La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/09/2022 | FRANCE | N°20-21890

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 28 septembre 2022, 20-21890


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CDS

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 28 septembre 2022

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1078 F-D

Pourvoi n° H 20-21.890

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 SEPTEMBRE 2022

M. [X] [C], domicilié [A

dresse 2], a formé le pourvoi n° H 20-21.890 contre l'arrêt rendu le 16 septembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 4), dans le...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CDS

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 28 septembre 2022

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1078 F-D

Pourvoi n° H 20-21.890

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 SEPTEMBRE 2022

M. [X] [C], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° H 20-21.890 contre l'arrêt rendu le 16 septembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 4), dans le litige l'opposant à la société Gounot, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La société Gounot a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son reours, les trois moyens de cassation également annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. [C], de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de la société Gounot, après débats en l'audience publique du 6 juillet 2022 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société Gounot du désistement du premier moyen de son pourvoi incident dirigé contre l'arrêt attaqué.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 septembre 2020), M. [C] a été engagé, le 1er avril 1992, par la société Gounot en qualité d'ouvrier professionnel monteur.

3. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale, le 21 avril 2015, afin qu'elle prononce la résiliation judiciaire de son contrat de travail et condamne son employeur à lui verser diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail ainsi que des dommages-intérêts pour inégalité de traitement et harcèlement moral.

4. Il a été licencié le 20 février 2020.

Examen des moyens

Sur les deuxième et troisième moyens du pourvoi incident de l'employeur, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal du salarié, pris en ses quatrième et cinquième branches

Enoncé du moyen

6. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes au titre du harcèlement moral, alors :

« 4°/ que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en relevant, pour débouter M. [C] de sa demande au titre du harcèlement moral, résultant notamment du prononcé de sanctions disciplinaires injustifiées, qu'au regard des deux sanctions annulées, il convient de relever que la présomption de harcèlement moral ne peut plus tenir, cependant qu'elle avait annulé deux des trois avertissements infligés au salarié, reconnaissant par là-même qu'ils n'étaient pas justifiés par l'exercice par l'employeur de son pouvoir de direction, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations a manifestement violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

5°/ que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en déboutant M. [C] de sa demande au titre du harcèlement moral, alors pourtant qu'elle relevait ‘'l'absence de réponse de l'employeur sur le maintien du salarié au même niveau professionnel depuis 2005'', de sorte que cette circonstance n'était nullement justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé derechef les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, le second dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :

7. Aux termes du premier de ces textes, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

8. Il résulte du second que, lorsque survient un litige, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

9. Pour débouter le salarié de ses demandes de dommages-intérêts pour harcèlement moral, l'arrêt retient que le salarié invoque qu'il est à l'origine, en sa qualité de délégué du personnel élu en 2010 et 2014, d'alertes sur les conditions de travail, le manque de sécurité et d'équipement et le paiement des indemnités de trajet, qu'il a été contraint de travailler seul en dépit de son statut de chef d'équipe, qu'il s'est vu retirer son véhicule de fonction en octobre 2013, ainsi que son téléphone professionnel, qu'il a fait l'objet de plusieurs sanctions, un blâme et trois avertissements sur une période de dix mois, que son état de santé s'est dégradé ce qui a entraîné plusieurs arrêts de travail et qu'il n'a fait l'objet d'aucune évolution professionnelle depuis le 21 novembre 2005.

10. L'arrêt constate que le salarié produit les diverses lettres adressées à l'employeur en sa qualité de délégué du personnel, les sanctions susvisées, des arrêts de travail pour syndrome dépressif et une lettre du délégué du personnel suppléant, adressée à la direction, faisant état d'un harcèlement moral subi par le salarié. Il en déduit que les éléments produits par ce dernier, pris dans leur ensemble, font présumer un harcèlement moral.

