LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
LG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 29 juin 2022
Cassation sans renvoi
M. CATHALA, président
Arrêt n° 801 FS-B
Pourvoi n° Z 21-11.077
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 JUIN 2022
La société Kuehne+Nagel, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 1], a formé le pourvoi n° Z 21-11.077 contre le jugement rendu le 13 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Meaux (1re chambre), dans le litige l'opposant au comité social et économique central de la société Kuehne+Nagel, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Kuehne+Nagel, de la SCP Zribi et Texier, avocat du comité social et économique central de la société Kuehne+Nagel, et l'avis de M. Gambert, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 mai 2022 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Ott, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mmes Sommé, Agostini, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, M. Le Masne de Chermont, Mme Ollivier, conseillers référendaires, M. Gambert, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (président du tribunal judiciaire de Meaux, 13 janvier 2021), statuant selon la procédure accélérée au fond, le comité social et économique central de Kuehne+Nagel (le comité) s'est réuni le 30 septembre 2020 dans le cadre de la consultation sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et d'emploi. La société Kuehne+Nagel (la société) a communiqué à cette occasion le bilan de données économiques et sociales, le bilan sur l'emploi des travailleurs handicapés pour l'année 2019, le bilan intermédiaire de formation pour l'année 2020, la présentation du rapport sur l'égalité professionnelle pour l'année 2019 et la présentation commentée du bilan social pour l'année 2019.
2. Le comité s'est à nouveau réuni le 30 octobre 2020 mais son avis sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi n'a pu être recueilli. Le 12 novembre 2020, après convocation du 2 novembre, une nouvelle réunion du comité s'est tenue lors de laquelle son avis devait être recueilli. S'estimant insuffisamment informé, le comité a voté la désignation d'un expert.
3. La société a fait assigner devant le président du tribunal judiciaire le comité aux fins d'annuler la délibération du 12 novembre 2020 portant désignation d'un expert.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
4. La société fait grief au jugement de rejeter ses demandes, alors :
« 1°/ qu'aux termes de l'article L. 2323-3 du code du travail alors applicable, sauf dispositions législatives spéciales, l'accord défini à l'article L. 2323-7 ou, en l'absence de délégué syndical, un accord entre l'employeur et le CSE, adopté à la majorité des membres titulaires élus du comité, ou, à défaut d'accord, un décret en Conseil d'Etat fixe les délais dans lesquels les avis du comité sont rendus dans le cadre des consultations prévues aux articles L. 2323-10, L. 2323-12, L. 2323-15 et L. 3121-28 à L. 3121-39, ainsi qu'aux consultations ponctuelles prévues à la présente section ; qu'en cas d'accord fixant le délai dans lequel le CSE doit rendre son avis, ce dernier est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif s'il n'a pas émis d'avis avant l'expiration du délai ; que le délai préfix ainsi déterminé par accord ne saurait être repoussé unilatéralement par la décision tardive du CSE de désigner un expert ; qu'en déboutant pourtant la société Kuehne+Nagel de sa demande d'annulation de la délibération du 12 novembre 2020 portant désignation d'un expert, aux motifs inopérants que, du fait de la décision du CSE de recourir à un expert prise le 12 novembre 2020, soit le dernier jour du délai préfix de consultation fixé par accord, "la durée de consultation a été portée à deux mois avec effet rétroactif à compter du point de départ", quand il avait constaté que le CSEC et l'employeur avaient conjointement fixé au 12 novembre 2020 le délai, initialement fixé au 30 octobre 2020, à l'expiration duquel le CSEC était réputé avoir rendu son avis, de sorte que la décision du CSE ne pouvait rétroactivement rendre applicable le délai règlementaire de deux mois applicable à défaut de délai fixé par accord et que le délai de consultation expirait ainsi le 12 novembre 2020, le tribunal judiciaire a violé les articles L. 2323-3, R. 2323-1-1, L. 2312-16, R. 2312-6 et L. 2315-91 du code du travail ;
