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29/06/2022 | FRANCE | N°21-11389

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 29 juin 2022, 21-11389


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 29 juin 2022

Cassation

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 783 F-D

Pourvoi n° P 21-11.389

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 JUIN 2022

M. [Z] [U], domicilié chez Mme [U], [Adresse

3], a formé le pourvoi n° P 21-11.389 contre l'arrêt rendu le 29 janvier 2020 par la cour d'appel de Versailles (17e chambre), dans le litige l...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 29 juin 2022

Cassation

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 783 F-D

Pourvoi n° P 21-11.389

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 JUIN 2022

M. [Z] [U], domicilié chez Mme [U], [Adresse 3], a formé le pourvoi n° P 21-11.389 contre l'arrêt rendu le 29 janvier 2020 par la cour d'appel de Versailles (17e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société [X] [W], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], prise en la personne de M. [X] [W], en qualité de mandataire liquidateur de la société Sernam services,

2°/ à l'association CGEA Ile-de-France Ouest (IDFO), dont le siège est [Adresse 1],

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Carillon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de M. [U], après débats en l'audience publique du 17 mai 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Carillon, conseiller référendaire rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 29 janvier 2020), M. [U] a été engagé le 30 octobre 2000 par le Service national de messagerie, filiale de la SNCF devenue en 2005 la société Sernam services.

2. En 2006, les sociétés Butler Capital Partners et FCPR France Private Equity III sont entrées au capital de la société Sernam express. Cette dernière a été absorbée par la société Financière Sernam qui détenait le capital des sociétés Sernam services et Aster.

3. Par jugement du 31 janvier 2012, le tribunal de commerce a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Sernam services, M. [W] étant désigné en qualité de mandataire liquidateur, et, par jugement du 13 avril 2012, prononcé la liquidation judiciaire de la société Sernam services.

4. Le 26 mars 2012, un accord collectif relatif aux modalités d'application des critères d'ordre des licenciements au sein de la société Sernam services a été signé. Un plan de sauvegarde de l'emploi a été présenté au comité d'entreprise les 25 et 27 avril 2012. Les licenciements pour motif économique ont été notifiés aux salariés non protégés par lettre du 3 mai 2012.

5. Contestant son licenciement et sollicitant la fixation de diverses sommes au passif de la société, le salarié a saisi la juridiction prud'homale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement est justifié par une cause réelle et sérieuse et de le débouter de ses demandes indemnitaires subséquentes, alors « que l'employeur est tenu avant tout licenciement économique de rechercher toutes les possibilités de reclassement existant, et s'il fait partie d'un groupe, auprès des autres sociétés de ce groupe, dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent entre elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; que, pour dire que le mandataire liquidateur avait satisfait à son obligation de reclassement, la cour d'appel a retenu que « la seule circonstance que le fonds d'investissement Butler Capital Partners participe au capital de sociétés exerçant des activités proches ou similaires à celles de la société Sernam services n'implique pas en soi la possibilité d'effectuer entre ces entités la permutation de tout ou partie du personnel et ne caractérise pas l'existence d'un groupe au sein duquel le reclassement devait s'effectuer » ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si les activités, l'organisation ou les lieux d'exploitation de la société Sernam services et des sociétés détenues par le fonds d'investissement Butler Capital Partners ayant une activité de transport ou de logistique permettaient d'effectuer une permutation de leurs personnels, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail en sa rédaction issue de la loi n° 2010-499 du 18 mai 2010. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1233-4 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, en vigueur du 20 mai 2010 au 8 août 2015 :

7. Selon ce texte, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. Cette recherche de possibilités de reclassement doit être réalisée par l'employeur, si la société fait partie d'un groupe, auprès des autres sociétés de ce groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent entre elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

8. La preuve de l'exécution de l'obligation de reclassement incombe à l'employeur et il appartient au juge, en cas de contestation sur l'existence ou le périmètre du groupe de reclassement, de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments qui lui sont soumis par les parties.

9. Pour dire le licenciement fondé, l'arrêt, après avoir relevé que le salarié reprochait à la société Sernam services d'avoir limité sa recherche aux seules sociétés Aster et Eurodis Gmb, société allemande du groupe, alors qu'au sein du groupe Butler Capital Partners il existait des entités exerçant des activités économiques proches, similaires ou connexes permettant la permutabilité des salariés, retient que la seule circonstance que le fonds d'investissement Butler Capital Partners participe au capital de sociétés exerçant des activités proches ou similaires à celles de la société Sernam services n'implique pas en soi la possibilité d'effectuer entre ces entités la permutation de tout ou partie du personnel et ne caractérise pas l'existence d'un groupe au sein duquel le reclassement devait s'effectuer.