11. Il retient ensuite que l'employeur justifie des formations données aux salariés en matière de sécurité et d'une baisse des taux de cotisation d'accident du travail entre 2013 et 2016. Il ajoute qu'il démontre aussi que depuis 2013, date à laquelle le médecin du travail a contre-indiqué au salarié le port de charge lourde, celui-ci a été affecté à l'atelier moyenne/haute tension, ce qui ne justifiait plus d'utiliser un véhicule de service ni un téléphone mobile, et qu'il travaillait dans cet atelier avec trois autres salariés. Il énonce, par ailleurs, que les arrêts de travail n'expliquent pas l'origine du syndrome anxio-dépressif du salarié.

12. Il déduit des éléments objectifs apportés par l'employeur, des deux sanctions annulées ainsi que de l'absence de réponse de l'employeur sur le maintien du salarié au même niveau professionnel depuis novembre 2005, que la présomption de harcèlement moral ne peut plus tenir.

13. En statuant ainsi, par des motifs impropres à établir que l'ensemble des faits établis par le salarié étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur les deuxième et quatrième moyens, pris en leur première branche, et le troisième moyen du pourvoi principal, réunis

Enoncé des moyens

14. Par son deuxième moyen, le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes au titre de la discrimination syndicale, alors « qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir sur le premier moyen portant sur le harcèlement moral entraînera par voie de conséquence la cassation du chef de l'arrêt relatif à la discrimination syndicale reposant sur les mêmes faits. »

15. Par son troisième moyen, le salarié fait grief à l'arrêt, après avoir prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail liant le salarié à l'employeur, de condamner ce dernier à lui payer des sommes à titre d'indemnité de préavis, de congés payés afférents et de dommages-intérêts pour la résiliation judiciaire produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir sur le premier moyen portant sur le harcèlement moral ou le deuxième moyen portant sur la discrimination syndicale entraînera par voie de conséquence la cassation du chef de l'arrêt considérant que la résiliation judiciaire du contrat de travail liant M. [C] à la société Gounot devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse avec les conséquences pécuniaires qui s'en inféraient. »

16. Par son quatrième moyen, le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande au titre de l'indemnité spéciale de licenciement, alors « qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir sur le troisième moyen portant sur le chef de l'arrêt jugeant que la résiliation judiciaire du contrat de travail liant M. [C] à la société Gounot devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse emportera par voie de conséquence la cassation du chef de l'arrêt rejetant la demande d'indemnisation au titre de l'indemnité spéciale de licenciement. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

17. La cassation à intervenir sur le premier moyen entraîne la cassation, par voie de conséquence, des chefs du dispositif relatifs au rejet des demandes du salarié au titre de la discrimination syndicale ainsi qu'à la condamnation de l'employeur à lui payer des sommes à titre d'indemnité de préavis, de congés payés afférents et de dommages-intérêts pour la résiliation judiciaire du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

18. La cassation à intervenir sur le troisième moyen entraîne la cassation, par voie de conséquence, du chef du dispositif rejetant la demande du salarié au titre de l'indemnité spéciale de rupture, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

Rejette le pourvoi incident de l'employeur.

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de dommages-intérêts de M. [C] pour harcèlement moral et pour discrimination syndicale, ainsi que celle au titre de l'indemnité spéciale de licenciement et en ce qu'il condamne la société Gounot à payer à M. [C] une indemnité de préavis, les congés payés afférents ainsi que des dommages-intérêts au titre de la résiliation judiciaire produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 16 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société Gounot aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Gounot et la condamne à payer à M. [C] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat aux Conseils, pour M. [C], demandeur au pourvoi principal

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

M. [C] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'avoir débouté de ses demandes au titre du harcèlement moral, alors :

1°) qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'il suit de là qu'en retenant, pour débouter le salarié de sa demande au titre du harcèlement moral, que l'employeur justifie des formations données aux salariés en matière de sécurité et d'une baisse du taux de cotisations d'accident du travail entre 2013 et 2016, lorsque de telles considérations sont étrangères aux conditions de travail du salarié et par conséquent indifférentes à la justification objective des faits dénoncés par le salarié comme étant caractérisant un harcèlement moral, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