2°/ qu'aux termes de l'article L. 2323-3 du code du travail alors applicable, sauf dispositions législatives spéciales, l'accord défini à l'article L. 2323-7 ou, en l'absence de délégué syndical, un accord entre l'employeur et le CSE, adopté à la majorité des membres titulaires élus du comité, ou, à défaut d'accord, un décret en Conseil d'Etat fixe les délais dans lesquels les avis du comité sont rendus dans le cadre des consultations prévues aux articles L. 2323-10, L. 2323-12, L. 2323-15 et L. 3121-28 à L. 3121-39, ainsi qu'aux consultations ponctuelles prévues à la présente section ; qu'en cas d'accord fixant le délai dans lequel le CSE doit rendre son avis, ce dernier est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif s'il n'a pas émis d'avis avant l'expiration du délai ; que le délai de consultation court à compter de la date à laquelle le comité d'entreprise a reçu une information le mettant en mesure d'apprécier l'importance de l'opération envisagée et de saisir le président du tribunal de grande instance s'il estime que l'information communiquée est insuffisante ; que pour débouter la société Kuehne+Nagel de sa demande d'annulation de la délibération du 12 novembre 2020 portant désignation d'un expert, le tribunal judiciaire a retenu que "il ne peut, toutefois, être reproché au CSEC de n'avoir pas voté l'expertise ou émis de réserves lors de la réunion précédente puisque les parties ont ensemble reconnu avoir été empêchées d'aborder la politique sociale de l'entreprise inscrite à l'ordre du jour faute de temps" et que la présentation de la politique sociale détaillée par la société lors de la réunion du 12 novembre 2020 "doit être analysée comme constitutive d'une information complémentaire de nature à justifier d'une nécessité nouvelle de s'adjoindre l'assistance d'un expert" ; qu'en statuant par de tels motifs, inopérants, tandis qu'il résultait de ses propres constatations, d'une part, que le CSEC et l'employeur avaient par accord fixé le délai préfix de consultation au 12 novembre 2020 et d'autre part, que les informations communiquées par l'employeur le 30 septembre 2020 étaient suffisantes et avaient valablement déclenché le délai de consultation, sans que le CSEC n'entende recourir à l'assistance d'un expert sur la base de ces informations, ni n'excipe de leur insuffisance pour pouvoir utilement exprimer son avis, le tribunal judiciaire a violé les articles L. 2323-3, R. 2323-1-1, L. 2312-16, R. 2312-6 et L. 2315-91 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 2312-16, L. 2315-91, R. 2312-6 et R. 2315-47 du code du travail :
5. Aux termes de l'article L. 2312-16 du code du travail, sauf dispositions législatives spéciales, l'accord défini à l'article L. 2312-19 et à l'article L. 2312-55 ou, en l'absence de délégué syndical, un accord entre l'employeur et le comité social et économique ou, le cas échéant, le comité social et économique central, adopté à la majorité des membres titulaires de la délégation du personnel du comité, ou, à défaut d'accord, un décret en Conseil d'Etat fixe les délais dans lesquels les avis du comité social et économique ou, le cas échéant, du comité social et économique central sont rendus dans le cadre des consultations prévues au présent code. Ces délais permettent au comité social et économique ou, le cas échéant, au comité central d'exercer utilement sa compétence, en fonction de la nature et de l'importance des questions qui lui sont soumises. A l'expiration de ces délais ou du délai mentionné au cinquième alinéa de l'article L. 2312-15, le comité ou, le cas échéant, le comité central, est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif.
6. Selon l'article L. 2315-91 du même code, le comité social et économique peut décider de recourir à un expert-comptable dans le cadre de la consultation sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi mentionnée au 3° de l'article L. 2312-17.
7. Selon l'article R. 2312-6 du code du travail, à défaut d'accord, le comité social et économique dispose d'un délai d'un mois, porté à deux mois en cas d'intervention d'un expert, pour donner un avis motivé dans le cadre d'une consultation faite par l'employeur.
8. Aux termes de l'article R. 2315-47 du code du travail, l'expert remet son rapport au plus tard quinze jours avant l'expiration des délais de consultation du comité social et économique mentionnés aux second et troisième alinéas de l'article R. 2312-6.
9. Il en résulte que les dispositions de l'article R. 2312-6 n'ont vocation à s'appliquer qu'en l'absence d'accord collectif de droit commun ou d'un accord entre le comité social et économique et l'employeur fixant d'autres délais que ceux prévus à cet article.