10. En se déterminant ainsi, par des motifs inopérants, sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé, si les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation des entreprises du groupe auquel l'entreprise appartenait, ne permettaient pas d'effectuer la permutabilité de tout ou partie du personnel, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

Condamne la société [X] [W], prise en la personne de M. [W], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Sernam services, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [X] [W], prise en la personne de M. [W], ès qualités, et la condamne à payer à M. [U] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. [U]

M. [Z] [U] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que son licenciement est justifié par une cause réelle et sérieuse et de l'AVOIR débouté de ses demandes indemnitaires subséquentes ;

1°) ALORS QUE l'employeur est tenu avant tout licenciement économique de rechercher toutes les possibilités de reclassement existant, et s'il fait partie d'un groupe, auprès des autres sociétés de ce groupe, dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent entre elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; que, pour dire que le mandataire liquidateur avait satisfait à son obligation de reclassement, la cour d'appel a retenu que « la seule circonstance que le fonds d'investissement Butler Capital Partners participe au capital de sociétés exerçant des activités proches ou similaires à celles de la société Sernam services n'implique pas en soi la possibilité d'effectuer entre ces entités la permutation de tout ou partie du personnel et ne caractérise pas l'existence d'un groupe au sein duquel le reclassement devait s'effectuer » ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si les activités, l'organisation ou les lieux d'exploitation de la société Sernam services et des sociétés détenues par le fonds d'investissement Butler Capital Partners ayant une activité de transport ou de logistique permettaient d'effectuer une permutation de leurs personnels, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail en sa rédaction issue de la loi n° 2010-499 du 18 mai 2010 ;

2°) ALORS QU'il appartient à l'employeur de proposer au salarié menacé de licenciement pour motif économique, de manière personnalisée, les emplois disponibles prévus dans le plan de sauvegarde de l'emploi en rapport avec ses compétences, au besoin en lui faisant bénéficier d'une formation d'adaptation ; qu'en jugeant que le mandataire liquidateur avait satisfait à son obligation de reclassement, sans rechercher si les seize postes de reclassement inclus dans le plan de sauvegarde de l'emploi avaient été proposés, de manière personnalisée, à M. [U] ou étaient sans rapport avec sa qualification et ses compétences professionnelles, y compris après une formation d'adaptation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail en sa rédaction issue de la loi n° 2010-499 du 18 mai 2010 ;

3°) ALORS, subsidiairement, QUE la pertinence d'un plan de sauvegarde de l'emploi doit être appréciée en fonction des moyens dont disposent l'entreprise et le groupe dont elle fait partie pour maintenir les emplois ou faciliter le reclassement ; que s'agissant des moyens financiers du groupe, la pertinence doit s'apprécier compte tenu des moyens de l'ensemble des entreprises unies par le contrôle ou l'influence d'une entreprise dominante dans les conditions définies à l'article L. 2331-1 du code du travail sans qu'il y ait lieu de réduire le groupe aux entreprises situées sur le territoire national ; que pour dire le plan de sauvegarde de l'emploi suffisant, la cour d'appel a retenu, d'une part, qu'il n'est pas établi que le fonds d'investissement Butler Capital Partners détenait directement ou indirectement une fraction du capital de la société Financière Sernam lui conférant la majorité des droits de vote dans les assemblées générales, d'autre part, qu'il n'est ni établi ni allégué qu'il existait un pacte d'associés conférant au fonds d'investissement Butler Capital Partners le droit d'exercer une influence dominante sur la société Financière Sernam ; qu'en statuant ainsi, quand elle constatait que la société Financière Sernam, possédant 100 % du capital de la société Sernam services, était détenue à 80,32 % par le fonds d'investissement Butler Capital Partners, ce qui conférait nécessairement à ce dernier l'influence d'une entreprise dominante à leur égard, peu important qu'il n'ait pas usé de cette faculté de les contrôler directement ou indirectement ou n'ait pas organisé les modalités d'exercice d'un tel contrôle, la cour d'appel a violé l'article L. 1235-10 du code du travail en sa rédaction issue de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 ;

4°) ALORS, plus subsidiairement, QUE l'existence d'une influence dominante est présumée établie, lorsqu'une entreprise, directement ou indirectement, détient la majorité du capital souscrit d'une autre entreprise ; qu'il s'ensuit que, lorsqu'il est établi que l'employeur est détenu majoritairement, directement ou indirectement, par une société tierce, il lui appartient de démontrer que la fraction du capital ainsi détenue ne lui confère pas la majorité des droits de vote dans les assemblées générales ou ne lui permet pas d'exercer une influence dominante ; qu'en exigeant du salarié la preuve que la fraction du capital de la société Financière Sernam détenue par le fonds d'investissement Butler Capital Partners conférait à celui-ci la majorité des droits de vote dans les assemblées générales de cette société ou celle de l'existence d'un pacte d'associés conférant audit fonds le droit d'exercer une influence dominante sur la société Financière Sernam, quand elle constatait que le fonds d'investissement Butler Capital Partners détenait « 80,32 % du capital de la holding Financière Sernam qui détenait elle-même 100 % du capital des sociétés Sernam services et Aster », ce dont il résultait que ledit fonds était présumé, jusqu'à preuve contraire, exercer une influence dominante sur la société Sernam services, la cour d'appel renversé la charge de la preuve, violant l'article L. 1235-10 du code du travail en sa rédaction issue de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 et l'article L. 2331-1 du code du travail en sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 ;

5°) ET ALORS, plus subsidiairement encore, QU'à supposer que le fonds d'investissement Butler Capital Partners ne dispose pas de la majorité des droits de vote dans les assemblées générales ou que la fraction du capital détenue ne lui permette pas d'exercer une influence dominante, il appartenait à la cour d'appel de rechercher si cette influence n'était pas alors exercée, individuellement ou collectivement, par les sociétés PHC Management et Managers Sernam, dont elle constatait qu'elles détenaient respectivement 10,76 % et 8,92 % du capital de l'actionnaire unique de l'employeur ; que la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1235-10 du code du travail en sa rédaction issue de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21-11389
Date de la décision : 29/06/2022
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 29 janvier 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 29 jui. 2022, pourvoi n°21-11389


Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.11389
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