2°) que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en retenant que l'affectation du salarié au sein d'un atelier où il travaillait seul, en dépit de son statut de chef d'équipe, ce qui avait entraîné le retrait de son véhicule de fonction ainsi que de son téléphone portable, était justifié par le fait que le médecin du travail avait contre-indiqué au salarié le port de charge lourde, sans rechercher comme elle y était pourtant invitée par le salarié si les conditions de travail au sein de cet atelier étaient bien conformes aux préconisations du médecin du travail, ce que contestait le salarié, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

3°) que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en se bornant à relever, pour débouter le salarié de sa demande au titre du harcèlement moral, que « les arrêts de travail n'expliquent pas l'origine du syndrome anxio-dépressif », sans prendre en compte l'ensemble des éléments allégués par le salarié, notamment le refus de l'inspection du travail d'autoriser son licenciement aux motifs que « l'inaptitude de M. [C] résulte d'une dégradation de son état de santé qui est en lien direct avec les obstacles mis par l'employeur à l'exercice de ses fonctions représentatives » et la décision de la CPAM de reconnaître le caractère professionnel de la maladie du salarié, à effet du 5 décembre 2017, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

4°) que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en relevant, pour débouter M. [C] de sa demande au titre du harcèlement moral, résultant notamment du prononcé de sanctions disciplinaires injustifiées, qu'au regard des deux sanctions annulées, il convient de relever que la présomption de harcèlement moral ne peut plus tenir, cependant qu'elle avait annulé deux des trois avertissements infligés au salarié, reconnaissant par là-même qu'ils n'étaient pas justifiés par l'exercice par l'employeur de son pouvoir de direction, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations a manifestement violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

5°) que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en déboutant M. [C] de sa demande au titre du harcèlement moral, alors pourtant qu'elle relevait « l'absence de réponse de l'employeur sur le maintien du salarié au même niveau professionnel depuis 2005 », de sorte que cette circonstance n'était nullement justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé derechef les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

M. [C] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'avoir débouté de ses demandes au titre de la discrimination syndicale, alors :

1°) qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir sur le premier moyen portant sur le harcèlement moral entraînera par voie de conséquence la cassation du chef de l'arrêt relatif à la discrimination syndicale reposant sur les mêmes faits ;

2°) qu'aucun salarié ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire en raison de ses activités syndicales ou de celles liées à l'exercice de ses mandats représentatifs ; qu'il en résulte qu'en écartant toute discrimination syndicale, en se fondant sur le statut de délégué du personnel du salarié, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1 et 2141-5 du code du travail ;

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

M. [C] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué, après avoir prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail liant M. [C] à la société Gounot, d'avoir condamné la société Gounot à payer à M. [C] les sommes de 5 562 euros d'indemnité de préavis, 556,20 euros de congés payés afférents et 55 620 euros de dommages et intérêts pour la résiliation judiciaire produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors :

1°) qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir sur le premier moyen portant sur le harcèlement moral ou le deuxième moyen portant sur la discrimination syndicale entraînera par voie de conséquence la cassation du chef de l'arrêt considérant que la résiliation judiciaire du contrat de travail liant M. [C] à la société Gounot devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse avec les conséquences pécuniaires qui s'en inféraient ;

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

M. [C] fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué de l'avoir débouté de sa demande au titre de l'indemnité spéciale de licenciement, alors :

1°) qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir sur le troisième moyen portant sur le chef de l'arrêt jugeant que la résiliation judiciaire du contrat de travail liant M. [C] à la société Gounot devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse emportera par voie de conséquence la cassation du chef de l'arrêt rejetant la demande d'indemnisation au titre de l'indemnité spéciale de licenciement ;

2°) qu'en tout état lorsque, postérieurement au constat de l'inaptitude, un contrat de travail est rompu par une résiliation judiciaire produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié a droit, lorsque cette inaptitude est consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle, à l'indemnité spéciale de licenciement prévue par l'article L. 1226-14 du code du travail ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 1226-14 du code du travail ;