10. Pour rejeter la demande en annulation de l'expertise décidée par le comité le 12 novembre 2020, après avoir constaté que, le 30 octobre 2020, l'avis du comité n'avait pu être recueilli en raison des circonstances du déroulement de la réunion et qu'une réunion extraordinaire du comité social et économique avait été convoquée le 2 novembre 2020 et s'était tenue le 12 novembre 2020 lors de laquelle devait être recueilli l'avis du comité et retenu que, dès lors, le délai de consultation avait été prorogé au 12 novembre 2020 d'un commun accord, le jugement retient que l'expert a été désigné lors de la dernière réunion, le 12 novembre 2020, et non postérieurement de sorte qu'il ne saurait valablement être soutenu que le silence du comité vaut avis négatif, que l'employeur fait abstraction de l'extension du délai de consultation résultant de la désignation de l'expert, la durée de la consultation étant en effet portée à deux mois avec effet rétroactif à compter du point de départ.
11. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que les informations communiquées ou mises à disposition du comité le 30 septembre 2020 ont marqué le point de départ de la consultation et, d'autre part, que l'employeur et le comité social et économique central étaient convenus par un commun accord de reporter le terme du délai de consultation au 12 novembre 2020, ce dont il aurait dû déduire que cet accord excluait l'application des délais réglementaires fixés, à défaut d'accord, par l'article R. 2312-6 du code du travail et qu'au jour où il statuait, le délai étant échu, le comité était réputé avoir émis un avis négatif de sorte que l'expertise ne pouvait qu'être annulée, le président du tribunal a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
12. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
13. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 13 janvier 2021, entre les parties, par le président du tribunal judiciaire de Meaux ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ANNULE la délibération du comité social et économique central de la société Kuehne+ Nagel du 12 novembre 2020 portant désignation d'un expert ;
Condamne le comité social et économique central de la société Kuehne+Nagel aux dépens, en ce compris les dépens exposés devant le président du tribunal ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes, en ce compris celles formées devant le président du tribunal judiciaire ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat aux Conseils, pour la société Kuehne+Nagel
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR rejeté toutes les demandes de la société Kuehne + Nagel ;
AUX MOTIFS QUE sur la demande principale tendant à la nullité de la délibération adoptée le 12 novembre 2020 ; en vertu de l'article L. 2315-86 du code du travail, l'employeur qui conteste la nécessité de l'expertise décidée par le CSEC saisi le juge judiciaire dans un délai de dix jours, statuant lui-même dans un délai de même durée, selon la procédure accélérée au fond ; l'exécution de la délibération du CSEC est suspendue comme sa consultation ; aux termes des articles 4.1.3 et 4.3 de l'accord collectif portant sur le fonctionnement des comités sociaux, économiques et la représentation du personnel au sein de la société du 28 novembre 2018, le CSEC est informé et consulté sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi tous les trois ans ; les données intégrées à la BDES sont en revanche actualisées annuellement ; selon l'article 4.3, les membres du CSEC sont rendus destinataires des informations mentionnées à l'article 4.3.3 : « le bilan social, les informations relatives à la situation comparée des femmes et des hommes au sein de l'entreprise, les actions en faveur de l'emploi des travailleurs handicapés, les informations sur le plan de formation du personnel de l'entreprise, ou tout autre document existant et nécessaire à la compréhension de la politique sociale de l'entreprise » ; la procédure d'information-consultation des institutions représentatives du personnel est encadrée par des délais qui peuvent être fixés par accord ; à défaut d'accord formel et lorsque la loi ne fixe pas de délais spécifiques, le délai de consultation du comité d'entreprise est fixé à 1 mois par l'article R. 2323-1-1 du code du travail. Ce délai est porté à deux mois