécessaires à l'exercice du droit à la preuve du requérant et en particulier, si la communication des documents demandés, dont seul l'employeur disposait et qu'il refusait de communiquer, n'était pas nécessaire à la protection de ses droits, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du Code de procédure civile, ensemble l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21-17299
Date de la décision : 28/09/2022
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 10 décembre 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 28 sep. 2022, pourvoi n°21-17299


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 04/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.17299
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