3°) que la rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L. 1226-12 ouvre droit pour le salarié à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité légale ; qu'en déboutant le salarié de sa demande au titre de l'indemnité spéciale de licenciement, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée par le salarié, si l'inaptitude du salarié, à l'origine du licenciement du salarié revêtait bien un caractère professionnel, ce que ne pouvait ignorer l'employeur en l'état de la décision de la CPAM du 14 janvier 2019, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L. 1226-14 du code du travail ;
Moyens produits par la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils, pour la société Gounot, demanderesse au pourvoi incident

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

La société Gounot fait grief à l'arrêt attaqué, confirmatif de ce chef, de l'avoir condamnée à payer à Monsieur [C] la somme de 301,93 euros d'indemnité de trajet et d'avoir dit que les sommes allouées à Monsieur [C] produiront intérêts au taux légal à compter de la convocation de la société Gounot devant le bureau de conciliation pour les sommes de nature salariale et à compter du prononcé de l'arrêt pour les sommes de nature indemnitaire ;

Alors, de première part, que, dans le dispositif de ses écritures d'appel, la société Gounot a demandé à la cour d'appel de : « 3) Infirmer le jugement susvisé en ce qu'il a condamné la société Gounot à payer à Monsieur [C] les sommes de : [?] - 301,93 euros à titre d'indemnités de trajet [?]. 5) Subsidiairement, confirmer le jugement susvisé au titre des indemnités de trajet » (conclusions d'appel, p. 22) ; qu'en retenant que la société Gounot se serait bornée à demander la confirmation du jugement sur les indemnités de trajet, la cour d'appel a dénaturé ses écritures d'appel et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

Alors, de seconde part, que, selon l'article 8.7 de la convention collective : « l'indemnité de trajet a pour objet d'indemniser, sous une forme forfaitaire, la sujétion que représente pour l'ouvrier la nécessité de se rendre quotidiennement sur le chantier » ; que, dans ses écritures d'appel, la société Gounot a soutenu que Monsieur [C] n'avait pas de droit au paiement d'indemnités de trajet, car il n'était plus allé sur des chantiers dès la fin de l'année 2013 et que, pour les années 2012 et 2013, son indemnité de trajet avait été payée sous la dénomination de « prime de chantier » (p. 7 § 4) ; qu'il contestait donc le bien-fondé des demandes de paiement d'indemnités de trajet présentées par Monsieur [C] ; qu'en se bornant à calculer le montant des indemnités de trajets dues sur la base du nombre de jour de présence sur des chantiers, tel que pris en compte pour le calcul des primes de panier, sans rechercher, comme cela lui était demandé par la société Gounot, si le salarié n'avait pas droit aux indemnités de trajet qu'il demandait parce qu'elles lui avaient déjà été réglées sous la dénomination de « prime de chantier », privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 8.7 de la convention collective nationale des ouvriers des travaux publics du 15 décembre 1992 ;

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

La société Gounot fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ces chefs, de l'avoir condamnée à payer à Monsieur [C] les sommes de 3 200 euros de rappel d'heures supplémentaires pour les périodes du 6 au 15 avril 2012, du 16 au 20 mai 2012 et du 1er au 20 mai 2013, et 320 euros de congés payés afférents, d'avoir prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail liant Monsieur [C] à la société Gounot, d'avoir condamné, en conséquence, la société Gounot à payer à Monsieur [C] les sommes de 5 562 euros d'indemnité de préavis, 556,20 euros de congés payés afférents, 55 620 euros de dommages et intérêts pour la résiliation judiciaire produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'avoir dit que les sommes allouées à Monsieur [C] produiront intérêts au taux légal à compter de la convocation de la société Gounot devant le bureau de conciliation pour les sommes de nature salariale et à compter du prononcé de l'arrêt pour les sommes de nature indemnitaire et d'avoir dit que la société Gounot remettra à Monsieur [C], sans astreinte, un certificat de travail et l'attestation Pôle emploi conformes à l'arrêt ;