en cas d'intervention d'un expert ; par tempérament, les parties peuvent, à l'issue d'un accord informel, proroger ce délai sans limite de durée sous réserve d'informations nouvelles transmises par l'employeur et de la provocation d'une réunion extraordinaire (Cass. Soc., 08 juillet 2020, n° 19-10.987) ; l'article L. 2315-91 du code du travail dispose que le CSEC peut décider de recourir à un expert-comptable dans le cadre de la consultation sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi ; la procédure d'information-consultation est close, soit à compter de l'avis exprimé, soit à l'expiration du délai ; en cas de silence gardé à cette date, le comité est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif, conformément à l'article R. 2312-6 du code du travail et L. 2312-16 du même code ; l'article R. 2323-1 du code du travail précise que le délai court à compter de la communication par l'employeur des informations prévues par le code du travail pour la consultation ou l'information par l'employeur de leur mise à disposition dans la base de données dans les conditions prévues aux articles R. 2323-1-5 et suivants ; ces informations doivent, selon l'article L. 2323-4 du code du travail, être précises et écrites, pour permettre au comité d'entreprise de formuler un avis motivé ; en cas de difficultés particulières d'accès aux informations nécessaires à la formulation de l'avis, le juge peut, après avoir constaté ces difficultés, accorder une prorogation du délai prévu à l'article L. 2323-3 ; le délai court à compter de la date à laquelle les informations permettant d'appréhender, au moins pour partie, la politique sociale de l'entreprise ont été communiquées ou mise à disposition du CSEC (Soc., 21 septembre 2016, n° 15-19.003) ; A l'inverse, le délai n'a pas commencé à courir lorsque les informations n'ont pas été communiquées ou mises à disposition ou lorsqu'elles sont d'une insuffisance telle qu'elles ne permettent aucunement au CSEC de commencer à former son avis ; c'est ainsi qu'il a été jugé: "Dans l'exercice de ses attributions consultatives, le comité d'entreprise émet des avis et voeux, et dispose pour ce faire d'un délai d'examen suffisant fixé par accord ou, à défaut, par la loi ; que lorsque les éléments d'information fournis par l'employeur ne sont pas suffisants, les membres élus du comité peuvent saisir le président du tribunal de grande instance pour qu'il ordonne la communication par l'employeur des éléments manquants ; que cependant lorsque la loi ou l'accord collectif prévoit la communication ou la mise à disposition de certains documents, le délai de consultation ne court qu'à compter de cette communication" (Soc., 28 mars 2018, n° 17-13081, Bull. V n° 49) ; en l'espèce, les informations communiquées ou mises à disposition du CSEC le 30 septembre 2020 ont marqué le point de départ de la consultation tri annuelle sur la politique sociale de l'entreprise, des conditions de travail et de l'emploi ; c'est sans pertinence que les parties développent des considérations de pur droit sans incidence sur l'issue de leur litige puisqu'elles admettent, de part et d'autre, que ce délai préfixe n'a pas expiré à la date initialement prévue ; indifféremment des conditions exigées par la cour pour que soit retenue l'hypothèse d'une prorogation informelle, les parties s'accordent sur la chronologie suivante : les informations sur la politique sociale, les conditions de travail et d'emploi ont été communiquées au 30 septembre 2020 dans le cadre de la procédure de consultation, événement marquant le point de départ du délai de préfixe, légalement fixé à un mois ; elles admettent cependant que le 30 octobre 2020, l'avis du CSEC n'a pu être recueilli par la direction de la société Kuehne + Nagel en raison de circonstances liées au déroulement même de la réunion, les participants ayant abondamment discuté des autres points inscrits à l'ordre du jour et confirment que le 02 novembre 2020, une réunion extraordinaire a été convoquée et fixée au 12 novembre 2020 afin de recueillir cet avis dans des conditions plus favorables ; à la lumière de ce qui précède, il se déduit légitimement que le délai préfix, qui devait initialement expirer le 30 octobre 2020 a été prorogé au 12 novembre 2020 ; or, c'est à cette date que la délibération portant désignation d'un expert a été adoptée ; il est constant que la désignation de l'expert doit intervenir avant l'expiration des délais de consultation ; cela ne permet pas d'en induire que CSEC soit tenu d'exprimer son avis avant le dernier jour du délai mais au plus tard ce dernier jour ; au cas présent, il est constant que l'expert a été désigné lors de cette dernière réunion et non postérieurement de sorte qu'il ne saurait valablement être soutenu que le silence du CSEC vaut avis négatif ; le moyen soutenu de ce chef sera en conséquence rejeté ; s'agissant du second moyen, la société Kuehne + Nagel invoque d'une part le caractère tardif de la désignation au regard du délai raisonnable, distinct par sa durée du délai préfix, d'autre part le caractère tardif du dépôt prévisible du rapport au regard du délai préfix, considérant que cette tardiveté prive de toute utilité la mission de l'expert ; ce faisant, la société KUEHNE + NAGEL part du principe acquis, dans les deux cas, selon lequel le CSEC est réputé avoir exprimé un avis négatif ,faisant ainsi abstraction de l'extension de ce délai résultant de la désignation de l'expert. En effet, la durée de la consultation a été portée à deux mois avec effet rétroactif à compter du point de départ ; à ce stade, le tribunal ne s'étant pas encore prononcé sur le sort réservé à la délibération, il doit être considéré qu'elle a eu pour effet de porter le délai préfix au 30 décembre 2020 ; ainsi, la désignation tardive de l'expert ne doit pas systématiquement être regardée comme inutile, encore doit-il être justifié de l'impossibilité pour le CSEC de bénéficier des éclaircissements de l'expert en temps utile ; les décisions évoquées ou produites à ce sujet concernent des hypothèses où le CSEE ou CSEC a désigné un expert après la clôture de la consultation, un avis ayant déjà été exprimé avant l'expiration du délai préfix ; la cour de cassation a en conséquence estimé que l'avis ayant déjà été exprimé, que la consultation avait pris fin, et qu'en conséquence la mesure d'expertise, postérieure, ne pouvait avoir pour finalité d'aider le CSEE ou CSEC à former son avis ; compte tenu des motifs précédemment développés, cette analyse ne saurait être retenue comme ne s'appliquant pas à l'espèce ; le caractère raisonnable ou non du délai doit dès lors être apprécié en considération des circonstances ayant entouré la désignation ; il a déjà été démontré que cette désignation est intervenue à la date à laquelle le délai préfix devait expirer. Il ne peut, toutefois, être reproché au CSEC de n'avoir pas voté l'expertise ou émis de réserves lors de la réunion précédente puisque les parties ont ensemble reconnu avoir été empêchées d'aborder la politique sociale de l'entreprise inscrite à l'ordre du jour, faute de temps ; à l'occasion de la réunion de report, la société KUEHNE + NAGEL s'est livrée à une présentation de sa politique sociale très détaillée comme en témoigne l'enregistrement audio produit aux débats par le CSEC ; cette présentation apporte de nombreuses précisions sur les éléments déjà en possession du CSEC. En ce sens, elle doit être analysée comme constitutive d'une information complémentaire de nature à justifier d'une nécessité nouvelle de s'adjoindre l'assistance d'un expert ; par suite, le raisonnement de la société Kuehne + Nagel fondé sur le caractère tardif de la désignation de l'expert au regard de l'exigence prétorienne du délai raisonnable ne saurait prospérer ; enfin, le délai laissé à l'expert pour mener ses opérations et en communiquer le résultat au CSEC étant de 15 jours, il ne saurait être présumé d'un dépôt de rapport postérieur à la clôture de la consultation, événement à ce jour purement hypothétique. En effet, le CSEC dispose d'au moins trois jours après la date limite de dépôt du rapport pour prendre connaissance de ses travaux et se les approprier ; dès lors, le raisonnement de la société Kuehne + Nagel tiré du caractère tardif du futur dépôt du rapport au regard du délai préfixe ne saurait davantage être retenu ; du tout, il résulte que l'expert a été désigné avant l'expiration du délai préfix initialement d'un mois, porté rétroactivement à deux mois, et avant qu'un avis ait été exprimé par le CSEC, sans qu'il ne soit justifié de l'inutilité de cette mesure ou de son caractère dilatoire ou vexatoire ; en conséquence, la