Alors, de première part, que, pour se prononcer sur les rappels d'heures supplémentaires réclamés par Monsieur [C], la cour d'appel s'est bornée à retenir qu'au regard des périodes retenues, soit du 6 au 15 avril 2012, du 16 au 20 mai 2012 et du 1er au 20 mai 2013, et du taux de majoration applicable dans l'entreprise notamment après accord de réduction du temps de travail, le rappel des heures supplémentaires sera fixé à 3 200 euros, outre 320 euros de congés payés afférents ; qu'en ne recherchant pas, comme la société Gounot le lui demandait, si, compte tenu notamment de ce que Monsieur [C] n'avait jamais réclamé le paiement d'heures supplémentaires, les tableaux qu'il produisait correspondaient à la réalité ou avaient été établis de toutes pièces, des années après les périodes concernées et pour les seuls besoins du contentieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3171-4 du code du travail ;

Alors, de deuxième part, qu'en ne recherchant pas, comme la société Gounot le lui demandait également, si les modalités de calcul des heures supplémentaires présentées dans les tableaux produits par le salarié étaient erronées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3171-4 du code du travail ;

Alors, de troisième part, qu'en ne recherchant pas, comme la société Gounot le lui demandait aussi, si les bulletins de paie du salarié, accompagnés des feuilles d'heures, qu'elle produisait n'attestaient pas du paiement par la société Gounot des heures supplémentaires effectuées par Monsieur [C], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3171-4 du code du travail ;

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

La société Gounot fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ces chefs, d'avoir condamné la société Gounot à payer à Monsieur [C] la somme de 25 467,37 euros de dommages et intérêts pour inégalité de traitement en matière salariale, d'avoir prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail liant Monsieur [C] à la société Gounot, d'avoir condamné, en conséquence, la société Gounot à payer à Monsieur [C] les sommes de 5 562 euros d'indemnité de préavis, 556,20 euros de congés payés afférents, 55 620 euros de dommages et intérêts pour la résiliation judiciaire produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'avoir dit que les sommes allouées à Monsieur [C] produiront intérêts au taux légal à compter de la convocation de la société Gounot devant le bureau de conciliation pour les sommes de nature salariale et à compter du prononcé de l'arrêt pour les sommes de nature indemnitaire et d'avoir dit que la société Gounot remettra à Monsieur [C], sans astreinte, un certificat de travail et l'attestation Pôle emploi conformes à l'arrêt ;

Alors, de première part, que la cour d'appel a retenu que les contre-indications médicales ne peuvent justifier une rémunération moindre pour un travail égal « ou indique exercé par d'autres ouvriers », et que, de plus, la communication du seul contrat de travail de Monsieur [O], autre salarié de la société Gounot auquel Monsieur [C] se comparait en termes de salaire, ne permet pas de vérifier les tâches effectivement exercées par celui-ci et de les comparer avec celles du salariée ; qu'en se fondant sur de tels motifs pour condamner la société Gounot à payer à Monsieur [C] des dommages-intérêts inégalité de traitement en matière salariale, la cour d'appel a violé le principe d'égalité de traitement ;

Alors, de deuxième part, qu'en ne procédant pas à une analyse comparée de la situation, des fonctions et des responsabilités effectivement exercées par les salariés concernés, en demandant éventuellement des informations complémentaires voire une expertise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe d'égalité de traitement ;

Alors, de troisième part, qu'en allouant à Monsieur [C] la totalité de la somme qu'il réclamait, pour la période allant du 21 avril 2012 au 5 décembre 2017 ayant servi de base à son calcul, sans rechercher, comme la société Gounot le lui demandait, si Monsieur [O], le salarié auquel Monsieur [C] se comparait pour établir qu'il aurait été victime d'une inégalité de traitement et dont elle demandait l'alignement en termes de salaire à partir du 21 avril 2012, n'était pas arrivé au sein de la société Gounot ultérieurement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe d'égalité de traitement ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-21890
Date de la décision : 28/09/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 16 septembre 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 28 sep. 2022, pourvoi n°20-21890


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, SCP Sevaux et Mathonnet

Origine de la décision
Date de l'import : 04/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.21890
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award