société Kuehne+Nagel sera déboutée de sa demande d'annulation de la délibération du 12 novembre 2020 ; - Sur la demande subsidiaire tendant à la réduction du prix de l'expertise : le coût prévisionnel est étroitement lié aux autres motifs d'opposition tenant à la nécessité de l'expertise, la désignation de l'expert, l'étendue ou le délai de l'expertise et sa contestation est soumise à la même procédure que celle applicable à ces éléments (Article L. 4614-13 alinéa 2 du code du travail) ; il pourrait sembler illogique d'introduire une possibilité de contestation a priori du coût prévisionnel à un stade où, par définition, ce coût ne peut être connu avec certitude, même à l'aide d'un devis. Ce coût est en effet fonction des travaux qui seront, in fine, réalisés par l'expert ; ainsi, seule la contestation portant sur le bien-fondé et les modalités de l'expertise pourrait sembler pertinente à ce stade, rien ne l'interdit néanmoins au plan textuel ; compte tenu de ce lien étroit entre la contestation portant, à titre principal, sur la délibération du CSEC et le recours à une expertise puis, à titre subsidiaire, sur la contestation du périmètre de la mission et de ses modalités financières, sachant en outre que la lettre de mission a été élaborée au vu du cahier des charges établi par ledit comité, la société Kuehne+Nagel justifie d'un intérêt légitime à élever cette contestation dans le cadre de la présente instance de sorte que la fin de non-recevoir invoquée par le CSEC, tirée du défaut d'intérêt à agir, doit être rejetée ; il est non moins patent que le cabinet d'expertise 3E CONSULTANTS, pressenti pour cette mission et directement concerné par la nature et l'objet de la présente contestation n'a pas été appelé dans la cause de sorte qu'il n'a pas été mis en mesure d'apporter les informations et réclamées ni de répondre aux critiques soulevées, de sorte qu'il ne peut, en l'état actuel de la procédure, être statué sur ce chef de demande, lequel sera dès lors rejeté ; il sera rappelé, en tout état de cause que la portée de la lettre de mission ne doit pas être surévaluée, en effet le montant des honoraires de l'expert ne donne lieu qu'à une estimation et leur montant définitif dépend du travail réalisé ; en outre la signature de la lettre par l'employeur ne fait pas obstacle à une contestation ultérieure ;
1) ALORS QU'aux termes de l'article L. 2323-3 du code du travail alors applicable, sauf dispositions législatives spéciales, l'accord défini à l'article L. 2323-7 ou, en l'absence de délégué syndical, un accord entre l'employeur et le CSE, adopté à la majorité des membres titulaires élus du comité, ou, à défaut d'accord, un décret en Conseil d'Etat fixe les délais dans lesquels les avis du comité sont rendus dans le cadre des consultations prévues aux articles L. 2323-10, L. 2323-12, L. 2323-15 et L. 3121-28 à L. 3121-39, ainsi qu'aux consultations ponctuelles prévues à la présente section ; qu'en cas d'accord fixant le délai dans lequel le CSE doit rendre son avis, ce dernier est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif s'il n'a pas émis d'avis avant l'expiration du délai ; que le délai préfix ainsi déterminé par accord ne saurait être repoussé unilatéralement par la décision tardive du CSE de désigner un expert ; qu'en déboutant pourtant la société Kuehne+Nagel de sa demande d'annulation de la délibération du 12 novembre 2020 portant désignation d'un expert, aux motifs inopérants que, du fait de la décision du CSE de recourir à un expert prise le 12 novembre 2020, soit le dernier jour du délai préfix de consultation fixé par accord, « la durée de consultation a été portée à deux mois avec effet rétroactif à compter du point de départ », quand il avait constaté que le CSEC et l'employeur avaient conjointement fixé au 12 novembre 2020 le délai, initialement fixé au 30 octobre 2020, à l'expiration duquel le CSEC était réputé avoir rendu son avis, de sorte que la décision du CSE ne pouvait rétroactivement rendre applicable le délai réglementaire de deux mois applicable à défaut de délai fixé par accord et que le délai de consultation expirait ainsi le 12 novembre 2020, le tribunal judiciaire a violé les articles L. 2323-3, R. 2323-1-1, L. 2312-16, R. 2312-6 et L. 2315-91 du code du travail ;
QU'aux termes de l'article L. 2323-3 du code du travail alors applicable, sauf dispositions législatives spéciales, l'accord défini à l'article L. 2323-7 ou, en l'absence de délégué syndical, un accord entre l'employeur et le CSE, adopté à la majorité des membres titulaires élus du comité, ou, à défaut d'accord, un décret en Conseil d'Etat fixe les délais dans lesquels les avis du comité sont rendus dans le cadre des consultations prévues aux articles L. 2323-10, L. 2323-12, L. 2323-15 et L. 3121-28 à L. 3121-39, ainsi qu'aux consultations ponctuelles prévues à la présente section ; qu'en cas d'accord fixant le délai dans lequel le CSE doit rendre son avis, ce dernier est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif s'il n'a pas émis d'avis avant l'expiration du délai ; que le délai de consultation court à compter de la date à laquelle le comité d'entreprise a reçu une information le mettant en mesure d'apprécier l'importance de l'opération envisagée et de saisir le président du tribunal de grande instance s'il estime que l'information communiquée est insuffisante ; que pour débouter la société Kuehne+Nagel de sa demande d'annulation de la délibération du 12 novembre 2020 portant désignation d'un expert, le tribunal judiciaire a retenu que « il ne peut, toutefois, être reproché au CSEC de n'avoir pas voté l'expertise ou émis de réserves lors de la réunion précédente puisque les parties ont ensemble reconnu avoir été empêchées d'aborder la politique sociale de l'entreprise inscrite à l'ordre du jour faute de temps » et que la présentation de la politique sociale détaillée par la société lors de la réunion du 12 novembre 2020 « doit être analysée comme constitutive d'une information complémentaire de nature à justifier d'une nécessité nouvelle de s'adjoindre l'assistance d'un expert » ; qu'en statuant par de tels motifs, inopérants, tandis qu'il résultait de ses propres constatations, d'une part, que le CSEC et l'employeur avaient par accord fixé le délai préfix de consultation au 12 novembre 2020 et d'autre part, que les informations communiquées par l'employeur le 30 septembre 2020 étaient suffisantes et avaient valablement déclenché le délai de consultation, sans que le CSEC n'entende recourir à l'assistance d'un expert sur la base de ces informations, ni n'excipe de leur insuffisance pour pouvoir utilement exprimer son avis, le tribunal judiciaire a violé les articles L. 2323-3, R. 2323-1-1, L. 2312-16, R. 2312-6 et L. 2315-91 du code du travail ;
3) ALORS en toute hypothèse QUE selon l'article R. 2323-1-1 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable, le comité d'entreprise dispose d'un délai d'un mois, porté à deux mois en cas d'intervention d'un expert, pour donner un avis motivé dans le cadre d'une consultation faite par l'employeur ; qu'en retenant que « le tribunal ne s'étant pas encore prononcé sur le sort réservé à la délibération, il doit être considéré qu'elle a eu pour effet de porter le délai préfix au 30 décembre 2020 », portant ainsi à trois mois le délai de consultation qui avait commencé à courir le 30 septembre 2020, le tribunal judiciaire a violé le texte susvisé ;
4) et ALORS en toute hypothèse QUE le CSE doit désigner l'expert dans un délai raisonnable, donnant un effet utile au recours à l'expertise afin de pouvoir émettre son avis dans le délai préfix de consultation applicable ; que selon l'article R. 2315-47, alinéa 1er, du code du travail, l'expert remet son rapport au plus tard quinze jours avant l'expiration des délais de consultation du comité social et économique mentionnés aux second et troisième alinéas de l'article R. 2312-6 ; qu'en affirmant, pour débouter la société Kuehne+Nagel de sa demande d'annulation de la délibération du 12 novembre 2020 portant désignation d'un expert, que « le délai laissé à l'expert pour mener ses opérations et en communiquer le résultat au CSEC étant de 15 jours, il ne saurait être présumé d'un dépôt de rapport postérieur à la clôture de la consultation, événement à ce jour purement hypothétique » et que « le CSEC dispose d'au moins trois jours après la date limite de dépôt du rapport pour prendre connaissance de ses travaux et se les approprier », quand, à supposer même que le délai de consultation ait pu être regardé comme rétroactivement porté au 30 novembre 2020, l'expert devait déposer son rapport au plus tard 15 jours avant l'expiration de ce délai, soit le 15 novembre 2020, ce dont il s'évinçait de plus fort que la décision de désigner un expert prise le 12 novembre 2020 – l'expert n'ayant effectivement été missionné que le 16 novembre suivant- n'avait pas été prise dans un délai raisonnable et avec un effet utile, mais était au contraire nécessairement tardive et dilatoire, le tribunal judiciaire a violé le texte susvisé, ensemble les articles L. 2323-3, R. 2323-1-1, L. 2312-16, R. 2312-6 et L. 2315-91 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR rejeté toutes les demandes de la société Kuehne + Nagel ;
AUX MOTIFS QUE - Sur la demande subsidiaire tendant à la réduction du prix de l'expertise : le coût prévisionnel est étroitement lié aux autres motifs d'opposition tenant à la nécessité de l'expertise, la désignation de l'expert, l'étendue ou le délai de l'expertise et sa contestation est soumise à la même procédure que celle applicable à ces éléments (Article L. 4614-13 alinéa 2 du code du travail) ; il pourrait sembler illogique d'introduire une possibilité de contestation a priori du coût prévisionnel à un stade où, par définition, ce coût ne peut être connu avec certitude, même à l'aide d'un devis. Ce coût est en effet fonction des travaux qui seront, in fine, réalisés par l'expert ; ainsi, seule la contestation portant sur le bien-fondé et les modalités de l'expertise pourrait sembler pertinente à ce stade, rien ne l'interdit néanmoins au plan textuel ; compte tenu de ce lien étroit entre la contestation portant, à titre principal, sur la délibération du CSEC et le recours à une expertise puis, à titre subsidiaire, sur la contestation du périmètre de la mission et de ses modalités financières, sachant en outre que la lettre de mission a été élaborée au vu du cahier des charges établi par ledit comité, la société Kuehne+Nagel justifie d'un intérêt légitime à élever cette contestation dans le cadre de la présente instance de sorte que la fin de non-recevoir invoquée par le CSEC, tirée du défaut d'intérêt à agir, doit être rejetée ; il est non moins patent que le cabinet d'expertise 3E CONSULTANTS, pressenti pour cette mission et directement concerné par la nature et l'objet de la présente contestation n'a pas été appelé dans la cause de sorte qu'il n'a pas été mis en mesure d'apporter les informations et réclamées ni de répondre aux critiques soulevées, de sorte qu'il ne peut, en l'état actuel de la procédure, être statué sur ce chef de demande, lequel sera dès lors rejeté ; il sera rappelé, en tout état de cause que la portée de la lettre de mission ne doit pas être surévaluée, en effet le montant des honoraires de l'expert ne donne lieu qu'à une estimation et leur montant définitif dépend du travail réalisé ; en outre la signature de la lettre par l'employeur ne fait pas obstacle à une contestation ultérieure ;
ALORS QUE l'employeur est en droit de contester le coût prévisionnel de l'expertise, si celle-ci paraît, a priori, inadéquate et /ou excessive, dans sa consistance comme sa durée ; que pour débouter la société Kuehne+Nagel de sa demande subsidiaire tendant à la réduction du coût prévisionnel de l'expertise évaluée par l'expert, le tribunal judiciaire a retenu que l'expert « n'a pas été mis en mesure d'apporter les informations réclamées ni de répondre aux critiques soulevées » ; qu'en statuant ainsi, par un motif inopérant, quand il résultait de ses propres constatations que l'expert avait été désigné le 12 novembre 2020, que le CSEC devait, en toute hypothèse, rendre son avis au plus tard le 30 novembre 2020, et que l'employeur soutenait sans être contredit que le devis de l'expert était établi sur la base d'une durée de mission de 50 jours, comme telle nécessairement excessive dès lors qu'elle dépassait en toute hypothèse le délai de remise du rapport retenu par le tribunal lui-même mais aussi le délai de consultation du CSE, de sorte que le coût prévisionnel de l'expertise devait être réduit sans qu'il soit nullement besoin à ce stade que l'expert soit appelé pour apporter d'éventuelles précisions sur la consistance exacte des missions et diligences accomplies, ce qui relève, le cas échéant, de la contestation a posteriori du coût final de l'expertise, le tribunal judiciaire a violé l'article R. 2315-47, ensemble l'article L. 2315-86 du code du travail.